Rabat, samedi 18 février. Au ministère des Affaires étrangères et de la coopération, c'est à un examen décisif que se livrent les diplomates des cinq pays de l'Union du Maghreb arabe. La Libye, qui fête le premier anniversaire de sa révolution anti-Kadhafi, préside cette 30e réunion des ministres des Affaires étrangères, où l'Algérie, la Tunisie, la Mauritanie et le Maroc ont transgressé les frontières conventionnelles et laissé de côté leurs conflits pour réfléchir ensemble à un avenir commun, l'UMA. Pour le chef de la diplomatie marocaine, Saâd-Dine El Othmani, l'UMA profite désormais d'un cadre favorable pour redéployer ses ailes sous le ciel du Maghreb. « L'intégration et le renforcement maghrébins dans le contexte régional et international actuel sont nécessaires afin de contribuer efficacement à promouvoir les relations avec l'ensemble des groupements régionaux et africains », estime-t-il. Et de souligner que l'UMA reste « un acteur principal dans la dynamisation de l'action arabe et islamique » mais constitue aussi une base à « des relations en parfait équilibre avec l'environnement euro-méditerranéen. Ce qui la prédestine à incarner un rôle d'envergure au plan international ». Rattraper le temps perdu « Notre conseil ne s'est pas tenu depuis plus de deux ans, et ce qui a été réalisé jusque-là ne répond pas aux attentes de nos peuples », reconnaît le président de la réunion, le ministre libyen des Affaires étrangères, Achour Ben Khayal. Les diplomates ne se voilent plus la face, car ils sont convaincus désormais qu'ils ont un retard à rattraper et des erreurs à corriger. « Nous pouvons vous assurer que notre volonté commune est très forte et que les membres de l'UMA ne ménageront aucun effort pour construire un Maghreb arabe uni. Et c'est à cette conviction et aux conditions que vit le Maghreb en ce moment que nous devons le succès de cette réunion », déclare-t-il annonçant que les cinq pays se sont mis d'accord sur un ensemble de priorités. « Il a été décidé, en premier, de tenir le prochain sommet de l'UMA avant la fin de cette année », annonce Achour Ben Khayal, en présentant les principaux axes d'entente auxquels a abouti la réunion. Les priorités de l'UMA Tracer les lignes d'une meilleure collaboration passe par la définition des objectifs communs. C'est à cela que devra répondre le sommet de l'UMA dont la date sera fixée par la Tunisie dès qu'une feuille de route des travaux sera établie. Les membres de l'UMA ont décidé d'instaurer une base commune de consultation leur permettant un échange permanent et à tous les niveaux : politique, économique, culturel et social. Les pays de l'UMA parleront ainsi d'une seule voix pour défendre leurs intérêts communs et coordonner leurs initiatives. Et ce ne sont pas que des paroles en l'air, puisque les membres de l'UMA comptent bien en donner une preuve éloquente à la réunion 5+5 qui se tient ce lundi à Rome. « Nous n'irons pas à cette réunion en forme de 5+1+1+1… Nous y participerons en tant qu'union, en tant que 5+5 ! » s'exclame, avec un brin d'humour, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Rafik Abdessalam, dont le pays se partagera avec l'Italie la présidence de cette réunion. Autre priorité et non des moindres sur laquelle se sont mis d'accord les pays de l'UMA : la sécurité. D'une importance capitale pour toute la région du Maghreb, cet aspect soulevé par l'Algérie fera l'objet d'une consultation devant aboutir à l'adoption des voies sécuritaires nécessaires à la sauvegarde de l'avenir de l'UMA. L'Algérie a donc proposé dans ce sens l'élaboration d'un accord avec l'ensemble des ministres des Affaires étrangères, dans les semaines à venir. « Aujourd'hui, la sécurité n'est pas encore chose acquise dans différentes régions du monde dont la notre. Nous aspirons à une sécurité pérenne, et pour cela, nous devons combattre le terrorisme et le crime organisé », affirme