Rendre un vibrant hommage au cinéma syrien après un an de révolution, est devenu possible depuis Marrakech. Cette année, c'est l'Ecole Nationale des Arts Visuels (ESAV) de la ville ocre, en partenariat avec la faculté des lettres et des sciences humaines, qui a décidé de mener cette aventure artistique et littéraire ô combien inédite. Pour ce faire, les organisateurs ont décidé du 14 au 16 mars, d'emporter les cinéphiles dans un long périple historique et de les plonger au coeur des faits marquants de la Syrie, à travers la visualisation d'une sélection de films documentaires du répertoire cinématographique syrien. Cette aventure, qui a démarré officiellement mercredi soir à l'ESAV, a été possible grâce au partenariat avec DOX BOX, un festival de films documentaires basé à Damas (Syrie) et dont la 5e édition prévue ce mois, ne pourra être tenue en raison de la crise politique que connaît ce pays. A partir de 18h30 durant les trois jours du festival, les mordus du 7e art se trouvent conviés à apprécier, durant des séances d'environ 2 heures, une panoplie de courts, moyens et longs métrages inédits au Maroc, d'Omar Amiralay, Oussama Mohammad, Meyar Al-Roumi, Joude Gorani, Rami Frah et Reem Ali. L'occasion donc de regarder un film intitulé, «Déluge au pays du Baath» de 46 minutes, par le réalisateur Omar Amiralay. Revenu sur les lieux du tournage de son film réalisé à la gloire de la modernisation syrienne, Omar Amiralay met en scène sa désillusion envers le parti Baas. Un regard maîtrisé et inquiet sur le danger de l'idéologie. «La vie quotidienne dans un village syrien» est un autre film que les cinéphiles pourront visualiser. Réalisé en 1974, ce film de 62 min, dévoile le contraste violent entre le discours officiel sur la réforme agraire et la réalité des paysans abandonnés face aux propriétaires féodaux. Durant le second jour, un hommage a été rendu au réalisateur Oussama Mohammad à travers la projection de son court métrage (22 minutes), réalisé en 1978 : «Step by Step». Il s'agit d'un documentaire fort et rare qui suit les soumissions auxquelles chacun doit faire face dans la société et la transformation de l'esprit individuel d'une existence paisible à l'acceptation de la violence. En filmant les efforts quotidiens des villageois et leur système éducatif extrêmement basique, le film fait le portrait de jeunes paysans dont le choix se situe entre la difficile vie à la campagne héritée de leurs parents et l'exode en ville. Coincés entre des idéologies politico-religieuses et complètement fascinés par l'autorité, ces jeunes finissent par choisir l'armée. Les mélomanes de l'écran géant ont aussu rendez-vous avec le réalisateur Meyar Al-Roumi à travers son film, «Six Histoires ordinaires» d'une durée de 59 minutes, réalisé en 2007. Six chauffeurs de taxi se livrent dans l'habitacle intime de leurs véhicules. Ils embarquent le visiteur dans les déambulations de leurs histoires quotidiennes dans les rues de Damas. Héros éphémères, ils font état de leurs difficultés et de leurs visions des choses. Six histoires ordinaires racontées avec toute la légèreté apparente, le sarcasme et la vérité de ceux qui vivent sans trop savoir de quoi demain sera fait. C'est un portrait juste de la société syrienne avant la révolution. Durant le dernier jour de l'évènement, le menu est alléchant avec la projection du film «Avant de disparaître» de Joude Gorani. Court métrage de 18 minutes, le film réalisé en 2005, suit le cours de la rivière Barada à travers la ville de Damas, ses quartiers, ses habitants, ses bruits et ses odeurs... Tout en donnant une mesure intelligente de la distance entre l'idéologie et la réalité dans la Syrie contemporaine. «Zabad» est un autre film programmé à cette occasion. Réalisé par Reem Ali en 2006, cette œuvre de 48 minutes n'est autre qu'une chronique familiale qui relate l'attachement d'un frère à sa sœur, leur dépendance est extrême. La sœur dans l'espoir d'une vie meilleure, se décidera à quitter son frère pour entreprendre un voyage à l'étranger. Pour clore la soirée en beauté, le public aura à apprécier le film «Silence» (35 minutes), réalisé en 2006 par Rami Farah. Les nouvelles de la chute de la ville de Kuneitra en 1967 annoncées par Radio-Damas, continuent de hanter les esprits. En réalité, la chute annoncée par Hafez el Assad ne correspond pas à la réalité. Le jeune documentariste revient sur cette page obscure de l'histoire syrienne... après 40 ans de silence. Mustapha El Ahmadi