La sentence est tombée vendredi dernier. Après deux jours de délibérations, la commission d'aide à la production cinématographique, présidée par Driss Ben Ali, a dévoilé les projets de films qui bénéficieront du soutien financier de l'Etat. Ainsi, cinq projets se partageront la somme de 16 MDH accordée sous forme d'avances sur recettes. Trois jours durant (du 25 au 27 avril), la commission d'aide composée s'est penchée sur l'étude de 22 scénarios (20 projets de long-métrage et 2 de court-métrage étaient présentés lors de cette session). Elle a visionné également cinq films de réalisateurs candidats à l'avance sur recettes après production (2 longs et 3 courts) et étudié une demande de prime à la qualité. Notons que cette commission est composée de Sabah Bendaoud, de Fatima Ifriqui, de Mohamed Hicham Regragui, de Thami Hejaj, d'Ali Hassan, de Tariq Khalami, de Mohamed Belfqih de Abdelkrim Berrechid, de Driss Tahiri et de Hicham Syabri. Par ailleurs, ces professionnels ont rencontré, vendredi, les vingt-deux réalisateurs qui ont essayé, chacun de leur côté, de défendre leurs films. En un mot, Driss Ben Ali et les membres de sa commission ont eu une fin de semaine assez chargée. Et ce sont Karyan Bollywood de Yassine Fennane (5,6 MDH), Agadir Express, de Youssef Fadel (3,95 MDH), Viol en scène de Youness Reggab (3,8 MDH), L'insoumise de Jawad Rhalib et Grégory Lecoq (2,5 MDH) et le court-métrage Moment dans la vie de Rabii Saïd (150.000 DH), qui ont été sélectionnés par ladite commission. Cette structure semble rompre avec les anciennes méthodes en instaurant de nouvelles démarches. Aujourd'hui, la commission joue la carte de la transparence en communiquant systématiquement les raisons de refus de l'octroi de subventions pour une production donnée. De plus, les réalisateurs peuvent désormais défendre leurs projets devant ladite commission. Le président de cette structure, Driss Ben Ali, préfère ne pas commenter les résultats de cette première session ou même de discuter du secteur cinématographique, afin d'éviter de voir «mal interpréter ses propos». Toujours est-il, une véritable mue du fonds d'aide à la production cinématographique est lancée. De réformes en réformes Créé dans les années 1980, ce système se présente comme l'une des «mesures d'encouragement mises en place pour promouvoir la production cinématographique nationale». Ainsi, et depuis 1988, un total de 515,19 MDH a été octroyé aux films marocains, longs et courts métrages confondus. Plébiscité par certains, décrié par d'autres, ce fonds a néanmoins permis d'enregistrer un progrès au niveau du nombre de films produits annuellement. Entre 1980 et 1987, quelques 35 longs-métrages et 30 courts-métrages ont été réalisés, contre 58 longs et 38 courts durant la période allant de 1987 à 1999, et puis l'on a commencé à produire plus de 20 longs-métrages, par an, pulvérisant tous les records. «Pour le moment, le plus important est la quantité. La qualité viendra par la suite», ne cesse de répéter le directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), Nour-Eddine Saïl. Toutefois et malgré ces «performances», le fonds d'aide a montré ses limites à travers le temps. En 1987, par exemple, le CCM, en accord avec les chambres professionnelles, a proposé une refonte pour que ce fonds puisse disposer de nouvelles ressources. Dix sept ans plus tard, une nouvelle réforme s'imposait. La nouvelle réglementation stipulait l'octroi d'une avance sur recettes avant ou après production, la contribution financière à l'écriture et à la réécriture du scénario, l'octroi d'une prime à la qualité des films et la tenue de trois sessions annuelles de la commission d'aide au lieu de deux sessions. Sur le plan technique, la réglementation mise en place en 2004 autorisait, notamment, le tournage sur les sites historiques ou la location des hélicoptères de la Gendarmerie royale. Autant de mesures prises afin de développer le secteur. Cependant, le cinéma au Maroc n'arrive toujours pas à se transformer en une véritable industrie. Si l'Etat soutient la production cinématographique, la distribution et l'exploitation demeurent négligées. «Je ne comprends pas... On produit des films pour que les gens puissent les voir dans les salles, ce qui n'est pas le cas pour le Maroc vu que les salles ferment les unes après les autres. Je me pose donc la question : pour qui produit-on ?», se demande le producteur Sari Fassi Fihri. Le piratage, l'écriture de scénario (l'un des parents pauvres de la chaîne), s'ajoutent à la longue liste qui empêche notre cinéma de décoller pour de bon. Face à cette situation paradoxale, le ministre de la Communication a décidé de mettre en place un cahier des charges. Toujours en préparation, ce cahier devrait se présenter comme une feuille de route du secteur. Toutefois, l'on sait déjà que la stratégie de Mustafa El Khalfi vise à éradiquer le piratage, à construire de nouvelles salles de cinéma, à rénover celles en état de délabrement avancé et surtout de faire en sorte que notre cinéma soit «libre et créatif».