«En 2002, un projet de réforme globale du secteur des médias avait été engagé et devait être soumis aux deux Chambres parlementaires pour validation, et mis en application, mais ce projet a été gelé... À défaut, le 31 août de la même année, on publie le Dahir n° 1-02-212 portant création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle et régissant le secteur audiovisuel». Cette révélation de Abdelaziz Nouidi, ancien conseiller du Chef du gouvernement d'alternance et chercheur-doctorant, faite lors d'une table ronde organisée en fin de semaine sur le thème «Vers une nouvelle loi des médias au Maroc» à Rabat, a de quoi glacer le sang de tous les professionnels de l'information. Pourquoi «geler» un projet de réforme des médias alors que ce sont ces mêmes médias qui sont sensés accompagner les évolutions démocratiques, mais également économiques, sociales, et culturelles d'une société ? C'est l'une des nombreuses questions qui ont été soulevées lors de cette rencontre initiée par le Centre marocain des études et de recherche sur les droits de l'Homme et les médias, en collaboration avec l'Union européenne et la Fondation Hanns Seidel. Qu'en est-il du projet de faire de la SNRT un holding audiovisuel fort de la réforme du code des professionnels de la presse, du cadre juridique des médias numériques... et plus récemment, des recommandations de l'Instance du dialogue national médias et société ? Autant de points d'interrogations restés en suspens, de débats en débats, et qui une fois de plus, on été soulevés lors de cette rencontre. Seulement voilà, une seule question revient dans les différentes interventions des observateurs et des professionnels... Un nouveau Code la presse... pour quoi faire ? Pourquoi réformer le Code de la presse lorsque l'actuel texte de loi n'est pas appliqué comme il se devrait, s'interroge-t-on dans la salle. Selon Mohamed El Wafi, secrétaire général du syndicat professionnel de 2M, «les professionnels des médias répondent à une dizaine de codes et de textes de lois, entre le code de la presse, le code du travail, les codes pénal et civil, sans parler des textes régissant le secteur privé ou l'administration publique selon la nature du média auquel ils font parties ainsi que le Dahir régissant le secteur audiovisuel, etc...». Pire, face à ce grand bazar juridique, censé réguler la profession, les journalistes déplorent un manque d'expertise au niveau des autorités judiciaires. «Les autorités ne considèrent pas le Code de la presse lorsqu'ils interpellent un journaliste» souligne à cet effet ce journaliste au quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum. Le débat sera du coup l'occasion de revenir sur les nombreuses affaires qui ont concerné les professionnels du secteur au cours de ces dernières années. Parmi les plus récentes, et toujours d'actualité, celle du journaliste Rachid Nini qui ne manque pas de remettre en question le principe de la liberté de la presse. En somme, qu'un journaliste soit mis en accusation pour diffamation ou diffusion d'informations erronées, certes, mais le fait qu'il soit emprisonné par contre, met en contradiction les faits et les droits fondamentaux de liberté d'expression, insistent ces professionnels. Cette liberté qui a justement été constitutionnalisée à l'aune des réformes qu'a récemment connues le Maroc. Concrètement, ce n'est donc pas le Code de la presse qui pose problème, mais bien la pratique de la loi qui inquiète le corps professionnel. Une pratique qui, soit dit en passant, engage les deux parties, souligne l'un des invités à cette conférence, et de rappeler que nombre de professionnels n'ont pas forcément connaissance de leurs droits et obligations, du fait que la profession engage des profils issus de formations différentes (Universités d'économie, de droit, écoles supérieures, instituts nationaux...). Encore une fois, il apparaît qu'une quelconque réforme du Code de la profession n'est pas forcément la meilleure solution pour une régulation adéquate mais surtout professionnelle du paysage médiatique, tous supports confondus. La solution ? Pour certains de ces professionnels, elle s'articule en trois axes ; une justice indépendante, adaptée à la nature de la profession et qui accorde «le bénéfice du doute». «On part toujours du principe qu'un journaliste a de mauvaises intentions» ajoute ce journaliste arabophone. Vous avez dit Conseil supérieur de la presse ? Où en est le projet du Conseil supérieur de la presse ? Un peu comme nombre des recommandations de l'Instance en charge du dialogue national, celle de la création d'un Conseil supérieur de la presse en est encore à l'état de gestation. Le projet soumis aux professionnels (Fédération des éditeurs de journaux et syndicats professionnels) semble en effet ne pas faire l'unanimité au sein même de la profession, et pour cause, le Conseil appelé à devenir une instance en charge de la veille déontologique de la profession serait – selon les professionnels - en partie amené à jouer un rôle de «surveillance» et de «contrôle» du contenu médiatique, mais également du bon fonctionnement des entreprises de presse. Une casquette, qui si elle lui est véritablement attribuée, n'est pas pour plaire aux professionnels qui ont demandé la création de ce Conseil.