Bien malin, celui qui croit tenir la bonne grille d'analyse de la loi de finances 2012. De la classe politique, aux syndicats, en passant par les fédérations professionnelles et le patronat, chacun y va de son petit ou grand commentaire. Cependant, si ces critiques diffèrent naturellement en fonction du positionnement sur l'échiquier politique, tous s'accordent au moins sur un point : le projet de loi de finances est tout, sauf original. Autant en emporte la loi de finances ... Au niveau politique d'abord, il va sans dire que la majorité «défend» ce que l'opposition «attaque». Pour les groupes de la majorité, il ne s'agit pas seulement de défendre, mais d'encenser «les efforts exceptionnels» consentis par le gouvernement, dans un environnement national et international empreint d'incertitude. La loi de finances est ainsi jugée tout aussi ambitieuse que le programme gouvernemental qui la sous-tend. Pour l'opposition, la critique est de mise, ne serait-ce que pour légitimer son positionnement dans le camp de la contestation, démocratie constitutionnelle oblige. Ainsi donc, pour le PAM et son allié le RNI, si cette loi de finances ne s'est guère démarquée de celle qui l'a précédée, ce n'est pas tant pour dire que le gouvernement actuel ne fera pas mieux que son prédécesseur, mais plutôt pour caractériser le peu de réactivité de l'équipe gouvernementale face au nouveau contexte de crise qui se profile. Une manière de dire aussi que le projet manque d'ambition, là ou la majorité juge le texte très ambitieux. C'est à dire qu'il s'agit pour Benkirane de soutenir la croissance et par conséquent le rythme des investissements, tout en appliquant une politique de bien-être social, du moins de justice sociale et de soutien de la demande. Si ce pari est jugé démagogique par le PAM et le RNI, à la gauche de l'opposition, l'USFP, par la voie de Saloua Karkri Belakziz, tient ce pari pour dangereux, mettant en avant les dépenses prolifiques d'investissement qui sont programmées, chiffrées à près de 188 MMDH et qui ne manqueront pas de mettre en danger l'équilibre budgétaire de l'Etat, d'autant plus que, dans le même temps, le projet inscrit en second axe de ses priorités un retour à l'équilibre indispensable. Belakziz pose aussi la question des dépenses de fonctionnement qui «seraient réduites de moitié», ce qui pose la question de la gouvernance, à travers la dilapidation des deniers de l'Etat au cours des mandats gouvernementaux antérieurs. Cette critique est à nuancer, puisque l'engagement du gouvernement, sur ce chapitre, ne concerne que la réduction, dans la même proportion, des «frais de fonctionnement jugés inutiles ou ostentatoires», qui ne sont un secret pour personne, et non pas le budget global de fonctionnement. À la gauche de la gauche, le parti travailliste et le PSU, fidèles à leurs revendications, entonnent que toutes les mesures sociales et solidaires ne sont pas pour calmer l'appétit social grandissant de la population marocaine. Autrement dit, tel le programme gouvernemental, la loi de finances ne consacre rien au changement de système, de logique et de vision attendu par la rue. Satisfaction des organisations professionnelles Face à ces réactions radicales, le patronat et les syndicats, probablement soucieux que le dialogue social se déroule dans les meilleures conditions, se trouvent conjointement satisfaits de ce projet. Commentant au nom du patronat qu'il représente, Horani salue le caractère pragmatique des hypothèses retenues pour élaborer la budgétisation de l'exercice 2012, même si la position officielle de son organisme n'est toujours pas arrêtée. À ce propos, un premier indice nous parvient de Jamal Belahrach, président de la Commission emploi et relations sociales à la CGEM, qui ne trouve rien d'original à ce projet de loi. À l'opposé, certains syndicats, plus intéressés par l'issue des négociations sociales, se contentent de montrer un contentement mesuré, puisque le dialogue social est bel est bien pris en compte, l'accord du 26 avril respecté, et le programme RAMED soutenu financièrement. Une position tenue par exemple par l'Union nationale du travail au Maroc, qui répond ainsi positivement aux signaux envoyés par le gouvernement à leur égard. C'est bel est bien là que réside l'origine de toutes les critiques adressées à ce projet de loi, de quelque bord ou officine qu'elles proviennent. L'actuel projet de loi de finances, qu'il soit jugé «peu ambitieux» ou au contraire «trop ambitieux», fait au moins l'unanimité sur un point auprès des critiques : «le manque de vision et d'originalité». Baraka avait-il assez de latitude financière pour satisfaire à ces deux prérogatives politiques ? Benkirane serait tenté de dire que ce qui importe, ce n'est pas tant ce que le projet fait dire, mais ce qu'il dit. À l'heure qu'il est, ce qu'il dit est qu'on est loin de ce qui a été inscrit dans le programme de son parti. Le temps de la gouvernance commence enfin et les discussions risquent d'être très ardues. lll