Concrètement, la mise en place d'une GPEC passe par la définition de la stratégie de l'entreprise à court et moyen termes, l'évaluation des besoins en compétences correspondants, la comparaison entre ces besoins et les ressources, mesurées à l'occasion des entretiens individuels annuels. L'entreprise décide ensuite des moyens à mettre en œuvre pour ajuster besoins et ressources en termes de formation, de mobilité, de parcours individualisé et de recrutement. «Il s'agit de décliner service par service, métier par métier, de la direction jusqu'au niveau individuel, les objectifs de performance et d'examiner si chaque collaborateur dispose bien des compétences nécessaires pour les réaliser», avance Mohammed Benouarrek. Dans ce sens, une GPEC globale et aboutie peut avoir une incidence sur le mode de management et même sur la politique de rémunération. Une GPEC aussi ambitieuse et complexe n'est pas à la portée de toutes les entreprises, notamment des plus petites. Pour réussir sa GPEC, l'entreprise doit adopter une démarche permettant d'estimer les compétences et les volumes d'effectifs dont elle aura besoin. Pour réussir cet exercice, un prérequis est indispensable : la démarche de GPEC ne devra pas être portée par la seule DRH, mais bien par la direction, qui doit en avoir une vision très claire, acceptée par tous et portée par le management. La première étape de la méthodologie à suivre consiste à examiner les outils de diagnostic dont dispose l'entreprise. En premier lieu, il est aussi intéressant de construire un référentiel des compétences, «à condition qu'il soit simple, pragmatique et opératoire», explique Saïd Bellal. À chaque métier doit être associée une liste de compétences et un niveau de maturité requis, de 1 à 5 par exemple. Pour être compréhensible par tous, chaque niveau doit correspondre à des comportements observables. Ce référentiel permet à l'entreprise de voir si elle possède suffisamment de compétences en volume ainsi qu'en niveau de maturité. À titre d'exemple, Procter & Gambel Maroc a mis en place un référentiel intéressant. Pour chaque métier, il est possible de visionner les passerelles et les évolutions possibles. Un vrai travail de formalisation a été réalisé sur tous les métiers. Une fois ce diagnostic de la situation courante conçu, la deuxième étape consiste à se projeter, puis à comparer avec le présent. La mesure de l'écart entre les deux, en termes d'emplois et de compétences, indique les priorités RH à mettre en œuvre. Dans ce registre, «les entreprises font beaucoup de branding RH en ce moment. L'objectif est de développer leur image d'employeur, afin de recruter des ressources à l'avenir», argue Mohammed Benouarrek. Selon l'activité de l'entreprise, ce calcul est de plus ou moins long termiste. Enfin, pour que ce travail porte véritablement ses fruits, il ne doit pas rester entre les mains des partenaires sociaux. Il faut également sensibiliser les salariés, «faire entrer dans la culture et les esprits que les métiers bougent et que l'entreprise mettra les moyens nécessaires pour accompagner les salariés à travers ces changements», ajoute Bellal. «C'est le management qui sera le relais de la stratégie et de la bonne application de la GPEC», insiste à dire de son côté Benouarrek. Lire aussi : Gestion des compétences, attention aux faux pas ! «La GPEC est avant tout un état d'esprit»: Mohammed Benouarrek, Expert en ressources humaines Les Echos quotidien : Qu'en est-il des contraintes managériales qui expliquent le recours à la GPEC par les entreprises marocaines ? Mohammed Benouarrek : Avec l'évolution de leur environnement, les entreprises ont réalisé qu'elles sont confrontées à des problèmes dus à la non planification et à la non adéquation qui se creuse petit à petit entre les challenges du futur et leur capital humain. Quelle est la mission principale de cette démarche managériale ? La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences cherche à anticiper les besoins en ressources humaines, quantitativement et qualitativement, compte tenu de l'environnement interne de l'entreprise et des évolutions autour d'elle. Cette démarche repose sur un diagnostic actualisé des effectifs et de leurs compétences, tout en se projetant dans le futur, pour mesurer les écarts potentiels et les mesures à prendre, afin d'éviter la rupture ou l'insuffisance. Quelques pratiques clés tournent autour de la gestion des recrutements, de la gestion des départs et des remplacements éventuels, de la gestion de la formation, du redéploiement et de la reconversion, de la gestion des mutations et des résistances y afférentes... Quels sont les outils indispensables pour la mise en place de la GPEC ? Il est évident que la GPEC repose aussi sur un ensemble de pré-requis. Une entreprise ne peut pas s'inscrire dans cette logique de GPEC si elle ne dispose pas de descriptifs de postes, de référentiels d'emplois, de compétences, ainsi que d'une vision et d'une stratégie. L'un des obstacles majeurs devant la pratique de la GPEC au sein de plusieurs entreprises marocaines réside dans le manque de planification. Oser se projeter dans le futur proche et initier des mesures en conséquence demeure un luxe pour un bon nombre de structures. Parler du futur est parfois tabou, pour d'autres pas nécessaire. Les aspects culturels et cultuels pèsent lourd dans la balance présent/futur. Voyager dans le temps, se l'approprier, et planifier des actions RH, afin de se préparer pour les mutations dictées par l'environnement est en lui-même un geste managérial à applaudir. Ce qu'il faudra retenir, par conséquent, est que la GPEC n'est pas un panier d'outils, c'est avant tout un état d'esprit.