Il arrive de temps en temps qu'on m'interpelle pour me demander comment j'arrive à produire du sourire et de la bonne humeur à partir d'une actualité pas toujours gaie. Et, en général, à chaque fois qu'on me dit ça, je commence par bomber le torse, ce qui, jusqu'à une date récente, me demandait un certain effort, mais, grâce à des séances assidues de fitness et de muscu., ça devient pour moi un exercice parfaitement maîtrisé et surtout très beau à voir... Je bombe le torse, d'abord, disais-je, ensuite, je prends tout mon temps, histoire de choisir le bon ton et sélectionner le bon mot, et je dis tout bas, ce que je pense tout haut : «C'est normal, parce que je suis un mec génial». Et en disant ça, en vérité, je n'ai absolument rien dit. D'abord, ce n'est même pas vrai. Je veux dire que ce n'est pas du tout normal que l'actualité, chez nous, soit, soit inexistante – que du vieux, du périmé, et du frelaté - soit, ce qui est souvent le cas, pas réjouissante. Et on voudrait que ce soit moi qui transforme le triste en joyeux, le dramatique en comique, le tragique en burlesque, l'insignifiant en consistant, l'ennuyeux en passionnant, l'accablant en plaisant ou le politique en épique. Pourquoi pas, puisque vous y êtes, ne me demanderiez-vous pas, aussi, de changer les tire-au-flanc en bosseurs, les tapeurs en bienfaiteurs ou les pourris en enfants de chœur ? Non, je vous le dis le plus humblement que je puis : je n'en suis pas capable. Bref, pour abréger et passer à mon sujet, je vous dirai tout simplement que quand l'actualité n'est pas souriante, ne comptez pas sur moi pour la faire rigoler. Non, ça n'a rien à voir avec le ramadan ! Bien avant, j'avais tout le mal du monde à trouver des trucs amusants à vous raconter. Le problème, c'est que même en dehors du bled, ce n'est pas radieux non plus. Bien au contraire. Entre les tribulations discriminatoires et nauséabondes du gouvernement français, le terrible glissement de terrain en Chine, les tragiques inondations du Pakistan et les indescriptibles incendies de Russie, il n'y a vraiment rien de transcendant. Cela dit, entre les quatre catastrophes plus ou moins naturelles, il n'y a bizarrement que la dernière qui semble intéresser réellement les Marocains : l'enfer de Russie. Et ce n'est pas, détrompez-vous, parce qu'ils compatissent avec les pauvres Russes, ni qu'ils ont l'arme à l'œil pour l'écologie en deuil, mais tout bêtement, parce qu'ils viennent d'apprendre qu'à cause de ce feu ravageur, on risque d'avoir moins de pain dans nos boulangeries et, en tout cas, plus cher. Eh oui ! Vous ne le saviez pas, et moi non plus, parce qu'on ne nous le disait pas, on importait pas mal de blé de là-haut (ou de là-bas, ça dépend sous quel angle on se place). En tout cas, malgré tout, on a quand même une grande consolation : on pensait que les Russes ne produisaient – et ne consommaient - que de la vodka, et on vient d'apprendre qu'ils sont le 3e exportateur mondial de blé ... Des ex-cocos ! On aura tout bu...