«Je ne dégagerai pas tant qu'on ne m'a pas limogé. Et si je pars, soyez sûrs que le responsable qui me remplacera, s'il est sensé, adoptera la même politique que moi». Telle était la réponse du directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), Nour-Eddine Sail, à ses détracteurs qui lui ont demandé de «dégager». On savait déjà que la conférence de presse dédiée à la présentation du bilan cinématographique national de l'année 2011, organisée en marge du Festival national du film de Tanger allait susciter un débat houleux. Mais cette fois-ci, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la politique du CCM. Des allégations au vitriol ont été adressées au Centre, qui encourage, selon certains critiques, des productions décallées de la réalité de la société marocaine. De ces différentes attaques, Sail est sorti indemne. Grand cinéphile qu'il est, il a évoqué plusieurs références cinématographiques pour expliquer que les films présentés lors de cette édition n'ont rien de «pornographique», comme le confirment certains. «C'est une honte de dire que ceux qui ont soutenu ces films sont des traitres. Mohamed Larbi Lemasari et Abellatif Laâbi, par exemple, qui ont présidé la commission du fonds d'aide à la production cinématographique nationale ne sont pas des traîtres», a déclaré Sail. Un débat et des ...chiffres Abstraction faite de ce débat, la conférence de presse en question a été une occasion pour annoncer les chiffres de l'exercice 2011 pour le CCM. Ainsi, le montant d'avances sur recettes accordé par la Commission au soutien à la production cinématographique nationale, au titre des trois sessions de l'année écoulée, est de 60 MDh. Un montant qui englobe les avances sur recettes avant et après production ainsi que les primes de qualité (une nouvelle initiative lancée par le CCM et accordée aux longs métrages «Pégase» de Mohamed Mouftakir et «The end» de Hicham Lasri). Cette même commission a examiné, au cours des trois sessions de l'année 2011, la candidature de 50 projets de films de long métrage et six projets de films de court métrage. Après l'examen de ces projets, la commission a décidé d'accorder des avances sur recettes à 20 longs métrages (17 avant production et 3 après production) et à six courts métrages (3 avant production et 3 après production). Ainsi, et lors de la première session, six longs métrages et un seul court métrage ont bénéficié de l'avance sur recettes. Il s'agit, entre autres, d'«Au-delà des murs» de Abelkader Lagtaâ (4,3 millions de DH), «Hors zone» de Nourreddine Douguena (3,3MDH), «Echec et mat» de Othman Naciri (3,2MDH) et «Elle est diabétique, hypertendue et elle ne veut jamais crever» de Souheil et Imad Noury (3MDH). Lors de la deuxième session, cinq longs métrages et un court métrage ont réussi à convaincre les membres de la commission. «Zaynab la rose d'Aghmat» de Farida Bourquia (3,8MDH), «L'anniversaire» de Latif Lahlou (3,5MDH), «Once upon a father» de Mohamed Achaouer (3,4MDH), «Derrière les portes fermées» de Mohamed Ahed Bensouda (3,15MDH), «Gnaza party» de Leila Marrakechi (3MDH) et le court métrage «Rencontre» de Mostafa Ziraoui (200.000 DH) sont les films sélectionnés par la commission. Durant cette même session, ladite commission a visionné deux longs métrages et un court métrage, candidats à l'avance sur recettes. C'est ainsi qu'on a accordé 1,5MDH au film «Mains rudes» de Mohamed Asli, 800.000 DH à «Châtiment» de Hicham Ayne Al Hayat et 150.000 DH au court métrage «Amnesia» de Ali Tahiri. Enfin, lors de la 3e session qui a eu lieu en septembre dernier, six autres longs métrages et un seul court métrage se sont vus octroyer l'avance sur recettes. Il s'agit «Des oubliés de Dieu» de Hicham Ayne Al Hayat (4MDH), «Le silence du père» de Mohamed Mouftakir, «Graine de Grenade» d'Abdellah Toukouna (3MDH), «Tu es à moi, cousine» de Driss Chouika (3MDH), «Secrets d'oreiller» de Jilali Ferhati et «Chacun sa vérité» de Farida Benlyazid (2,7MDH). Quant aux films qui ont reçu l'avance sur recettes après production durant cette session, ils sont au nombre de trois dont un seul long métrage. Il s'agit de «Fragments» de Hakim Belabes (200.000 DH) qui a remporté le Grand prix du Festival national du film en 2011, et des courts métrages «Plastique» de Abdelkebir Rgaguena (150.000 DH) et «Les vagues du temps» de Ali Benjelloun (150.000 DH). Salles de cinéma, piratage... Par ailleurs, Nour-Eddine Sail, a évoqué encore une fois lors de cette conférence de presse, la dichotomie entre la qualité et la quantité des films produits. «Pour le moment, nous avons réglé le problème de la quantité puisque l'Etat a décidé de soutenir le secteur cinématographique. Quant à la qualité, elle s'imposera naturellement dans le futur. Aujourd'hui, nous avons cinq ou six bons films sur vingt. Je pense que c'est une victoire», a-t-il confirmé. Les salles de cinéma qui ferment l'une après l'autre, le piratage... ont été également débattus. «Le problème de l'exploitation persiste toujours. Je suis persuadé qu'on ne pourra pas surmonter ce problème si on ne décide pas d'investir dans le culturel», a précisé Sail. Bref, le débat-combat a été constructif malgré certaines réactions radicales. Les différents intervenants, avec à leur tête le président du CCM, se sont tous mis d'accord sur un seul point : revoir le mécanisme adopté actuellement afin de pouvoir mettre en place une véritable industrie cinématographique.