Une exposition se tient au Louvre, à Paris, du 14 juillet au 27 septembre 2010, sous le titre et sur le thème des Routes d'Arabie. Le titre est bien trouvé. Il s'agit en effet d'un double mouvement caravanier et marchand, suivi d'un second mouvement de pèlerinage. Des fouilles archéologiques menées par une mission germano-saoudienne, en 1968, puis par une mission franco-saoudienne, en 1972, ont mis à jour le passé antéislamique de la péninsule arabique. Ce passé était enseveli par les dunes ; cependant, il est familier aux lecteurs du Coran. De nombreux versets traitent des peuples disparus de Madian, de Tamud, de ‘Ad, de Tarut. Pour le Coran, en effet, les civilisations sont mortelles. Elles périssent par la généralisation de la fraude. Le Coran met en garde contre les fraudeurs (malheur aux fraudeurs, malheur à ceux qui pèsent à faux poids !) Les fraudeurs entachent la réputation de la cité. La fraude crée des rapports de force injustes, au détriment des démunis. De la fraude matérielle, qui consiste à voler son prochain, les fraudeurs passent à la fraude spirituelle, qui consiste à craindre le Dieu unique pour se réfugier dans le culte des idoles. Les idoles sont complaisantes. Les cités sont désertées lorsque leurs habitants n'en peuvent plus de souffrir de ces fraudes répétitives sur les poids, sur les prix, sur la qualité des produits. Il ne reste que les idoles dans les cités ainsi abandonnées. Le sable finit par les recouvrer. Les archéologues viennent de les exhumer. Tâche exaltante, qui nous met sur la trace du passé qui a permis le passage au monothéisme. Les peuples de Madian ont vécu de 1700 à 1200 ans avant JC et ont disparu depuis. Ces cinq siècles marquent la fin du périple d'Abraham, (1700) contemporain de Loth ; tandis que 1200 est le point de départ de la sortie d'Egypte de Moïse. Les lecteurs du Coran savent de quoi il s'agit, car les versets sont nombreux qui célèbrent cette épopée d'Abraham à la recherche de Dieu Unique. La sourate 15 porte le nom d'une de ces cités, Al-Hijr – Hegra en grec – plus proche de nous, disparue au 4ème siècle avant JC. On y a découvert des inscriptions grecques et latines, ainsi que des pièces de monnaies. Hijr (Hegra) se trouve à égale distance de Médine et de Tabuk : 300 kilomètres à vol d'oiseau. C'est une de ces idoles, magnifique au demeurant, trouvée dans Madian, qui accueille le visiteur. Un visage de grès doré ; ses lèvres indiquent la souffrance et ses yeux fermés accusent la fatigue. Elle date de quatre mille ans avant notre ère. Ici, l'histoire se perd dans la mythologie. Trois colosses en grès rouge, au corps d'athlète de 2,50 mètres de taille forment la pièce maîtresse de l'exposition. Ils datent du 3ème siècle avant JC. En tout, 320 pièces sont exposées, représentant sculptures, stèles mortuaires gravées, céramiques, bijoux et pièces de monnaies. Les vases d'albâtre, les céramiques et les poteries proviennent en grande partie de l'île de Tarut située dans le Golfe Arabe (Shott al-Arab) comme les gigantesques sculptures. Elles représentent la vie sociale de cités prospères avant décès. Les routes de Tarut conduisaient en Perse, mais aussi dans la lointaine Turquie. Tarut, comme Madian étaient étroitement impliquées dans le commerce caravanier qui irriguait tout l'Orient. L'exposition fait revivre ces peuples avec leur culte des idoles enserré dans leur art de vivre représenté par de nombreux ustensiles et bijoux, ainsi que des stèles funéraires. Les pièces de monnaies sont en argent, d'écriture sabéenne, et représentent le dieu du lieu. Elles datent du 1er siècle au 4ème JC. Les échanges monétaires sont la preuve d'une économie de marché relativement dense. On comprend mieux les routes caravanières qui allaient au pays des Cham (Grande Syrie), car la nouvelle religion qui allait venir s'est implantée sur ces marchés ainsi balisés. L'exposition du Louvre permet un renouvellement de la lecture de cette époque. Pour le visiteur averti, cette exposition est une pierre dans le jardin de l'orientalisme colonial. Les orientalistes ont affirmé et, de nos jours les journalistes les reprennent comme étant vérité, que le monde de l'islam ne s'est jamais intéressé à la période antéislamique ; qu'abusivement, les musulmans ne voulaient pas d'autre passé que celui de leur religion ; que rien n'a existé avant Muhammad. De telles affirmations sont erronées. L'exégèse du Coran appelle à l'interprétation de cette époque qui a vu évoluer sur son sol les grands prophètes. Et les Anciens n'y ont pas manqué. Dernier en date, Ibn Khaldoun a recensé tout ce qui avait été écrit sur ce sujet depuis l'aube de l'Islam. D'autres affirmations orientalistes voulaient qu'Abraham n'ait jamais pu passer par là. Certes, qu'Abraham ait fondé La Mecque est un article de foi qui ne concerne que les Musulmans. Mais ces récentes découvertes archéologiques montrent que, nécessairement, Abraham a pris les routes d'Arabie dans ses déplacements à la recherche de Dieu. Demain dernière partie