■ La phase d'assainissement terminée, le CIH met tout en œuvre pour concrétiser son ambition de devenir une banque universelle de référence. ■ L'augmentation de capital à venir illustre le soutien des actionnaires et leur confiance dans les fondamentaux de la banque. ■ Dans cet entretien, Ahmed Rahhou, président Directeur général du CIH, dévoile les axes stratégiques du plan de développement de l'établissement bancaire. ✔ Finances News Hebdo : Le CIH a réalisé de très bonnes performances et la phase d'assainissement est quasiment terminée. Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir accompli votre mission ? ✔ Ahmed Rahhou : Vous savez, une mission de management n'est jamais totalement terminée; c'est un travail qui s'étale dans la durée. Nous pouvons dire que la phase d'assainissement, menée à partir de fin 2009, a été vue sous l'angle de l'immunisation. Autrement dit, nous avons fait en sorte que les vieux dossiers ne soient pas de nature à impacter négativement les résultats. En cela, la partie des dossiers qui n'est pas totalement traitée, notamment les anciens qui relèvent de la période antérieure à l'an 2000, est couverte par des provisions en quantité suffisante pour que la santé financière de la banque dans le futur ne soit pas remise en cause. Nous espérons qu'à fin 2011, non seulement cette immunisation sera confirmée, mais qu'un certain nombre de gros dossiers seront définitivement traités. Nous souhaitons les couvrir ou, mieux, les clore de sorte qu'ils profitent à la banque sur la base de traitements qui puissent remonter du cash et des chiffres. Je rappelle à titre d'exemple que certains dossiers traînaient des cas en suspens qui touchent les crédits accordés à la clientèle dans le cadre d'acquisition de logements comme ceux fournis par la Sonadac. Récemment, nous avons signé avec cette dernière un accord qui clôt ce dossier. Pour le futur, nous nous concentrons sur l'activité courante de la banque. Là, les chantiers ne sont pas finis. Le CIH est dans une logique de diversification et de transformation en banque universelle, sans pour autant renier notre histoire et notre spécificité en matière de maîtrise des dossiers de crédits liés à l'immobilier. Nous avons d'ailleurs le plaisir de constater que le professionnalisme du CIH a permis d'éviter, pour la banque et pour ses clients, un certain nombre de dossiers lourds, voire très risqués initiés par certains promoteurs. Malgré notre engagement dans le secteur, notre approche qualifiée de prudente porte aujourd'hui ses fruits en terme de maîtrise des dossiers à risques. Pour ce qui est de la diversification, celle-ci va continuer sur d'autres créneaux. Je cite, juste à titre d'illustration, que notre PNB n'est composé qu'à hauteur de 1% d'activités autres que celles de l'intermédiation qui représentent dans d'autres banques jusqu'à 10% du total. Nous sommes ambitieux et aussi modestes. Nous n'allons pas conquérir des positions dominantes dans ces marchés, mais avec beaucoup de sérieux et de précaution, nous ne pouvons que progresser. Par ailleurs, la partie développement suppose la diversification et tous les outils qui vont avec : procédures, informatique et ressources humaines. Dans ce cadre, nous avons créé une banque Corporate. Nous avons des centres d'affaires à Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech, et nous comptons étendre la couverture à tout le pays. Aussi, avec l'apport de nos actionnaires, CDG d'un coté, groupe BPCE de l'autre, et en tissant des partenariats avec des assurances comme Atlanta, nous avons toute l'expertise que nous souhaitons afin de disposer d'une offre correcte. ✔ F. N. H. : Dans votre stratégie de diversification, quelle place occupe votre métier historique qui est l'immobilier ? Est-ce que vous allez vous focaliser davantage sur le social, l'intermédiaire ou le haut standing ? ✔ A. R. : Au niveau de l'immobilier, nous sommes un professionnel qui se doit d'être présent dans tous les créneaux. Il est clair aujourd'hui que le secteur social est dominant au Maroc, mais cela ne nous empêche pas d'être présent dans le résidentiel de catégorie moyenne ou supérieure, ou même dans le résidentiel touristique ou balnéaire, mais avec toutes les précautions d'usage. Ceci dit, nous ne poussons pas les promoteurs à la consommation de crédits. La banque doit jouer un rôle de conseiller et pas uniquement de prêteur, en ce sens qu'il faut être vigilant par rapport à nos clients lorsqu'il y a un risque de dérapage