le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, précisant que sans sécurité, il est inimaginable d'avancer. Déterminés, les pays de l'UMA devront lancer une initiative globale de collaboration sécuritaire. L'UMA ne compte pas rester les bras croisés face aux peuples arabes dans la détresse. Mais il faudra le faire dans le cadre d'initiatives collectives et non plus individuel. Le 24 du mois courant, l'UMA devra donc réunir les amis du peuple syrien, en vue d'en sortir avec une réaction commune. L'UMA continuera, par ailleurs, à soutenir le Printemps arabe et le combat palestinien. Une UMA à l'image de l'UE « Le Maroc estime que l'intégration économique, la cohésion sociale et la coordination politique dans le cadre maghrébin passe par des actions communes et globales. Créer un espace économique maghrébin en dépend étroitement », soutient Saâd-Dine El Othmani pour qui l'UMA est appelée, de toute urgence, à réhabiliter ses ressources humaines afin d'atteindre son but ultime : le développement humain. A l'égale de l'Union européenne, l'UMA veut effacer les frontières pour faire du Maghreb une région de libre-échange économique fructueux pour l'ensemble de ses membres, instaurer une monnaie unique, garantir la libre circulation des individus. Depuis sa création en 1989, l'UMA a atteint l'âge mûr pour clarifier ses horizons et trouver les meilleurs moyens dont l'un des plus importants sera la création d'une banque maghrébine d'investissement. Le plan économique pèse lourd dans l'ambition de l'UMA qui propose la constitution de commissions mixtes pour chaque secteur. Et c'est d'une manière graduelle et pragmatique que l'UMA veut y aboutir. L'UMA pourrait devenir, dans les prochaines années, le principal concurrent de l'UE. « Il n y a aucun risque pour l'UE, il y a de la place pour tous, il faut juste instaurer une bonne gestion », assure le ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, Youssef Amrani. Pour lui, ce qui est le plus urgent aujourd'hui, c'est de ne pas rater ce moment historique, car ce serait « une énorme erreur ». Sahara : l'UMA pas concernée « Nous n'avons pas discuté du Sahara au cours de notre réunion », déclare Saâd-Eddine El Othmani à l'issue de la 30e réunion du conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UMA, qui s'est tenue samedi 18 février à Rabat. Le chef de la diplomatie marocaine s'est contenté d'annoncer que les prochaines négociations de Manhasset auront lieu du 11 au 13 mars prochain. A la veille de cette réunion, Saâd-Dine El Othmani et son homologue algérien Mourad Medelci ont tenu une conférence afin de rendre publique la signature d'un mémorandum d'entente pour la mise en place d'un mécanisme de consultation politique. Par le biais de cet accord, les deux pays s'engagent à constituer une commission de consultations politiques qui doit se réunir deux fois par an en alternance dans chacun des deux pays et à chaque fois que ce sera nécessaire, dans le but de dynamiser la coopération entre l'Algérie et le Maroc. « C'est un premier pas qui nous conduira vers d'autres. Nous voulons instaurer une base d'échange continu », annonce le ministre algérien. Echanger des points de vue sur les questions d'intérêts communs, régionales et internationales. Et dans cet échange, la question du Sahara ne figure pas. « Chaque partie respecte la position de l'autre. Le dossier du Sahara est très important, il est aujourd'hui entre les mains de l'ONU, et c'est à ce niveau qu'il restera. Nous avons grande confiance en l'ONU pour y trouver une solution. Mais ce n'est pas ce dossier qui nous empêchera d'entamer de nouvelles relations très positives pour les deux pays », déclare Mourad Medelci. Quant à l'abolition des frontières, le diplomate algérien indique que le sujet est examiné avec le plus grand sérieux. « Il y a une volonté commune dans ce sens », avance-t-il sans plus de précisions.