La finance privée se penche sur la régionalisation. Mieux, elle se prépare à la nouvelle donne politico-économique qui devrait découler de la promulgation de la prochaine loi organique sur la régionalisation. Le Partenariat public-privé (PPP), devrait justement en être le vecteur. Hier, un parterre composé des plus grandes enseignes bancaires et des financements privés du Maroc et de l'étranger -Attijariwafa bank (AWB), CDG Développement, Caisse des Dépôts française-, a partagé des réflexions et des idées sur le rôle que pourrait jouer le secteur privé, pour mettre le PPP au service du développement régional. L'initiative de regrouper tous ces acteurs, s'est opérée en partenariat avec l'Institut de prospection économique du monde méditerranéen (IPEMED). Face à l'organisme régional, l'agence du sud représentait les donneurs d'ordres publics locaux. Pour Ahmed Hajji, le directeur général de cette structure, la problématique est bien claire. Ces entités régionales auront un rôle majeur à jouer dans le développement et la promotion d'une économie régionale compétitive et dans la création de pôles régionaux de développement, après le vote de la loi organique portant sur la régionalisation. «Nous aurons ainsi des ressources financières significatives, mais loin d'être suffisantes pour répondre à une demande accrue en termes notamment, de projets d'infrastructures dans toutes les régions du royaume», explique le responsable. Ce besoin important de financements, ne pourrait être comblé que par «une politique de PPP mieux aboutie, qui permettrait aux investisseurs privés de mettre la main à la pâte», à en croire Mohamed El Kettani, PDG d'AWB. L'option PPP semble d'autant plus pertinente comme modèle d'investissement, surtout dans la conjoncture actuelle, où le budget public est sous la pression de plusieurs contraintes. Il faut savoir que les domaines d'application des PPP peuvent concerner non seulement le secteur marchand, mais aussi non-marchand, ce qui devrait produire un impact positif sur le développement socio-économique à l'échelle locale. En attendant la loi... L'autre lecture à apporter à cet évènement est relative au décalage constaté entre la longue et vieille expérience développée par le royaume dans le domaine du PPP et l'établissement de son cadre juridique, censé régir les interactions des partenariats entre le public et le privé. «Un projet de loi dédié au PPP, avec l'appui de la Banque européenne de développement, est en cours de finalisation auprès du ministère de l'Economie et des finances», précise Nadia Saher, chef de division de la privatisation et responsable de la cellule PPP au niveau de ce même ministère. Ce texte, une fois validé par le secrétariat général du gouvernement, sera principalement fondé sur les pratiques et sur les règles de la concurrence dans l'attribution des marchés, sur les évaluations préalables du choix du modèle PPP, sur le partage des risques et sur le contrôle des projets, etc. «C'est une loi qui compte aussi laisser une certaine liberté aux innovations pour leur éviter de tomber dans la contrainte», commente Nadia Saher. Par ailleurs, dans l'un de ses plus récents rapports sur les pays destinés au PPP, l'IPEMED souligne la longue expérience du Maroc dans ce domaine et la mise en place d'un cadre juridique qui a entrainé une progression du recours à la gestion déléguée, ainsi qu'un rattrapage des retards d'investissement. Le gouvernement marocain souhaite désormais développer des contrats de partenariats dans les services publics locaux, à caractère non marchand (éclairage, éducation et santé). L'Etat cherche également à créer, en coopération avec l'Union européenne et la Banque mondiale, une entité dédiée à la gestion des PPP et chargée de la régulation globale de ces partenariats. Point de vue Mohamed Kettani, PDG d'Attijariwafa bank. C'est un besoin crucial. Le budget de l'Etat à lui seul, ne peut plus aujourd'hui suffire pour faire face aux besoins énormes en matière d'investissements en infrastructures. En face, il y a une réelle volonté de plus en plus affichée par les opérateurs privés, de s'engager dans des investissements dans le cadre de projets d'infrastructures. Il est vrai que nous avons déjà pu bâtir une expérience dans ce domaine et c'est sur elle que nous devrons capitaliser. Sur la dernière décennie, nous constatons un phénomène d'accélération des projets PPP dans plusieurs secteurs. C'est le cas de l'énergie, de la gestion et du traitement des déchets, de la distribution d'eau dans plusieurs régions du pays, avec des approches spécifiques. Il est maintenant temps de tirer les enseignements de cette expérience récente, pour les faire remonter vers les décideurs politiques. Concernant la contribution du secteur bancaire marocain, Attijariwafa bank, plus précisément, a eu l'opportunité de monter le premier project financé dans le secteur énergétique. Dès le départ, les besoins sont énormes en termes de capacités internes de nos ressources humaines pour aborder ce genre d'initiative. Ce fut un cas d‘école, qui nous a permis de mobiliser de jeunes techniciens financiers qui se sont inspirés des expériences internationales. Cette expertise bon marché et ces profils se sont ensuite très vite généralisés dans le secteur. À cela s'ajoute la régionalisation avancée, une nouvelle tendance de gouvernance territoriale, qui ouvre beaucoup d'opportunités d'investissements locaux. Nous devrons nous tenir prêts, surtout en ce qui concerne l'ingénierie financière.