Des déclarations d'intentions, des promesses et des recommandations ; c'est, en résumé, l'essentiel à retenir des travaux de la 18e réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), qui se sont tenus samedi à Rabat. Un sommet qui n'a pas véritablement sacrifié à cette tradition si chère à la pratique internationale en la matière, mais qui donne lieu à une autre interprétation au vue de son importance dans le processus d'intégration régionale, qui vient de recevoir un nouveau souffle à partir de Rabat. C'est, d'ailleurs, le premier mérite à mettre au crédit de la diplomatie marocaine et à son chef, Saad-Eddine El Othmani, qui a réussi à réunir les principaux responsables de la diplomatie des 5 pays membres de l'UMA, autour des questions liées au renouveau de l'organisation régionale, en panne depuis sa création. Outre la présence du secrétaire général de l'UMA, Habib Ben Yahya, on notait la présence du chef de la diplomatie algérienne Mourad Medelci, ses homologues tunisien et libyen Rafik Abdessalam et Achour Ben Khayal, et l'ambassadeur de la Mauritanie au Maroc, qui présidait la délégation de son pays. Au terme de leur conclave, qui a duré toute la journée du samedi, les cinq responsables ont convenu d'une nouvelle feuille de route qui devrait permettre à terme d'engager véritablement la relance de l'organisation pour aboutir à l'intégration maghrébine, un souhait exprimé par les représentants des pays membres. C'est ainsi qu'il a été décidé de la tenue d'une prochaine session du Conseil, cette fois en Tunisie et avant la fin de l'année en cours. Les participants ont également pris l'engagement d'intensifier les coordinations et les consultations dans le cadre de la tenue de la prochaine réunion du Dialogue en méditerranée (5+5), qui se tiendra en Italie la semaine prochaine, en plus de la tenue d'une réunion des pays membres de l'UMA, en Algérie, consacrée aux questions sécuritaires. La coordination des points de vue concernant l'initiative arabe sur le cas de la Syrie, a aussi été évoquée, de même qu'un soutien réitéré au peuple palestinien, a figuré sur la liste des principales décisions ayant sanctionné la rencontre de Rabat. Il faut dire qu'en amont des travaux, s'est tenue la veille, la réunion du Comité de suivi de l'organisation, qui a réuni les experts des pays membres autour du ministre délégué aux Affaires étrangères, Youssef Amrani, de son homologue algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, et du secrétaire d'Etat tunisien aux Affaires étrangères chargé du monde arabe et de l'Afrique, Abdallah Triki. C'est cette rencontre qui a permis de baliser les principaux points relatifs à la redynamisation des structures de l'Union, la consolidation des acquis et la mise en œuvre des mécanismes des consultations politiques, «en vue d'insuffler une nouvelle dynamique à l'intégration maghrébine». Stratégie de contournement La rencontre de Rabat a, certes, permis de raviver l'espoir d'intégration régionale, conséquemment aux mutations politiques et socioéconomiques qui affectent la région et qui ont apporté un nouveau souffle au processus. Dans l'ensemble, les positions des 5 pays ont convergé vers la nécessité de repartir sur de nouvelles bases permettant de réaliser le vœu d'un véritable «ordre maghrébin» afin de faire front aux défis socioéconomiques et politiques auquels les pays de la région font face actuellement. Il faut dire que les sujets qui fâchent, l'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie et le dossier du Sahara, ont été, soigneusement et délibérément, ignorés. Tout au long de leurs travaux, les responsables diplomatiques ont, d'ailleurs, plus parlé d'intégration économique maghrébine que de politique, ce qui constitue l'idéal à atteindre. Le Maroc, a érigé «l'intégration maghrébine en priorité constitutionnelle et en tant que nécessité stratégique, dont l'impératif est dicté par la prolifération des groupements régionaux et les aspirations croissantes des peuples maghrébins à la consécration des liens séculaires de fraternité ainsi que par la communauté de l'histoire, de la civilisation et du destin», a souligné à cet égard le chef de la diplomatie marocaine, Saad-Eddine El Othmani, à l'ouverture des travaux. Des propos qu'on retrouve, en filigrane, dans les autres déclarations des chefs de la diplomatie et qui convergent, tous, vers la réactivation des mécanismes de coopération à travers une approche progressive et ceci domaine par domaine. Reste à savoir jusqu'où pourront conduire ces réunions de concertations qui devront, tôt ou tard, se pencher sur les questions qui fâchent, sans la résolution desquelles, le processus pourrait s'effondrer