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Une prise de conscience salutaire
Publié dans Les ECO le 17 - 08 - 2010

Le Maroc n'a certes pas connu les mêmes difficultés de la crise que les pays européens, mais pour beaucoup d'analystes, les réactions des entreprises ont été dans certains cas aussi musclées qu'en Europe. Conséquence ? Dans les DRH comme dans toutes les autres fonctions managériales, il y a eu un brusque élan de rationalisation. Mais pour les professionnels de la RH, c'est tant mieux, car estiment-ils, «l'un des meilleurs apports de la crise aux fonctions RH dans les entreprises marocaines, c'est d'avoir permis aux managers de prendre conscience de l'état du gaspillage de ressources dans lequel ils vivaient pendant les moments fastes». Pour Jamal Amrani comme pour Moushin Berrada, si la vague d'optimisation déclenchée par la crise a bien marché au Maroc, c'est parce qu'il y a un potentiel énorme d'amélioration de la productivité. Pendant les périodes de confort, on recrutait souvent en surplus des réels besoins. Ainsi que l'explique Jamal Amrani, quand les choses marchaient bien et que les résultats étaient là, si par exemple, un directeur commercial demandait qu'on recrute un vendeur supplémentaire, il était rare qu'il rencontre des obstacles par rapport à cela et la DRH exauçait sa requête. Mais outre cet aspect, les professionnels marocains sont également convaincus que la crise a contribué à changer bien des choses dans l'approche RH des entreprises.
Le facteur humain reconsidéré
Le phénomène de crise a changé deux choses fondamentales. D'une part, comme à l'international, il a déclenché chez les patrons marocains une nouvelle prise de conscience quant à l'importance du facteur humain dans l'entreprise. Et d'autre part, les logiques d'optimisation de coûts qui en ont découlé ont poussé les entreprises vers l'adoption de méthodes gestion plus rigoureuses. Selon Jamal Amrani, aujourd'hui, même dans les milieux les plus traditionnels (notamment les PME familiales) les dirigeants se sont rendus compte qu'ils ne pouvaient plus s'aventurer à prendre n'importe qui et à gérer n'importe comment. Ils ont compris qu'ils doivent former et fidéliser leurs collaborateurs. Sur ce volet, même les patrons les plus sceptiques ont fini par admettre que ce n'est véritablement ni le salaire, ni les avantages qui fidélisent, mais le mode de management.
Plus de transparence
Un autre fait nouveau constaté est que la crise a également poussé beaucoup d'entreprises marocaines à appliquer le code du travail. Ceci, notamment pour gérer les questions liées à la discipline (règlement intérieur), aux licenciements, aux départs, à la mise en œuvre des plans sociaux (car on ne rigole plus sur des questions comme l'estimation des indemnités de départ). Les analystes expliquent également cette nouvelle donne par la prise de conscience du besoin d'optimisation et d'organisation, qui fait qu'on essaie de justifier tout besoin et toute opération RH de manière plus intelligente et plus professionnelle que par le passé. Dans cette logique, beaucoup de PME ont fait un pas de plus vers l'instauration d'un modèle de management par objectifs, avec tout ce que cela induit comme exigences de transparence vis-à-vis du facteur humain, constate également les professionnels de la RH.
Jamal Amrani,
DG Jadh Conseil
«La crise a permis aux RH de gagner en légitimité»
Les Echos quotidien : Comment les DRH marocains ont-ils fait face aux effets de la crise ?
Jamal Amrani : On observait ce qui se passait en Europe et on se disait qu'on aurait certainement à vivre le même phénomène. Après il y a eu des réactions dont certaines ont été prématurées. Ceci du fait qu'on se disait que, quel que soit l'impact de la crise, certaines mesures de prudence ne seraient pas inutiles. Ce qui a occasionné certaines réflexions, souvent à tort d'ailleurs, chez les DRH, comme le fait de geler les recrutements, de geler ou de reporter les décisions de formation. Sur ce point précis les entreprises ont commis des erreurs, car la crise est une opportunité pour investir dans la formation. On est donc rentré dans une logique d'optimisation des effectifs et des coûts.
Le gel du recrutement a-t-il permis aux collaborateurs d'être plus choyés ?
Ceux qui sont dans des postes sensibles ou à haute valeur ajoutée (commerciaux, auditeurs internes...), bien évidemment quand ils voient que les recrutements sont gelés, prennent conscience de leur importance dans l'organisation et expriment un besoin de reconnaissance, et selon les contextes ont eu gain de cause. Mais de manière générale les entreprises ont gelé certains éléments de la reconnaissance, comme les primes de fin d'année et les bonus...
Le rôle et la place dans l'organisation de la fonction RH ont-ils été remis
en cause ?
C'est le contraire qui s'est produit. La crise a certainement été l'occasion où pour la première fois de son histoire la fonction RH a énormément été sollicitée et son impact dans le fonctionnement de l'entreprise amplement mis en évidence. La fonction a aussi beaucoup gagné en légitimité dans l'organisation pour être associée à l'analyse et à la gestion de toutes ces approches conjoncturelles. La preuve est qu'on n'a jamais eu autant de demandes de recrutement de DRH de la part des entreprises que dans le contexte de la crise. Il n'empêche que, face à la crise, la fonction RH a montré aussi un certain nombre de limites, notamment en ce qui concerne la GPEC. Ceci dans le sens où elle n'a pas pu prévoir et anticiper les chamboulements qu'allait occasionner la crise. Or cela aurait pu être fait à travers des actions permettant de repositionner les collaborateurs, et de désencombrer les fonctions et métiers via des externalisations. On doit penser la GPEC autrement et c'est pourquoi à l'heure actuelle on parle beaucoup du développement de l'employabilité.
Comment serait selon vous la fonction RH post-crise ?
On va voir naître certains nouveaux postes qui gagneront en importance dans la fonction RH. On peut ainsi parler du poste de contrôleur RH dont le rôle sera de faire l'audit de la fonction. La crise nous a montré qu'on a intérêt à maîtriser cet aspect, c'est-à-dire qu'on fera à l'avenir énormément de travail sur les indicateurs de performance RH, les tableaux de bord et de suivi pour continuer à optimiser et à rationaliser les actions RH. Et, c'est sûr qu'on verra de jeunes cadres se spécialiser dans ce domaine. On verra aussi apparaître le poste de marketing RH, parce que l'entreprise ne peut plus se permettre de développer son attractivité uniquement par sa politique de rémunération, mais par un positionnement distinctif par rapport aux autres sur le marché du travail. Un autre changement majeur mais qu'on a vu venir, c'est la place importante que la DRH va définitivement avoir dans le comité de direction. Le must, c'est que l'employé va lui aussi être un partenaire de l'entreprise.


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