«Aucune émission obligataire à l'international n'est encore à l'ordre du jour pour le moment. Toutefois, ce n'est pas à exclure», a révélé Driss Azami Al Idrissi, ministre délégué au Budget, en début de semaine, très vite rejoint dans ce sens par Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des finances, qui, s'il estime qu' «il n'y a pas d'urgence», avance tout de même que «cette possibilité reste ouverte». Alors, l'année 2012 sera-t-elle marquée par une nouvelle sortie du Trésor sur le marché international ? Faute d'avoir une réponse claire des autorités, on ne peut qu'envisager cette option, en énumérant les paramètres qui plaident pour ou contre elle. Il y a d'abord la situation de la liquidité du marché interne. La sous-liquidité de la place s'est accentuée un peu plus, comme en atteste la courbe ascendante des montants retenus lors des levées de fonds en interne du Trésor durant l'année 2011, et plus encore la courbe descendante durant la même période des montants proposés par le marché interne. «Nous constatons que le Trésor a accéléré son rythme de levée durant le deuxième semestre 2011. En effet, sur le premier semestre, l'argentier de l'Etat s'est endetté à hauteur de 10 milliards de dirhams, contre 26,4 milliards de dirhams durant le deuxième semestre», explique-t-on du côté de BMCE Capital Markets. Sous-liquidité du marché interne Cette évolution des levées en titres souverains est due à la forte progression des dépenses de compensation, qui ont atteint le chiffre record de 52 milliards de dirhams en 2011, liés à la contrainte de financement du déficit public, qui s'est accélérée au deuxième semestre. Certains opérateurs de la place ont même commencé à dénoncer l'effet d'éviction qu'induisent ces importantes sorties du Trésor. D'ailleurs, la situation de sous-liquidité de la place à obligé Bank Al-Maghrib à hausser le niveau de ces injections en ce début d'année. Cette situation n'est pas prête de changer, du moins dans les prochains mois, à en croire les analystes de BMCE Capital Markets, qui estiment que «sur un horizon à court terme, les tensions sur les liquidités bancaires devraient persister, en l'absence d'événements majeurs qui pourraient résorber durablement le déficit de liquidité qui est devenu structurel. En vue de maintenir la stabilité des taux, Bank Al-Maghrib devrait continuer à alimenter le marché monétaire en volumes nécessaires, via le canal de l'avance à 7 jours». Aussi, «dans ce contexte, seule une opération de cession de capital ou de tirage sur la dette extérieure pourrait alléger le déficit de liquidité», plaide-t-on. En tout cas, dans son arbitrage entre marché interne et marché extérieur, le Trésor aura de gros besoins, liés aux échéances des prochains mois. La seconde option gagne donc en opportunité, au vu de ces éléments. Toutefois, cet arbitrage doit aussi prendre en compte la situation des marchés internationaux. En effet, comme le défendait Faouzia Zaaboul, directrice du Trésor et des finances publiques, il y a quelques mois sur nos colonnes, «les marchés financiers sont actuellement dans une situation de grande incertitude, liée notamment à la crise des dettes souveraines. Les investisseurs sont devenus allergiques aux risques et optent plutôt pour des valeurs refuges, comme l'or et les matières premières», estimant pour l'occasion qu'il faut regarder l'écart entre le coût de mobilisation des fonds sur le marché domestique et à l'international. Turbulence des marchés Or, le moins que l'on puisse dire est que la situation des marchés internationaux ne s'est pas arrangée depuis. Pire, les marchés financiers internationaux se sont enlisés, en ce début 2012, dans une période de turbulence accrue. Toujours est-il que si une sortie à l'international est réellement effectuée par le Trésor, il faudra faire très attention aux conditions qui y seront appliquées. Celles-ci dépendent essentiellement de deux éléments : le contexte international et la qualité de crédit de l'émetteur. Pour ce dernier élément, on peut dire que le maintien de la notation «Investment Grade» du Maroc est de nature à rassurer les marchés. À contrario, la situation des marchés internationaux devrait accroître la prime de risque appliquée à cette probable émission obligataire. In fine, et comme nous l'avons constaté lors de l'émission de 2010, une telle opération demande un temps de préparation assez conséquent, qui doit être sanctionné d'un road show des responsables pour approcher les investisseurs. Les responsables avaient d'ailleurs signifié que la prochaine étape dans la stratégie d'accès au marché international du Trésor devrait s'articuler autour de l'ouverture vers d'autres compartiments, afin d'élargir et de diversifier davantage la base des investisseurs. Ce serait notamment le cas avec l'accès au compartiment dollar, qui nous permettrait d'atteindre les investisseurs américains, ceux des pays du Golfe et de l'Asie, ce qui avait déjà été partiellement réussi lors de l'émission de 2010.