«Routes d'Arabie», l'exposition que présente le Louvre depuis le 14 juillet dernier, pourrait bien changer la donne, si ce n'est déjà fait. Mettant le cap sur Madâ'in Sâlih (Nord-ouest de l'Arabie saoudite, à 400 km de Médine), ce sont 300 œuvres qui révèlent à Paname l'archéologie et l'histoire du royaume d'Arabie saoudite, de la préhistoire à l'orée du monde moderne. Les temps changent dans un royaume qui a longtemps refusé d'accorder la moindre reconnaissance à son passé antique, «l'histoire d'avant l'islam étant assimilé à de la non-histoire». La question dominante, évoquée notamment par la presse internationale, repose sur la manière à adopter pour regarder avec bienveillance les vestiges des peuples polythéistes. Et ces émouvantes stèles anthropomorphes âgées de quatre mille ans, qui n'étaient jamais sorties du territoire saoudien s'exposent au public qui pourra les contempler au Louvre. Une première ! L'exposition n'est pas que le fait du Louvre. Elle est montée en collaboration avec les autorités saoudiennes. Et au plus haut niveau. En 2005, Jacques Chirac signait avec le Roi Abdallah, alors prince héritier, un accord de partenariat culturel prévoyant deux expositions à Paris et à Riyad. Suite à cela, en 2006, la capitale saoudienne a accueilli la première exposition étrangère de son histoire, autour d'une collection d'art islamique prêtée par le Louvre. «Pour la première fois, les autorités saoudiennes veulent montrer que non seulement l'Arabie a eu un passé avant l'islam, mais que ce passé est digne d'admiration», lit-on dans un article du Point. Et d'ajouter : «Qu'elle abrita de puissants royaumes, qui commercèrent avec les plus grands empires du temps et fut la plaque tournante d'échanges dont on a peu d'idées aujourd'hui». Cette exposition bénéficie du soutien de la Fondation Total et d'Al Rubaiyat, une entreprise saoudienne qui importe les grandes marques de luxe européennes (Arabie saoudite) et dont le directeur est Abdullah bin Zagr. Il faut le dire également, le prince Sultan Bin Salman est féru d'art et du Louvre et est donc convaincu qu'une exposition comme celle-ci peut changer la façon dont son pays est perçu. L'exposition n'oublie pas la religion, ni la politique: une porte monumentale de la Kaaba et le sabre d'Ibn Séoud sont aussi visibles au Louvre, dans cette seconde partie de l'exposition consacrée à l'Arabie. Dans un communiqué de présentation de cette partie, une description veut qu'une évidence soit mise sur le rôle de l'Arabie, en tant que berceau de l'islam. Dans un premier ensemble, on évoque les chemins de pèlerinage et l'une de leurs principales étapes, Al-Rabadha. En suivant cette route jusqu'à La Mecque, un deuxième ensemble présente une sélection de stèles funéraires qui illustre l'évolution de l'écriture et du décor entre le Xe et le XVIe siècle, tout en constituant un témoignage précieux sur la société méquoise de l'époque, sur son ommerce de l'encens, une denrée à forte valeur économique, mais aussi sur son aspect culturel, puisque les idées et les modes nouvelles circulaient avec lui. Les 300 objets sélectionnés pour l'exposition, rythmée par l'évocation photographique des somptueux paysages de la région, révèlent ainsi une Arabie inconnue, ouverte à toutes les influences. Comme ces majestueux colosses du royaume de Lihyan, de style égyptien, ou cette stèle frappée de l'étoile d'Ishtar qui nous rappelle que le dernier roi de Babylone, Nabonide, vécut pendant dix ans en Arabie. Bref, l'Arabie préislamique était à la pointe de l'ouverture au monde. «Routes d'Arabie», jusqu'au 27 septembre au musée du Louvre.