en matière de coût ou un excès d'offre. Notre approche est assez simple aujourd'hui. Avant de commencer un projet, nous vérifions son adéquation par rapport au marché à travers la pré-commercialisation. Je pense que si cette approche est généralisée, elle évitera la constitution de bulles, définies comme étant des offres qui ne sont plus en adéquation avec la demande. ✔ F. N. H. : Quels sont les chantiers prioritaires en terme de diversification ? ✔ A. R. : Je crois fortement en une chose : on ne peut pas faire de métiers différents si on n'est pas déjà bon dans le sien. Notre première priorité était de définir nos domaines de compétences. Nous avons beaucoup travaillé sur les outils, les méthodes, les formations et les structures, pour que nous nous alignions sur les standards du marché en qualité, en quantité et en célérité de traitement. Le deuxième axe est de développer des métiers qui touchent l'entreprise en général et que nous ne pratiquons que très peu ou pas du tout. Le CIH s‘y est essayé dans le passé, et mal préparé, cela lui avait coûté. Nous le faisons maintenant de façon structurellement organisée et avec tous les instruments de suivi. Nous avons commencé en 2011 sur ce créneau de corporate pour être en 2012 totalement opérationnels. ✔ F. N. H. : Aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire que le CIH se refinance aux normes du marché, comparé aux autres banques ? ✔ A. R. : Nos ressources ne nous coûtent pas plus cher que les autres. Dans la structure globale des ressources, celles liées à la clientèle sont en cohérence avec notre politique de distribution des crédits. Nous sommes un peu en décalage par rapport au marché en raison de la faiblesse de la part concernant nos ressources à vue rapportée à nos crédits. Nous devons améliorer ce ratio. Lorsque nous considérons les ressources par catégorie, nous n'avons pas un coût de refinancement plus cher que le marché. Par contre, le mix de l'ensemble induit un coût de refinancement plus cher au CIH qu'ailleurs. C'est en effet l'une des problématiques que nous ne pouvons pas régler par un coup de baguette magique, mais que nous essayons de rectifier dans la durée. Je tiens à préciser que ce n'est pas un élément qui met en cause les résultats de la banque parce que, globalement, les crédits au CIH rapportent plus que les crédits moyens des autres banques. Ce coût de ressources additionnel est couvert par un rendement des emplois des crédits meilleur que celui du système bancaire. Ainsi, notre marge d'intermédiation se situe dans la tranche supérieure du secteur. Ce n'est donc pas un sujet de préoccupation pour nous, bien que cela représente un point de vigilance pour que ce ratio ne se détériore pas dans le futur. D'où notre stratégie visant l'amélioration du coût des ressources. Vu notre politique de recherche de bons dossiers rémunérateurs, la marge d'intermédiation est maintenue malgré la pression sur les taux de crédits. Nous sommes parmi les banques qui ont le meilleur taux de marge. ✔ F. N. H. : Justement, est-ce que la nature des résultats enregistrés au premier semestre ne va avoir que des influences positives sur l'augmentation de capital que vous allez effectuer ? ✔ A. R. : Nous avons toujours raisonné par la logique des fondamentaux. Nous ne sommes pas très partisans des commentaires à chaud des cours boursiers. Le flottant du CIH, au même titre que les sociétés qui nous intéressent aujourd'hui, notamment Maroc Leasing et Sofac Crédit, est relativement faible et nous sommes une banque où il y a des actionnaires qui détiennent pratiquement 80% du capital. La banque génère des résultats qui sont bons et que nous essayerons de reconduire d'un semestre à l'autre. Globalement, les fondamentaux du CIH permettent ce type de résultats et c'est sur ces derniers que nous espérons être jugés par le marché. Je rappelle que le titre a subi des modifications et des aléas très importants, dus pour une large part à des anticipations spéculatives. Nous possédons trois sources de profits : la banque de détail (particuliers et professionnels), la banque de l'immobilier et la banque corporate que nous développons. En plus d'un quatrième relatif à tous les biens appelés biens ou patrimoines hors exploitation. Le CIH est devenu progressivement propriétaire d'un certain nombre de biens pour lesquels on envisage des possibilités de sortie pouvant générer aussi bien de la trésorerie disponible que des plus-values qui peuvent améliorer nos résultats. ✔ F. N. H. : Est-ce que Bank Al-Maghrib n'a pas tiré la sonnette d'alarme au regard de vos ratios de solvabilité et de liquidité ? ✔ A. R. : Il n'y a pas à s'alarmer en ce qui concerne le ratio de solvabilité. Il a, certes, légèrement baissé à fin juin en raison du décalage de financement par l'augmentation de capital, mais il est parmi les meilleurs de la place. Nous sommes largement au-dessus du ratio, même celui prévu par Bâle III. Pour ce qui est du coefficient de liquidité, le CIH a encore du chemin à faire. Le ratio de liquidité, représenté par le rapport entre les actifs liquides et les passifs liquides, est en deçà des 100% réglementaires. Sans dire qu'il y a une alarme particulière, nous essayons de mettre en place, sous la supervision de BAM, un ratio pérenne et qui ne fluctue pas beaucoup. Nous pouvons clairement faire face à nos engagements et nous avons le soutien de nos actionnaires. ✔ F. N. H. : Pourquoi ne pas avoir effectué l'augmentation de capital juste à hauteur du coût de financement de Maroc Leasing et Sofac ? ✔ A. R. : Ce que nous voulons démontrer à travers cette augmentation, c'est que nous pouvons aussi bien distribuer des dividendes que faire appel aux actionnaires. Aller au-delà du montant stricto sensu de l'opération illustre le soutien des actionnaires au développement et au renforcement des fonds propres, et ce malgré le haut niveau du coefficient de solvabilité. Nous considérons cela également comme une manière de rassurer le marché sur l'ensemble des composantes et des fondamentaux de la banque. ✔ F. N. H. : Est-ce que les participations de la banque à hauteur de 4 à 5% au Fonds de solidarité, indiqué dans le projet de Loi de Finances 2012, n'impactera pas les résultats du CIH ? ✔ A. R. : Les mécanismes de ce fonds ont été introduits dans le projet de Loi de Finances 2012. Si l'Etat estime qu'il doit constituer ce fonds et que les banques doivent y contribuer, je ne vois pas de raison particulière pour laquelle le CIH reste en dehors du mouvement. Je rappelle que le secteur paye déjà un taux d'IS supérieur aux standards. Nous sommes déjà dans une logique de solidarité vis-à-vis des autorités beaucoup plus importante que n'importe quel autre secteur. ✔ F. N. H. : Qu'en est-il du plan d'épargne logement PEL Iskane et pourquoi ne pas avoir créé les autres plans d'épargne comme les actions et l'éducation ? ✔ A. R. : Le PEL existait déjà au CIH. Nous l'avons réactualisé en permettant à nos clients de bénéficier des avantages fiscaux qu'apporte le nouveau plan. Nous n'avions pas les facilités fiscales, mais nous avions déjà la logique de rémunération privilégiée. Nous pensons que la formule peut être améliorée parce que la durée et les conditions de sortie sont assez complexes. Nous sommes partisans de mécanismes un peu plus souples. Actuellement, nous pouvons constater qu'il n'y a pas un engouement fort. Pour le PEA, ce dernier démarre bientôt chez nous en partenariat avec CDG Capital Bourse. Par contre, pour le PEE, nous avions une offre qui était adossée à Atlanta, mais nous avons pris un petit temps de réflexion. Pour les étudiants, nous sommes allés plus loin en signant avec les caisses d'épargne en France un partenariat qui permet l'accompagnement automatique des étudiants en termes d'ouverture de comptes, de transfert avec des coûts réduits et la possibilité de bénéficier de cautionnement pour accéder aux logements. Par ailleurs, nous sommes en train de négocier avec notre partenaire BPCE, qui gère des logements de type universitaire destinés aux étudiants, la possibilité d'en faciliter l'accès aux étudiants marocains en France. ✔ F. N. H. : Juste pour finir, comment appréciez-vous la décision prise par BAM de mettre en place les avances sur 3 mois ? ✔ A. R. : Je pense que c'est une excellente mesure. Si on remonte dans l'histoire récente, la crise des subprimes est devenue une crise financière mondiale par le refus des banques de se financer mutuellement en raison des risques cachés et non mesurés. Le problème de gestion des liquidités bancaires est donc extrêmement important. Au Maroc, nous sommes suffisamment immunisés contre cela. Cependant, il semble utile de sécuriser encore davantage l'accès aux liquidités des banques. Pour ce faire, dans le but d'avoir plus de visibilité dans la gestion de leur liquidité, cet instrument plus souple mis en place par la Banque centrale peut rassurer les banques, d'une part, et le marché, d'autre part. ■ Propos recueillis par I. Benchanna & D. William