De la même fermeté qu'il affichait en présentant le projet de la loi de finances sous la coupole, la semaine dernière, Nizar Baraka a eu, lundi, à répondre aux remarques des groupes parlementaires quant aux orientations générales de la première partie du projet de loi. Pour planter le décor, déjà, et en vue de répondre aux multiples critiques formulées sur les axes principaux du projet proposé par le gouvernement, le ministre de l'Economie et des finances mis l'accent sur la finalité des réformes tracées. «Nous avons tenu à ce que le projet soit un premier pas dans l'exécution du programme du gouvernement, avec le lancement d'une nouvelle génération de réformes, qui vont mettre sur les rails les principes de la bonne gouvernance et de la gestion transparente», a tenu à rappeler Baraka, dont le projet avait été jugé en net décalage avec le programme du gouvernement. «Vous avez constaté que notre cadre de référence, qui a servi à l'activation des réformes, dépasse de loin la logique de la gestion budgétaire, pour mettre en place une nouvelle logique qui garantit la souveraineté en matière de prise de décisions», a répliqué le ministre istiqlalien à la diatribe lancée par le président du groupe socialiste Ahmed Zaidi, qui avait accusé le gouvernement de délaisser les bases d'un budget garantissant une dépendance moins accrue envers les bailleurs de fonds étrangers. Sur le point relatif au retard accusé pour la préparation du projet, Baraka a déroulé la chronologie du document en insistant sur le fait que le calendrier politique ne pouvait favoriser des délais plus courts. «Le projet a été déposé au Parlement le 14 mars, au moment où les crédits nécessaires à la bonne marche des services de l'Etat ont été débloqués, tout comme les mesures tendant à restaurer la confiance et envoyer des signaux forts envers les partenaires économiques et sociaux», ainsi argumenté Baraka. Tout y passe... Le fameux débat sur les prévisions de croissance ne manquait pas à l'appel, lundi. Ainsi, quant au taux initiallement prévu, mais aussi à sa révision à la baisse par le gouvernement, Baraka a voulu s'inscrire sur la même longueur d'onde que l'opposition. «Il faut savoir que la moyenne de 5,5% est une moyenne annuelle pour une période allant jusqu'en 2016», a affirmé l'argentier du pays, qui tentait en même temps de recadrer les allégations de l'opposition, lesquelles voyaient dans les prévisions formulées, lors de la présentation du programme, la nette trace d'une surenchère politique. Le même raisonnement est valable, selon le ministre, pour le secteur de l'agriculture qui n'était pas encore sous la menace de la sécheresse en février dernier, et dont le retard des pluies a influencé négativement le taux de croissance annoncé. Pour être pratique, le ministre a promis que le gouvernement mettra le paquet pour le reste de l'année afin de réaliser «un état des lieux ciblé et la mise en place de programmes intégrés pour le soutien des petits agriculteurs». Mais les sujets à polémique n'étaient pas forcément les seuls sur lesquels le ministre s'est attardé. L'argumentaire du ministre s'est voulu prolifique aussi pour ce qui concerne la fiscalité ou l'investissement... C'est également le cas des annonces relatives à la hausse des recettes fiscales provenant de l'IS, qui vont augmenter durant cette première moitié de l'année 2012, d'environ 3%, ou encore pour la TVA, qui ne sera pas touchée par l'évolution de la consommation des ménages. La logique du pompier a aussi prévalu dans l'explication de la prise en compte du scénario de prix du baril à 100 dollars. En effet, le gouvernement s'attend à une baisse des prix durant la deuxième moitié de l'année «en relation avec l'évolution de la situation géostratégique, ainsi que le ralentissement du taux de croissance de l'économie mondiale, en raison de la crise», a pronostiqué Baraka. La première partie votée par les députés a permis de réserver 188 MMDH pour l'investissement public, ainsi que la hausse du soutien à la Caisse de compensation à 46,5 MMDH. La sauvegarde du pouvoir d'achat des couches vulnérables ne sera pas le grand fardeau à gérer puisque la première partie du budget a aussi maintenu les 42 MMDH réservés à la construction de 290 établissements scolaires, ainsi que la hausse des bourses des étudiants, qui coûtera annuellement 600 MDH. L'opposition se positionne La loi de finances cristallise des clivages de plus en plus marqués sous la coupole, entre majorité et opposition. Les deux premiers jours de la discussion du budget ont confirmé que rien ne peut plus combler le hiatus énorme qui sépare les points de vue des représentants des deux côtés. Le vote du projet par la Chambre des représentants, prévu aujourd'hui, risque encore une fois de dégénérer en un dialogue de sourds entre les groupes parlementaires. Si le RNI a annoncé son intention de s'abstenir lors du vote positif attendu, le PAM et le parti travailliste ont déjà annoncé qu'ils voteront contre le projet. «Le gouvernement a manqué de courage et s'est désisté des engagements déclarés dans son programme». C'est ainsi que Abdellatif Wahbi, président du groupe du PAM à la Chambre des représentants, résume le constat global de son parti, qui a été l'une des formations de l'opposition ayant le plus manifesté leur critique acerbe de la partie «volontariste» du projet. La même déception a été ressentie par l'USFP, sans que son discours n'atteigne les fondements du projet préparé par Nizar Baraka. «Nous avons participé en tant qu'opposition citoyenne dans les amendements du gouvernement et de sa majorité, mais malheureusement, le message n'est pas passé», déplore Ahmed Zaïdi, président du groupe USFP. «Nous avons été surtout interpellés par la méthodologie des concepteurs du projet, qui délaisse le rôle classique de l'Etat», ajoute le député socialiste. L'opposition accuse donc le gouvernement de tenir un discours sur l'activation des nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à la participation de l'opposition, totalement déphasé par rapport aux faits. Cette démarche est aggravée par le refus de l'ensemble des amendements émis par le parti de la rose. Ce refus des amendements de l'opposition a été donc interprété comme une exclusion des 4 partis du nouveau processus de participation à la prise des décision et surtout comme une méconnaissance du nouveau rôle attribué de plein droit par l'article 10 de la Constitution. Le vote négatif du projet sera cependant l'unique moyen offert pour les députés hostiles à la politique budgétaire prônée pour le reste de l'année. Le vote final du projet sera suivi aujourd'hui par un exposé des motifs du vote émis par les 8 groupes parlementaires. C'est une première dans les travaux de la première Chambre, qui devrait encore une fois enfoncer le clou du désaccord entre les deux parties. La majorité parlementaire continue pour sa part à se retrancher derrière la «spécificité» de cette loi de finances, qui restera dans les annales du Parlement marocain par le retard de son adoption. Le passage du projet à la Chambre des conseillers pour une deuxième lecture sera une occasion certaine non seulement pour le PAM, mais également pour les syndicats de remettre en cause plusieurs dispositions jugées timides pour le succès du dialogue social.