Le Maroc bénéficie d'une longue expérience en matière de partenariats public-privé (PPP) avec la réalisation de nombreux projets dans les secteurs marchands. Un projet de loi spécifique aux PPP est en cours de finalisation, ainsi que la création d'une cellule PPP qui sera rattachée au ministère de l'Economie et des Finances. Les domaines d'application des PPP ne concernent malheureusement pas encore les secteurs non marchands qui représentent un réel potentiel. Attijariwafa bank a organisé la semaine dernière une rencontre, en partenariat avec CDG Développement, Ipemed, la Caisse des Dépôts française et l'Agence du Sud pour débattre de la thématique : «Les Partenariats Public-Privé au service du développement régional. Quel rôle pour le secteur privé local et international ?». Lors de cette rencontre, les experts marocains et étrangers présents ont abordé tous les sujets relatifs à la problématique des PPP, à savoir leurs enjeux, leur impact sur les investissements publics dans le bassin méditerranéen, ainsi que les aspects juridiques, financiers et institutionnels. Face à une conjoncture économique et financière difficile, les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée ont les pieds et les poings liés, avec des besoins en investissements de plus en plus croissants estimés à 300 milliards d'euros d'ici 2030, selon la Banque européenne d'investissement. D'après le rapport sur l'état des lieux et les recommandations pour développer le PPP dans le financement de projets dans le Sud et l'Est de la Méditerranée réalisé par Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), le recours aux partenariats public-privé est indispensable, vu que les marchés publics ne permettent plus de mener à bien tous les projets puisque les dettes de certains Etats sont colossales. Par ailleurs, avec les révolutions et les changements que les pays du Sud de la Méditerranée ont connus en 2011, des besoins cruciaux s'expriment en matière de développement. Dans ce contexte, le Maroc a entrepris depuis plusieurs années des chantiers de réformes qui s'appuient sur des stratégies sectorielles dans l'objectif de renforcer sa compétitivité, diversifier ses sources de croissance et accélérer le développement économique. L'un de ces chantiers phares est la régionalisation avancée. Un projet ambitieux pour lequel les besoins vont augmenter davantage les prochaines années. Mohamed El Kettani, président d'Attijariwafa bank, a souligné qu'«une fois la loi organique sur la régionalisation avancée mise sur pied, nous allons assister dans les mois à venir à l'expression de besoins énormes en matière d'infrastructures, que ce soit dans le domaine de l'eau, de l'électricité, des hôpitaux, des écoles, d'infrastructure numérique… ». À cet effet, les PPP permettent non seulement de répondre à des besoins d'investissement, mais aussi de suivre le courant du développement socio-économique. Un outil à développer davantage L'étude réalisée par Ipemed dans 8 pays (Algérie, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie et Turquie) révèle que le Maroc et l'Egypte sont les pionniers dans la région avec la plus longue tradition en terme de PPP. En effet, le Maroc dispose depuis le XXème siècle d'une expérience en matière de concession fondée sur le modèle français. Sauf que toutes les concessions portent uniquement sur les secteurs marchands : distribution de l'eau et de l'électricité, assainissement, transports urbains et collecte et traitement des déchets… L'idée aujourd'hui est de développer cet outil et de l'élargir aux secteurs non-marchands, tels que la santé et l'éducation. Le nouveau gouvernement a d'ailleurs évoqué dans son programme d'action son intention de développer le recours aux PPP. Selon Najat Saher, chef de la Division de la privatisation et responsable de la cellule PPP au ministère des Finances, «le PPP est un outil intéressant pour renforcer la fourniture de services d'infrastructure sociale et qui permet de bénéficier des capacités d'innovation du secteur privé». Une chose est sûre, le développement des PPP peut être une issue de secours pour l'économie marocaine qui n'est pas au mieux de sa forme avec un déficit budgétaire qui se creuse de plus en plus et qui a atteint 7% du PIB. Un effort à faire Certes, le Maroc jouit d'atouts indéniables en terme d'avancée des PPP dans la région du Sud de la Méditerranée. Il a également une grande expérience en matière de gestions déléguées. Cependant, un grand travail reste à faire pour le volet législatif. Aucune réglementation régissant les partenariats public-privé n'existe. Malgré l'évolution du cadre réglementaire que le Maroc a institué avec l'adoption de la loi 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics, elle reste insuffisante. La mise en place d'une loi dédiée exclusivement aux PPP est de mise, d'autant que les projets PPP sont de plus en plus importants (Tanger Med, TGV…). Il faudrait donc pallier ce vide juridique pour donner aux investisseurs et aux bailleurs de fonds plus de visibilité, de transparence et de confiance. Dans ce contexte, le ministère de l'Economie et des Finances a lancé en 2011 une étude afin d'élargir un cadre structuré pour le champ d'application du PPP au Maroc, tout en bénéficiant des meilleures pratiques internationales. Il semble qu'il y a eu une prise de conscience des enjeux liés aux PPP qui s'est traduite par la réalisation d'un projet de loi basé sur les dispositions de la nouvelle Constitution. En effet, Najat Saher a annoncé que «la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP) a préparé un projet de loi spécifique aux partenariats public-privé et a procédé, dans un premier temps, à son examen avec les entités publiques. Le projet de loi est toujours en discussion en interne et sera présenté une fois validé par le Secrétariat général du gouvernement». Idem pour la création d'une cellule PPP pour l'appui et qui sera rattachée au ministère de l'Economie et des Finances. Ce nouveau cadre juridique va donner un nouvel élan aux partenariats public-privé et renforcer davantage l'attractivité et la compétitivité du Maroc.