Il était temps. Alors que le secteur survole une zone de turbulences depuis 2008, caractérisée par un portefeuille à risque (PAR) à 30 jours très élevé, il semblerait que l'ensemble des acteurs concernés aient enfin pris la mesure du danger. C'est ainsi au tour du Centre Mohammed VI de soutien à la microfinance solidaire (CMS), rattaché à la Fondation Mohammed V pour la solidarité, de présenter un instrument pour surpasser cette «crise», qui ne veut pas dire son nom. C'est donc hier que le Centre a présenté la cartographie de la microfinance au Maroc. Réalisée par l'éditeur de solutions cartographiques, Urbasoft, cette cartographie répertorie l'ensemble des agences du réseau de microcrédit au Maroc. Accessible au grand public sur le site Internet de la Fondation, cette cartographie se veut ainsi un outil interactif de localisation des implantations des associations de microcrédit (AMC), qui sont actuellement au nombre de 1.100 environ. Permettre une meilleure couverture du territoire... Résultat d'une collaboration étendue entre l'ensemble des associations de microfinance (AMF), avec la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM), la cartographie répond à un besoin d'information urgent. À la première lecture de cette carte, on s'aperçoit ainsi assez rapidement du manque d'optimisation de la couverture du territoire. De nombreuses zones, notamment rurales, restent peu voire pas du tout couvertes par l'activité du microcrédit. Or, les besoins d'inclusion financière d'une population jusque là exclue du système deviennent de plus en plus pressants. C'est d'ailleurs pour cela qu'il est prévu de recouper cette cartographie du secteur avec les enquêtes du HCP, dont celles sur la pauvreté. L'objectif est de fournir le maximum d'informations pertinentes aux acteurs, afin de leur faciliter la prise de décision avec une analyse croisée. C'est ainsi que les AMC auront droit à un accès bien plus large que le grand public. Outre les positionnements des agences, ils pourront ainsi effectuer des requêtes précises. Il est d'ailleurs important de noter que l'accès à l'ensemble des informations répertoriées par le portail se fera à la seule condition que les AMC fournissent à temps, et de façon trimestrielle, leurs données propres. Si tel n'est pas le cas, l'association en faute se verra refuser l'accès à la cartographie. Dans une deuxième phase, le projet de cartographie prévoit d'ailleurs d'intégrer des indicateurs critiques. ...et mettre en place un «zoning» des implantations En utilisant cet outil, les AMC pourront ainsi évaluer les besoins en investissement et les éventuelles possibilités de répartition. Parmi les facteurs qui ont conduit aux difficultés du secteur, la concurrence entre les associations a très souvent été mise sur le banc des accusés. Pendant très longtemps, les associations se sont en effet déployées en fonction des implantations de leurs consœurs. Adoptant ainsi une logique typique des établissements financiers commerciaux, des associations à but non lucratif ont dévié de leur métier d'origine, quitte à bouleverser le secteur et à le conduire dans une impasse. Aujourd'hui, les incriminés prennent conscience de leur faute. Concrètement, il s'agit de faire du «zoning». «À la différence du secteur bancaire, la microfinance ne connaît pas la concurrence. Si une agence de microcrédit s'implante dans telle ville, il ne doit pas y en avoir une autre qui s'installe 100m plus loin. Au contraire, si une agence s'ouvre dans une zone déterminée, cette zone doit devenir une zone exclusive pour l'association concernée» répond ainsi Tariq Sijilmassi, président de la FNAM. Cela s'apparente pourtant à de la concurrence. L'argument évoqué pour éviter ces installations à périmètre restreint est la volonté de limiter l'endettement croisé. Or, celui-ci a été particulièrement aggravé par le manque de responsabilité des associations elles-mêmes. La centrale des risques mise en place afin de lutter contre cet endettement croisé pourrait bien remédier à ce problème. Dans le cadre du renouvellement global du métier du microcrédit, les acteurs marocains concernés se sont également mis d'accord pour mettre à jour et améliorer l'actuel code de déontologie que possède la FNAM. Celui-ci devrait être présenté dans les prochaines semaines à la presse. Ces actions s'intègrent dans le cadre d'une stratégie globale de refonte du métier du microcrédit au Maroc. Nous avions peut-être oublié ce secteur. Cependant, celui-ci reste l'un des instruments les plus efficaces pour lutter contre la pauvreté et inclure financièrement les populations défavorisées. Lire aussi : Interview de Tariq Sijilmassi, Président FNAM «Le livre blanc est le fruit d'une concertation générale» Interview de Ahmed Ghazali,Président du C.A d'Al Amana «Nous sommes toujours dans une phase d'assainissement»