à tout moment...et l'idéal avec. L'axe Alger-Rabat en marche Pour beaucoup d'observateurs qui attendaient, sans trop y croire, un signal fort de la part du Maroc et de l'Algérie, allant dans le sens de l'ouverture des frontières, le fait que la question ne soit même pas évoquée relève de l'absurde. Pourtant, les consultations entre les deux chefs de la diplomatie, qui se sont rencontrés depuis le vendredi, traduisent le «dégel» des relations entre Rabat et Alger. Un protocole de consultations politiques et de coopérations a, ainsi, été signé entre Othmani et Medelci pour formaliser le mécanisme institutionnel de rencontres périodiques entre les deux ministres. Un signe qui ne trompe pas et qui illustre le souhait du Maroc et de l'Algérie de constituer l'axe stratégique du nouvel ordre maghrébin à la lumière de l'axe Berlin-Paris pour l'Union européenne. Pour le moment, la feuille de route déclinée par l'UMA, qui s'articule autour de quatre axes prioritaires, constitue le test de passage. Au menu de celle-ci figure, en effet, la ratification de l'accord de libre-échange, un document prêt à être signé, et pour laquelle une réunion extraordinaire des ministres du Commerce de l'organisation sera prochainement programmée à Tripoli, en attendant l'assemblée constitutive de la Banque maghrébine d'investissement et du commerce extérieur BMICE, et l'élaboration d'une stratégie régionale pour la prise en charge des problèmes des jeunes en matière d'emploi et de formation. Dixit... Saad-Eddine El Othmani, Ministre marocain des Affaires étrangères. L'intégration économique et sociale, et la concertation politique dans le cadre du Maghreb, requierent la mise en place d'une feuille de route globale et contraignante dans ses outils et ses objectifs, dont le plus important et le plus noble est de garantir au citoyen maghrébin, les conditions d'une vie digne, d'autant plus que nos pays disposent de tous les ingrédients nécessaires à la complémentarité et l'intégration. La réalisation d'un partenariat maghrébin global et durable passe, inéluctablement, par l'instauration d'un climat propice aux investissements, à travers des garanties juridiques incitatives, la consécration de la primauté de la loi dans le domaine des affaires, l'encouragement de la compétitivité et de la transparence, l'adoption des principes de bonne gouvernance, le respect de la liberté de transport des personnes et la gestion du flux des capitaux. Rafik Abdessalam, Ministre tunisien des Affaires étrangères. La tenue de cette réunion constituera, sans nul doute, un tournant crucial dans le processus d'intégration et de complémentarité maghrébine, grâce à notre volonté et notre détermination sincères, mais aussi à la vision claire que nous avons de l'action commune pour développer et dynamiser les structures de l'UMA. Le développement des mécanismes d'action de l'Union maghrébine, selon une nouvelle approche, qui constitue une revendication insistante de l'ensemble des pays membres, pour permettre à l'UMA d'accompagner les profondes mutations que connaît la région sur les plans politique, économique, social et culturel, favorisera l'édification d'un espace politique et économique maghrébin, à même de traiter, d'égal à égal, avec les autres groupements de son environnement arabe, africain et méditerranéen. Mourad Medelci, Ministre algérien des Affaires étrangères. Tout le monde est conscient aujourd'hui que l'approche de l'unité et de l'intégration ainsi que la coordination des positions entre les Etats membres dans les fora régionaux et internationaux, s'imposent en tant qu'approches communes pour la préservation et la défense des intérêts et acquis de nos peuples, eu égard aux relations de coopération et de partenariat évolutives avec les groupements régionaux et internationaux. Achour Ben Khayal, Ministre libyen des Affaires étrangères et de la coopération. Les développements sur les plans politique, économique et social que connaît actuellement la région, nous incitent à oeuvrer de concert en vue d'élargir les perspectives de l'action maghrébine selon une approche claire au service des peuples de la région. Nous sommes donc appelés à redoubler d'efforts pour la création d'un groupement économique maghrébin à travers la création de la zone de libre-échange et le renforcement de l'intégration dans les différents domaines d'intérêt communs. C'est un vaste chantier qui doit veiller à accorder une attention particulière aux jeunes maghrébins qui représentent une grande partie de la population, à travers notamment la mise en place d'une stratégie maghrébine complémentaire pour la prise en charge des problèmes de cette frange de la population.