3,2 millions de bénéficiaires sur 10 ans. Dans la nouvelle stratégie, il y a des mesures pour assurer la survie et le développement des petites associations. Eclairage de Tariq Sijilmassi, président de la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM). - Finances News Hebdo : Comment se distingue la nouvelle vision du secteur de la microfiance ? - Tarik Sijilmassi : L'étude sur les perspectives stratégiques de la microfinance vise à donner de la visibilité dans ce secteur et à élaborer une stratégie pour la décennie à venir. Elle a pour principaux objectifs d'atteindre 3,2 millions de bénéficiaires à l'horizon des 10 ans à venir, d'améliorer l'efficacité du secteur et de le faire évoluer vers les meilleures pratiques financières possibles. Elle a permis, à travers une démarche structurée, de formaliser une feuille de route sectorielle permettant de réaliser le scénario établi en plusieurs phases progressives et faisant apparaître les principaux jalons et tâches clés et définir les acteurs à impliquer pour chaque phase. Le projet devrait s'échelonner sur trois grandes étapes. Il s'agit, en premier lieu, de mobiliser les ressources financières et humaines ainsi que la structuration du leadership. La deuxième étape se focalise sur l'efficacité opérationnelle. Enfin, il faut un alignement progressif sur les «best practices» bancaires. L'approche est novatrice pour le secteur, en ce sens qu'elle lui donne une vision stratégique de l'ensemble des piliers et des moyens à mettre en œuvre et permet à la fois d'identifier clairement les challenges qui l'attendent. - F. N. H. : Quel rôle peut jouer la microfiance en tant que levier de développement ? - T. S. : La microfinance, en tant qu'émanation de la société civile soutenue par le gouvernement, est devenue un secteur économique clé du Royaume et garde un potentiel important à long terme. De par sa vocation et sa mission, le secteur national de la microfinance se veut être un acteur clé de lutte contre la pauvreté par la création d'emplois et d'activités génératrices de revenus. C'est l'outil d'insertion économique par excellence. Aujourd'hui, nous avons 900.000 bénéficiaires actifs. Au total, sur les vingt dernières années, plus de 40 Mds de DH de microcrédits ont été accordés au profit de 4,5 millions de personnes, ce qui leur a permis de créer une activité génératrice de revenus. - F. N. H. : Comment se présente alors le niveau des impayés dans le secteur, est-ce qu'il y a des difficultés en matière de recouvrement ? - T. S. : Le tissu social a besoin du microcrédit, et le fait qu'il y ait des difficultés est naturel, puisque nous travaillons dans le domaine de la difficulté. Par contre, il faut lutter contre les gens qui détournent le microcrédit de sa véritable vocation. Il doit aider les activités génératrices de revenus, il n'est pas un crédit à la consommation, où une facilité de caisse pour couvrir de petits besoins passagers. - F. N. H. : Le scoring dans les AMC est-il possible ? - T. S. : Le scoring est, non seulement possible, mais il est nécessaire. Dans une AMC, il faut voir deux choses. La première, c'est considérer l'éducation financière du client. L'inclusion financière veut dire prendre quelqu'un qui a la matière première qui est : sa tête, son esprit et sa volonté. Le client dispose de cette matière première, ce qu'il lui faut c'est cette couche de vernis indispensable, métaphore qui veut dire que la personne concernée sait faire un compte d'exploitation, une lecture actif-passif de son bilan, ne pas confondre le chiffre d'affaires avec le bénéfice. Il est de la responsabilité de la microfinance d'éduquer financièrement le client afin de lui montrer les bonnes manières et les meilleures pratiques. Le travail du microcrédit démarre avec le montage du dossier et ne se termine pas avec l'octroi du crédit : nous devrons être toujours dans l'accompagnement ! - F. N. H. : Comment sera opéré le changement de statut des AMC ? - T. S. : C'est une loi qui doit passer. Le législateur a toute latitude pour mettre ce qu'il faut dans la loi. Il y a des organismes pour lesquels garder le statut d'association arrange, et d'autres qui préfèrent opter pour celui de SA. Dans le microcrédit, il n'y a pas de bénéfice, les excédents sont toujours injectés dans les fonds propres qui renforceront les capacités de prêt. En tant que président de la FNAM, je suis contre toute société qui veut avoir un but lucratif. Je peux assurer que toutes les associations qui veulent basculer vers le statut de SA n'ont pas cette optique. La transformation a pour objectif principal de rendre pratiques et larges l'accès aux actions des AMC. Imaginer qu'une banque, le FMI, la Banque mondiale ou la SFI veuillent rentrer dans le capital d'une AMC. Ces gens ont leurs propres règles de gouvernance. Ils peuvent entrer dans le capital pour une durée déterminée et pour un objectif donné. Seule la formule SA peut le permettre. Ce n'est pas le cas dans le cadre des associations. Le statut de société anonyme permet également le maximum de transparence, comme l'obligation de tenues des assemblées générales, des conseils d'administration, de tenir des comptes, d'établir des bilans détaillés et de faire appel aux commissaires aux comptes. Ce sont des avantages incitatifs pour se transformer en SA. Les associations qui veulent garder leur statut sont libres de le faire. - F. N. H. : Est-ce qu'il y a toujours de la place pour les petites associations de microcrédit ? - T. S. : L'esprit du microcrédit est basé sur la solidarité. Il est ouvert et accessible à toute personne, petite ou grande, qui veut contribuer. Dans la nouvelle vision pour le microcrédit, sont mises en place des mesures qui ont pour objectif d'assurer la survie et le développement des petites associations. Nous comptabilisons aujourd'hui 13 associations regroupées autour de la FNAM. J'espère que demain le plan d'action se fera avec 20 ou 25 associations. Mon idée est d'avoir des associations au niveau national qui vont basculer vers le statut de SA, mais aussi des associations à caractère régional ou local qui pourront assurer un travail de proximité. Il est possible d'avoir des associations avec des spécificités comme celles s'appliquant aux femmes, à l'agriculture, à l'artisanat, par exemple. Dossier réalisé par L. Boumahrou & C. Jaidani