«L'économie marocaine est restée résiliente en 2011», avance Ahmed Rahhou tout en admettant que les perspectives pour 2012 les choses peuvent prendre une autre tournure surtout quand on regarde de plus près la balance commerciale. A ce titre, le patron du Crédit immobilier et hôtelier (CIH) préconise de travailler sur l'export mais aussi sur l'import. À ce titre, l'avènement de la dernière phase du démantèlement tarifaire avec l'Europe n'inquiète pas Rahhou outre mesure. «C'est un changement minime», explique-t-il en soulignant le caractère progressif qu'a pris ce démantèlement. Il estime par ailleurs que le climat des affaires, avec ses composantes juridique et fiscale, est aussi important que les droits de douane. Dans le même ordre d'idées, Rahhou positive en soulignant que le renchérissement de l'énergie peut avoir un aspect positif. «Sur la durée, cela peut représenter un incitateur pour produire à côté du consommateur», argue-t-il en signifiant que la flambée des prix de l'énergie peut être dans ce sens une chance pour l'économie marocaine. Pour ce faire, il faudra néanmoins que le tissu industriel puisse jouer crânement ses chances. Or, des éléments handicapent encore ce secteur qui lutte pour se faire une place au soleil. «Les délais de paiement, c'est la plaie des industriels», souligne Rahhou à titre d'exemple des difficultés auxquelles font face ces opérateurs. Fiscalité neutre En outre, la priorité est désormais devenur pour ces industriels de se mettre au diapason des normes européennes pour profiter du démantèlement tarifaire. Car, vous l'aurez compris, si les barrières tarifaires ont disparu, d'autres barrières d'une autre nature subsistent. «Le secteur agroalimentaire marocain aurait une vraie carte à jouer sur les plats pré-cuits s'il arrivait à respecter les normes de l'Union européenne», estime Rahhou avant de plaider la nécessité de développer «davantage de transformation au Maroc». Pour lui, c'est une logique à long terme, qui suppose que l'on raisonne par filières. Cependant, pour que les industriels s'engagent plus dans la première transformation, il faudrait régler une question d'importance. «La fiscalité doit être neutre», tranche Ahmed Rahhou. En effet, la part de la valeur ajoutée dans ces produits de première transformation n'excède pas 10 à 15%. Aussi, en ayant à s'affranchir de la TVA, ces produits n'ont aucune chance de trouver leur place sur le marché européen. Par ailleurs, l'autre secteur qui intéresse tout particulièrement le patron du CIH est évidemment celui de l'immobilier. Et là encore, des difficultés commencent à se faire sentir, même si Ahmed Rahhou précise que c'est le segment du haut de gamme qui souffre. «Le secteur est porté par le social et sur le segment moyen, nous constatons même un déficit», avance-t-il. En fait, la révision des règles incitatives commence à donner ses fruits. «2012 devrait être meilleure en termes de production dans l'immobilier social», pronostique-t-il. Financiarisation de l'économie Sur le secteur financier et bancaire, c'est un Ahmed Rahhou passionné qui décortique l'état des lieux du secteur. Cet intérêt est d'autant plus marqué que l'économie est appelée à se financiariser de plus en plus dans les prochaines années. Sur ce secteur, il n'échappe à personne qu'une certaine tension sur les liquidités se fait sentir ces dernières années. «Bank Al-Maghrib gère le besoin de liquidité», affirme Rahhou en éludant toute difficulté chronique même s'il explique que «le resserrement des liquidités nous impose d'aller vers des produits sophistiqués». Le secteur bancaire est entré dans une nouvelle phase, depuis que le taux de transformation des ressources a dépassé les 100%. Pour l'instant, ce sont les certificats de dépôt et les dettes subordonnées les principaux instruments utilisés par les banques, en attendant l'avènement d'autres outils comme les obligations sécurisées qui sont en phase de conception. Des nouveaux instruments, qui tardent à voire le jour en s'éternisant dans le circuit législatif. Pourtant, Ahmed Rahhou plaide : «Ce n'est pas parce que le circuit législatif est long qu'il faut le court-circuiter». Toutefois, il estime que «ces rythmes de production législatifs ne peuvent rester ainsi». De manière générale, pour lui, le législatif est une garantie contre les dérives en soulignant clairement les engagements de chacun. «Il ne faut pas laisser le risque échapper vers un circuit non surveillé», explique-t-il. «Il ne faut pas perdre de vue quel est le sous jacent et qui le surveille», conseille Rahhou. Il estime, dans ce sens, que la force de l'autorité de surveillance est un point positif. Capter l'épargne Et s'il se place contre l'autorisation de la vente à découvert à tire d'exemple, il argue néanmoins que «nous ne pouvons être un hub financier en restant en vase clos». Aussi, la prochaine phase sera marquée par la mise en place d'un certain nombre de nouveaux instruments. Des instruments que Rahhou espère qu'ils nous aideront à capter l'épargne. Sur ce registre, le préalable principal est justement de faire preuve d'innovation, estime Rahhou. Il plaide dans ce sens pour le développement du secteur locatif. Pour ce faire, il faut revoir le cadre législatif pour rassurer le propriétaire. Enfin, en ce qui concerne la finance islamique, Rahhou explique ne pas avoir de position dogmatique. Une chose est sûre, «il faut pouvoir drainer les capitaux qui cherchent ce canal», notamment ceux qui proviennent du Golfe. Toutefois, le membre du Conseil économique et social prévient qu'il ne faut pas se leurrer en pensant qu'il y aurait une épargne dormante au niveau national qui n'attendrait que ce canal pour se manifester. En tout cas, le CES attend d'être consulté sur la question par le nouvel exécutif pour se prononcer...