Comme une lettre à la poste, le gouvernement a fait passer sa loi de finances au Parlement en faisant jouer sa majorité. «Il s'agit plus d'un vote politique auquel nous allons assister», nous confiait le député du PAM, Mehdi Mezouari, vice-président de la commission des Finances et du développement économique, quelques instants avant le début des discussions finales en plénière. Il faut dire que depuis mardi soir, les jeux étaient déjà faits avec l'adoption de la partie du texte dédiée aux recettes. Contrairement aux débats houleux en séance plénière et lors des discussions en commission, les séances réservés au vote ont suscité peu d'engouement auprès des députés. Hier soir, alors que l'on s'acheminait vers le vote final du texte, et jusqu'à l'heure où nous mettions sous presse, l'hémicycle était à moitié vide et les débats avaient pris un air de déjà vu. L'examen de la deuxième partie du projet de loi des finances consacrée aux budgets sectoriels a été moins houleux que le vote de la première partie, même si certains partis de l'opposition ont fait part de leurs inquiétudes sur le montant alloué à certains départements, rejoignant leurs homologues de la majorité qui n'ont pas fait mystère de leur scepticisme, quant à l'impact réel de l'effort de rationalisation des dépenses publiques annoncées par le gouvernement. Pour des secteurs stratégiques comme l'Education ou l'Enseignement supérieur, les députés de l'opposition ont même joué le jeu en mettant en avant l'intérêt national comme nous l'a confié un parlementaire. De toute évidence, le contraire n'aurait pas affecté le vote final qui semblait déjà acquis pour le gouvernement. Dans l'ensemble, le budget de l'Etat n'a subi aucune modification de taille, en dehors de quelques corrections apportées au niveau du Code des impôts et du financement du fonds de cohésion et de solidarité. Le PAM a tenté vaille que vaille de faire passer des mesures destinées à renforcer le soutien au monde rural et a vu ses propositions d'amendements rejetées tout comme, d'ailleurs, ceux portés par l'opposition dans son ensemble. Par contre, le gouvernement a accédé à plus de la moitié des amendements déposés par la coalition gouvernementale comme l'a reconnu le ministre de l'Economie et des finances, Nizar Baraka. Ce qui a irrité, d'ailleurs, certains députés de l'opposition, particulièrement du PAM. Pour Younes Sekkouri, le gouvernement aurait dû tout simplement intégrer ces amendements dans le projet de loi qu'il a déposé. Dans la plupart des cas, le gouvernement a usé de sa prérogative de rejeter toute proposition d'amendement qui aura pour effet d'alourdir le budget de l'Etat, que lui confère la Constitution pour renvoyer les amendements proposés par les députés de l'opposition. Budget de transition En dépit, donc, des alertes lancées par plusieurs analyses d'institutions publiques (HCP, BAM) ou indépendantes (CMC), les prévisions de croissance, 4,2% et les hypothèses de base comme le prix du baril à 100 USD ont été maintenues. Nizar Baraka et son homologue du Budget, Driss El Azami El Idrissi, ont estimé que ces hypothèses ont été établies au mois de février dernier et ont pris en compte les perspectives d'évolution de l'économie mondiale. Baraka s'attend, en effet, à une baisse du prix du baril dans les prochains mois et a tempéré l'impact de la mauvaise campagne agricole sur les prévisions de croissance. L'essentiel, souligne-t-on du côté de la majorité, c'est que le budget a été orienté vers le volet social. Une affirmation sans cesse ressassée par les membres du gouvernement, mais qui ne convainc pas l'opposition, qui a, du début à la fin, jugé «insuffisantes les mesures prises par le gouvernement pour réduire les difficultés auquelles font face les populations rurales». Le gouvernement s'est, de son côté, appuyé sur les montants de la contribution financière prévue par la loi des finances 2012 en direction du monde rural. Selon les explications données par Nizar Baraka, ce ne sont pas moins de 20 MMDH qui ont été affectés pour l'élargissement de l'accès des populations vulnérables aux services de base et l'amélioration des conditions de vie de la population rurale. À cela s'ajoute, un autre montant de 1,53 MMDH qui a été prévu dans le cadre du programme d'urgence d'assistance au secteur agricole et au monde rural. Le financement sera, notamment, destiné à faire face aux effets de la sécheresse qui a caractérisé la campagne agricole en cours. Reste à présent pour le gouvernement de s'atteler à combler le retard pris dans l'adoption de cette loi des finances pour une année qui est déjà largement entamée et au moment où l'élaboration du budget du prochain exercice démarre. Rendez-vous reporté Sans surprise, les discussions en plénière ont tourné vers une confrontation politique entre le PJD et le PAM. En l'absence du RNI, qui a décidé de s'abstenir sur le vote d'une loi dont il estime, à juste titre, assumer, en partie, la paternité, le PAM a repris sa place d'éternel opposant au PJD. Plus que les dispositions de la loi des finances, c'est l'ensemble des actes posés jusque-là par la nouvelle équipe gouvernementale qui ont été passés au crible par les députés du PAM, qui n'ont rien laissé au hasard. L'occasion aussi pour l'UC de se rapprocher davantage du PAM alors que l'USFP qu'on attendait au premier plan, en raison de sa sortie très remarquée et de ses virulentes critiques, lors du vote de la déclaration de la politique générale, s'est contenté de quelques prudentes déclarations, même si les députés socialistes qui ont participé aux différents votes, ont voté contre le projet. Il est vrai que le prochain round qui commencera dès vendredi prochain, à l'ouverture de la deuxième session ordinaire, comporte plus d'enjeux au vu de son agenda.