Il y a du nouveau du côté du traitement et de l'élimination des déchets. Enfin, tout du moins d'un point de vue législatif. Réuni le 19 avril dernier, le Conseil de gouvernement a en effet validé un nouveau projet de décret, baptisé 2-12-172. En réalité, ce dernier a été «approuvé sous réserve de tenir compte des quelques observations soulevées par le ministre du Tourisme, le ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé de l'administration de la Défense nationale, le ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Marocains résidant à l'étranger et le ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance». La prochaine étape, une fois que les remarques de chaque département auront été prises en compte, est la publication du décret au Bulletin officiel, synonyme de son entrée en vigueur. Pour en revenir au décret en lui-même, il faut savoir que celui-ci fixe les «prescriptions techniques relatives à l'élimination et aux procédés de valorisation des déchets par incinération». Il vient en application des articles 52 et 83 de la Loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination, promulguée et publiée au bulletin officiel du 7 décembre 2006. L'article 52 stipule que «l'ouverture, le transfert, la fermeture ou la modification substantielle des installations de traitement, de valorisation, d'incinération, de stockage, d'élimination ou de mise en décharge des déchets ménagers et assimilés, donnent lieu à une déclaration auprès de l'administration, à condition de se conformer aux prescriptions techniques fixées par voie réglementaire». Quant à l'article 83, il prévoit également de fixer certaines normes et prescriptions techniques et notamment celles concernant l'élimination des déchets par voie réglementaire. Un vide juridique qui traînait depuis 2006 vient donc d'être comblé. Concrètement, le décret 2-12-172 définit «les prescriptions techniques qui doivent être prises en compte lors de l'aménagement et de l'exploitation des installations d'incinération des déchets pour élimination, ainsi que les exigences à respecter par les installations qui valorisent les déchets par incinération en vue de la récupération de la chaleur ou de la production d'énergie, dénommées installations de co-incinération». Il est désormais également stipulé par ce décret l'interdiction formelle de traiter par incinération les déchets contenant de l'amiante, les déchets électroniques, les déchets ménagers non triés et les déchets à forte concentration en cyanure et en mercure. Pour un impact futur Quel serait donc l'impact de la publication de ce projet de décret ? Pas grand-chose à en croire plusieurs entreprises privées qui opèrent dans le traitement et la valorisation des déchets ménagers. «Nous n'effectuons pas de traitement des déchets par incinération. Dans notre décharge contrôlée de Rabat, à Oum Azza, nous enfouissons les déchets», explique ainsi Nicolas Salin, responsable communication auprès de Pizzorno. «L'incinération coûte excessivement cher, entre 10 et 15 fois plus que la technique de l'enfouissement. Les collectivités locales ont déjà du mal à suivre le coût du travail existant, qu'en serait-il si elles choisissaient la technique de l'incinération ?», poursuit Nicolas Salin. Du côté des opérateurs qui se chargent de la collecte et du traitement des déchets ménagers, la réponse est donc claire : il n'y a pas de traitement par incinération au Maroc. Ce qui est plus surprenant c'est que du côté des opérateurs dédiés cette fois au traitement des déchets hospitaliers, la réponse se veut tout aussi nette. «Nous ne procédons pas à un traitement par incinération. Les déchets hospitaliers que nous collectons sont stérilisés grâce à de la vapeur d'eau chauffée à 130°C, puis broyés et enfin enfouis dans une décharge publique contrôlée», confirme ainsi Aragon Fida, DG d'Athisa. Même son de cloche auprès de Chadia Bouayad, DG de Saïss Environnement. D'ailleurs, les déchets hospitaliers disposent d'un statut législatif à part - C'est ainsi que le décret d'application n°2-09-139 fixe «les modalités de tri, d'emballage, de collecte, de stockage, de transport, de traitement et d'élimination des déchets médicaux et pharmaceutiques». Alors au final, les autorités seraient-elles en train de confondre traitement des déchets avec incinération ? Pas si sûr. Bien qu'aucun procédé d'incinération de grande envergure ne soit installé au Maroc, l'incinération en vue de la récupération de la chaleur ou de la production d'énergie, dénommée co-incinération dans le décret, pourrait bien être la plus concernée par le document. Quelques initiatives isolées sont en effet en train de naître. À Agadir, la société ABLH serait actuellement en train de négocier avec la commune urbaine, pour construire d'ici 2013 une usine de production de bioéthanol, grâce au traitement des déchets organiques issus des déchets ménagers de la ville. Quant à l'incinération pure et dure, tout le monde s'accorde à dire que la technique coûte bien trop cher et reste très contaminante. Il reste donc à faire place aux alternatives développées ces dernières décennies.