C'est, je crois, la 3e ou 4e fois que j'y reviens cette année, mais j'y reviendrai autant de fois qu'il le faudra. Moi, je n'ai rien à faire. Alors, tant qu'à faire... Blague à part, je vous assure que ça ne me fait pas rigoler du tout. Je l'ai dit, je le redis et je le dirai toujours : il n'y a pas un mal pire que la censure. Pis : c'est «le plus pire». Je crois d'ailleurs que pire et pur, c'est la même famille. Je dis ça parce que, justement, les censeurs de tout acabit fondent généralement leur théorie castratrice sur la pureté. La pureté absolue. La pureté libérée de toutes les impuretés. Les plus puristes, en fait les plus dangereux, veulent même purger notre esprit pour purifier notre âme. Ce sont les nouveaux ratons laveurs qui veulent nous frotter le dos avec des bandeaux sur les yeux, les nouveaux enzymes gloutons qui veulent nous bouffer tout crus et nous recracher tout cuits. Ils veulent nous rendre plus blancs que blanc pour nous envoyer au paradis plus propres qu'un sou neuf. De plus, ça ne leur coûte pas un rond. Il leur suffit de clamer ou de déclamer. Aujourd'hui, ils sont passés à une nouvelle phase de leur entreprise purificatrice : ils réclament. Oui, mesdames, mesdemoiselles et messieurs, ils réclament purement et simplement d'interdire «certains» programmes diffusés actuellement sur nos chaînes de télévision nationales. Et ce n'est pas n'importe qui, qui le réclame : c'est la voix la plus autorisée, la plus «responsable», la plus «modérée» des nouveaux purificateurs. Oui, mesdames, mesdemoiselles et messieurs, c'est ce cher Monsieur à la bonhomie débordante, qui crie partout que ses ennemis veulent le diaboliser alors que, proteste-t-il, plus angélique que lui, tu meurs, qui, aujourd'hui, lance un appel aux ministres de la Culture et des Affaires islamiques, «d'intervenir d'urgence pour un arrêt immédiat de certaines émissions», parce que, selon lui, elles sont «fades et pas marrantes» - tiens, tiens, notre ami veut se marrer ! – et surtout, on y vient, «elles vont à l'encontre des règles de l'éducation et de la bienséance». Rien qu'en lisant ça, j'en ai rougi. Comment nos télé-responsables, me suis-je indigné, ont-ils osé montrer des choses aussi indécentes, en plus, en plein mois sacré ?! Je continue ma lecture, ma main en éventail sur mes yeux pour ne pas trop en voir, et que lis-je ? Dans une des séries diffusées, après la rupture du jeûne, dois-je le préciser, on s'est permis de montrer une scène dans laquelle on voit une femme, «apparemment mariée», chez elle, seule, quand soudain, on frappe à sa porte, et c'est un jeune homme qui apparaît et qui entre chez elle, sans façon ... Quelle honte ! Oh rage ! Oh désespoir ! Oh liberté ennemie ! Où va-t-on ? Il faut arrêter tout ça, et fissa ! Trêve de plaisanterie. Vous savez, soit on fait quelque chose, et vite, pour défendre tous les acquis de ces dernières décennies, soit on la ferme et on se contente de regarder, et là, je vous promets, bientôt, on n'aura plus rien à voir. Mais c'est vous qui voyez...