Vous n'allez sûrement pas me croire, mais j'aimerais bien un jour, moi aussi, n'écrire que des choses sympas. Vous ne pouvez pas savoir combien j'envie tous ces gens qui nous racontent, du matin au soir, qu'ici tout va bien même si ça ne va pas des masses, surtout d'ailleurs, pour les masses. Ça doit faire l'effet d'un calmant. Je ne sais vraiment pas comment ils font, mais, moi, je vous jure que je ne sais pas comment faire. J'ai beau regarder à droite et à gauche, je ne vois que les choses qui ne marchent pas comme il faut ou qui ne marchent pas du tout. Je dois avoir dans les yeux un scanner discriminatoire qui me trie, à l'avance, les trucs « bien», ne me laissant voir que les machins « mal ». En tout cas, le résultat est là: je suis toujours en train de râler, de gueuler, de protester, de dénoncer... j'en ai même fait un métier. D'ailleurs, je me demande si vous liriez avec le même plaisir, ou, disons, la même curiosité quelque peu coquine – n'est-ce pas ? – si, chaque jour que Dieu fait, je vous relatais des histoires roses, enfin, pas roses, je veux dire des histoires gaies, enfin, non, pas gaies, comment dire... bref, si je vous rapportais que le Maroc est un très beau pays – ce qui n'est pas tout à fait faux d'ailleurs – que tout le monde nous envie notre soleil lumineux, nos plages de sable fin sur deux mers, nos plaines verdoyantes et fleuries, nos montagnes enneigées été comme hiver (là, je crois que j'exagère), nos plateaux beaux et hauts comme des gâteaux (en plus, je fais des vers), etc., etc. Ça vous plairait, hein, de lire des inepties pareilles ? Je ne le crois pas. Parce que, à force de vous côtoyer, j'ai fini par bien vous connaître. Vous êtes un peu comme moi : des voyeurs. Et un voyeur, comme son nom l'indique, c'est quelqu'un qui a un malin plaisir à chercher à voir tout ce qu'on lui cache par ailleurs. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on le trouve souvent en train de regarder par le trou de la serrure. Et croyez-moi, moi qui connais bien cette pratique, ce n'est pas très pratique comme position. On n'arrive pas à tout voir, mais ce qu'on arrive à voir, mes amis, quel bonheur ! Regarder en grandeur nature, même dans une position inconfortable, tous ces gens, cachés, dissimulés, dans leur petit coin, en train de faire leurs petites affaires, voire, pour certains, leurs grandes affaires, loin des regards des curieux, du moins c'est ce qu'ils croient..., est un plaisir «inracontable». Eh bien, non ! Comme tout voyeur qui se respecte, moi, j'aime bien raconter tout ce que j'ai vu. C'est pour ça que vous, petits malins et petites malignes, venez ici, chez moi, chaque matin, chercher votre colis quotidien de curiosités plus ou moins malsaines. Je sais que vous ne cherchez même pas à vérifier si tout ça est vrai car, l'important pour vous, c'est d'apprendre qu'il y a toujours dans ce magnifique pays des profiteurs de nos immenses richesses, des tapeurs de nos superbes joyaux, des jouisseurs de nos fins plaisirs... Bref, ce qui vous fait plaisir, c'est de savoir que rien n'a changé et que, donc, tout va bien... Alors, bon week-end ! Les appréciations du Professeur Ditou ➤Elève Abderrazak Afilal : Plus votre procès est reporté, plus vous avez des chances d'avoir le dernier mot. ➤Elève Mohamed Darif : À force d'avoir toujours réponse à tout, on va finir par se poser des questions sur vous. ➤Elèves Achaâri, Ajoul et Bouabid : Si vous avez toujours envie de vous faire entendre, il faudrait que vous preniez la parole de temps en temps. ➤Elève Najate Atabou : Il faut que vous sachiez que vous n'êtes pas la seule à en «avoir marre».