Pour une entreprise - comme pour une famille - qui dit temps de crise, dit adaptation. C'est bien sûr à l'équipe managériale que revient l'exercice ô combien risqué de mener à bien ce passage à vide. Le management doit essentiellement faire preuve de tact pour gérer au mieux son affaire. Une entreprise dont les résultats ne seraient pas au beau fixe se doit tout d'abord de revoir ses priorités. L'ordre des priorités peut bien sûr varier selon les secteurs d'activité. «Pour certains, il s'agira de revoir les coûts, pour d'autres il peut s'agir d'investir dans le marketing ou dans l'innovation. Le plus important toutefois pour un manager d'entreprise en crise est d'être présent pour ses employés. Telle est sa nouvelle priorité», explique Essaïd Bellal, DG du cabinet de conseil en recrutement Diorh. Dans son dernier livre, «Réussir dans un monde incertain», Martine Renaud-Boulart livre une première clé de réussite : elle «consiste dans le fait de clarifier ses valeurs et à partir de là être fier de ses réalisations». Plus loin, elle met l'accent sur la nécessité de «réajuster régulièrement ses priorités, en réaménageant sans cesse son agenda idéal». No panic Tous les experts le confirmeront : il faut garder la tête froide. C'est d'ailleurs la principale recommandation que transmet Essaïd Bellal à ses clients. «La chose à ne surtout pas faire pour un manager est de céder à la panique. Un bon manager doit être capable de cerner l'impact sur son secteur et d'être à l'affût. Pour cela, il doit absolument garder ses esprits», conseille Essaïd Bellal. Pour l'expert, la difficulté au Maroc reste que la plupart des dirigeants sont trop liés à l'Europe. «Nombreux sont les managers qui vivent à l'heure de l'Europe de par leur éducation ou leur business. Mais ils ne se rendent pas compte qu'ils importent ce qui vit actuellement l'Europe, alors même que le Maroc ne vit pas la même situation. Or, dans ce contexte là, le danger est réel pour la prise de décision», explique Essaïd Bellal. «Le Maroc est tellement lié à l'Europe qu'en présence de résultats négatifs, un manager marocain a tendance à devenir impatient. Et cette impatience dépend complètement de l'extérieur, car en temps normal, la façon de s'en remettre à Dieu dans le privé comme dans le travail permet de calmer les humeurs des uns et des autres», confirme pour sa part Martine Renaud-Boulart, coach et créatrice de programmes de formation pour divers établissement français dont HEC et Paris 8, et de grandes entreprises. Communiquer, communiquer et encore communiquer Dans ses mauvais jours, l'on reconnaît un bon manager d'un mauvais à la capacité de communiquer de celui-ci. Il est extrêmement essentiel qu'il soit de manière continue aux côtés de ses employés pour les rassurer, les motiver. La présence assidue du capitaine du navire est l'une des principales garantes de la réussite du retour à la vie normale. «Au Maroc, la culture est assez paternaliste. Le chef est un tout puissant aux yeux de ses employés», explique Martine Renaud-Boulart. Autrement dit, le manager est une référence, un modèle à suivre pour un employé perdu. Même si la discrétion est une qualité pour un manager, il n'en reste pas moins que la culture du secret est parfois bien trop pesante.Comme le dit parfaitement bien l'experte dans son livre, une autre des clés de la réussite consiste à «développer son esprit de confrontation positive, de confiance, de coopération et de négociation, où chacun a des marges de manœuvre et d'influence positive». D'un autre côté, Martine Renaud-Boulart recommande de «communiquer en anticipant sur un scénario catastrophe et en mettant ainsi en commun un objectif partagé où chacun a son rôle». «Avant de communiquer sur un objectif commun, il faut d'abord clarifier ses propres peurs pour réduire les peurs de ses collaborateurs», précise-t-elle. «En temps de crise, nous devons encore plus être recentrés sur nos valeurs. Cela est encore plus essentiel, sinon les membres du groupe ne se reconnaissent plus», conclut-elle. Pour sa part, Essaïd Bellal recommande au manager de maintenir autant qu'il se peut une bonne ambiance de travail et de garder la motivation de ses employés. «Ce sont parfois des mots simples qui touchent les gens», résume-t-il. Martine Renaud-Boulart, Coach et créatrice de programmes de formation pour HEC, Paris VIII et diverses entreprises. «Il faut savoir créer une communication transparente» Les Echos quotidien : Le comportement et la psychologie d'un manager marocain sont-ils si différents de ceux d'un manager européen ou américain ? Martine Renaud-Boulart : Cela fait 10 ans que je collabore avec des managers marocains, via HEC. Pour ceux-ci, les commandes sont spécifiques : il s'agit toujours de développer le courage de donner des feedbacks. Au Maroc, on ne dit pas clairement ce qui se passe. Cela fait partie de la bonne éducation de ne rien dévoiler. Or, il faut savoir créer une communication transparente pour avancer ensemble. Pour construire une intelligence collective, il est essentiel de combiner trois principes fondamentaux : l'absence de privilèges, l'absence de sauvetage et l'absence de secret. Au Maroc, la culture du secret et des privilèges est encore trop présente. Néanmoins, lors des formations que je réalise, les équipes comprennent que le changement est nécessaire. D'un autre côté, les managers marocains ont une meilleure écoute et attention que les managers européens et américains. Et comment réagit le manager marocain face à un monde incertain ? Dans un monde incertain, tous les défauts sont amplifiés, car nous sommes tous pris par la peur. Au Maroc, en temps de crise, aucune information ne circule. Tout devient confidentiel. De manière générale, comment un manager marocain se représente-t-il les notions de réussite et d'échec ? Pour un manager marocain, la notion d'échec est encore difficile à gérer. L'échec est toujours vécu comme un drame. Pourtant, l'échec doit être considéré comme un apprentissage. Ce n'est plus un échec, c'est une erreur. Au Maroc, nous avons encore du mal à en parler et à en voir l'apprentissage. Quant à la réussite, on n'en parle pas non plus. D'un côté, on ne se vante pas de sa réussite et de l'autre, on ne prend pas le temps de fêter ce succès. D'une manière générale, on ne récompense pas asez ceux qui incarnent les valeurs partagées d'un groupe.