Mbarka Bouaida, Députée RNI Les Echos quotidien : Quelle lecture fait le RNI de la loi de finances 2012 ? Mbarka Bouaida : C'est la montagne qui accouche d'une souris. Le projet de loi de finances 2012 nous semble totalement déconnecté de la déclaration gouvernementale. La profondeur stratégique nécessaire à un tel projet, censée refléter une vision politique propre au nouveau gouvernement est quasi inexistante. Après une longue période d'attente incompréhensible, la nouvelle équipe présente l'ancien projet de LF2012 préparé par ses prédécesseurs avec quelques retouches artificielles. Le citoyen attendait plus que ça. En accordant une partie de ses voix au PJD, le citoyen a voté pour une rupture, pour un changement considérable. À la lecture du projet de LF2012, il n'y a aucune perception de ce changement. Plusieurs mois donc, pour quelques amendements et certaines mesures d'ordre populistes. L'exemple parfait étant l'exonération de la taxe sur l'audiovisuel. Il s'agit d'une économie de 7 MDH sur un budget global de 189 MMDH... faites le calcul ! Certains disent que dans l'ensemble, cette loi est l'oeuvre du ministre sortant des finances, Mezouar. Qu'en pensez vous ? Oui, il est vrai que Salaheddine Mezouar avait préparé cette loi, seulement elle était inscrite dans une vision politique différente, propre à l'ancienne équipe avec des défis et des engagements visant à maintenir un rythme de croissance conséquent. Le nouveau gouvernement a repris la même version avec des hypothèses plus pessimistes. Non seulement le nouveau gouvernement a choisi de s'inscrire dans la continuité, mais il semble manquer de courage en allant vers une prudence exagérée. Le décalage entre le discours et les faits est conséquent ! Que retenez vous de cette loi de finances ? Plusieurs incohérences, à commencer par le taux de croissance, celui annoncé durant la campagne électorale était de 7%. Il est passé à 5,8% dans la déclaration gouvernementale, ensuite à 4,8% pour atterrir à 4,2%, dans le projet présenté jeudi dernier. Le prix du baril de 100$ est très différent de la réalité du marché qui le situe aujourd'hui autour de 107$, avec des prévisions à tendance haussière compte tenu du contexte géopolitique et économique mondial. L'attitude du PJD sur ce point est incompréhensible, hier il rejetait ces hypothèses au nom de l'opposition, aujourd'hui il les adopte et les défend. Ce projet de loi de finances a une forte dimension sociale, pensez vous que le gouvernement a les moyens de ses ambitions sociales ? Tant que le nouveau gouvernement n'attaque pas les réformes de fond comme la refonte de la caisse de compensation, la réforme fiscale, la problématique de l'emploi public et privé... il ne pourra pas tenir ses engagements sociaux. En l'absence de ces réformes, le déficit commercial va dépasser les 200 MMDH ; la croissance ne dépassera pas les 3%, les réserves de changes sont ramenées à 4 mois d'importation tant qu'il n'y a pas de mesures de relance.