Elles étaient une bonne vingtaine, toutes des PME de l'Association africaine de l'agroexport (AAFEX), positionnées sur des créneaux d'activités tout aussi divers, de la production agricole à la transformation. Les entreprises exportatrices subsahariennes de produits agricoles se cherchent une place au soleil maghrébin, en l'occurrence celui du Maroc. Leur présence au Salon international de l'agriculture au Maroc (SIAM), tenu au courant de la semaine dernière à Meknès, était en démarchage de cette stratégie de positionnement progressif sur le marché local. La plupart de ces exportateurs opèrent déjà sur plusieurs marchés européens. «Nous voulons mettre à plat cette contradiction. Les marchés maghrébins devraient être plus accessibles, sur une logique purement géo-logistique», explique Jean Pierre Tchatou, directeur général d'Exotropiques, un groupe basé à Douala (Cameroun), spécialisé dans la production et l'exportation de produits fruitiers tropicaux, frais et transformés, et membre de l'Aafex. Exotropiques exporte déjà un volume de près du millier de tonnes par mois de plusieurs types de fruits, sur le marché français, et prospecte le local. Une opération qui semble bien marcher au SIAM. «J'ai constaté un certain attrait pour nos produits. Il reste maintenant à capitaliser sur tout cela et travailler sur des partenariats concrets», commente Fatou Binta Sall, responsable Export pour Fruitales, une enseigne sénégalaise d'agroalimentaire et membre de la délégation subsaharienne présente au Salon de l'agriculture. Sous-exploitation Ces lueurs d'opportunités percent dans un contexte où les relations d'échanges commerciaux entre le royaume et la partie subsaharienne du continent, sont encore loin de leur niveau optimal, malgré la proximité géographique. Pis, elles boitent de plusieurs handicaps, dont ces enseignes subsahariennes sont bien conscientes (un séminaire a d'ailleurs été organisé sur le sujet en marge du SIAM). La direction des Etudes et des prévisions financières (DEPF) du ministère de l'Economie et des finances s'est en effet récemment livrée à une actualisation des interactions commerciales du Maroc avec la région subsaharienne. La structure parle d'«insuffisance» du niveau des échanges, en dépit de l'existence d'un potentiel important. Les achats du Maroc de produits provenant d'Afrique subsaharienne ont plus que doublé entre 2000 et 2010, passant de 2,1 à 4,5 MMDH, selon la DEPF. Ce n'est que récemment que la balance commerciale est devenue favorable au Maroc. «Toutefois, les produits alimentaires ne représentent que 1,5% des importations globales du Maroc en 2010», nuance-t-on auprès de la direction du département de Nizar Baraka. Sous un angle beaucoup plus précis, celui des échanges des produits agricoles et agroalimentaires, le même constat d'insuffisance prévaut. Les produits alimentaires ne représentent en effet que 14% des importations marocaines de l'Afrique subsaharienne. C'est le deuxième plus important créneau d'échanges entre les deux parties, après les combustibles. En détails, les «fruits comestibles, écorces d'agrumes ou de melons», sont parmi les principaux produits subsahariens exportés vers le royaume. Dans le total des importations subsahariennes de ce pays, ce groupe ne constitue qu'une faible part de 2,6%. Dans le sens contraire, l'export marocain de produits alimentaires (fromages, œufs, conserves de légumes, poissons...), vers l'Afrique subsaharienne ont certes noté une certaine progression continue durant la dernière décennie. Elles ne dépassent cependant pas 37% du total expédié vers cette partie du continent. Les facteurs de cette sous-performance sont connus. La faiblesse de l'offre logistique est, de part et d'autre, identifiée comme le premier et plus important obstacle au développement des échanges. La DEPF, par exemple, parle d'«une faible connexion terrestre ou maritime entre le Maroc et le marché subsaharien, qui pose un problème quant aux coûts supplémentaires et délais de livraison». Ce facteur est d'autant plus pesant pour les produits agricoles et agroalimentaires (sachant qu'ils sont généralement très périssables) du fait de la lourdeur des contraintes de stockage, de conditionnement qu'ils exigent, lors du transport, sans parler des coûts. La région subsaharienne est l'une de plus chères au monde en termes de coûts logistiques. À cette contrainte, s'ajoutent par ailleurs celles liées à la faiblesse des infrastructures et des marchés financiers, des mécanismes de financement ainsi que de la non-application des protocoles et accords commerciaux. Le défi reste encore à relever.