Rien ne va-t-il plus entre le Maroc et l'Espagne ? À en croire certaines publications espagnoles, la relation entre les deux voisins souffre d'un coup de froid, ce qui laisse dire à certains médias que la lune de miel qu'ont connue les deux pays depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement socialiste sous la houlette de Zapatero est désormais un lointain souvenir. Parmi les motifs de cette lecture, le fait que le fauteuil de l'ambassadeur du Maroc à Madrid soit resté vacant depuis plusieurs mois. «L'ambassadeur controversé», selon El Pais, provoque déjà des frictions et ce avant sa nomination officielle, a écrit le quotidien madrilène en allusion à Ahmed Ouled Souilem. Le quotidien ajoute que le souverain prend tout son temps pour le nommer officiellement, à l'instar de Madrid, laquelle a traîné avant de donner son feu vert pour la nomination d'Ahmed Ouled Souilem. El Pais n'exclut pas que Rabat prenne sa revanche lors de la sollicitation d'accréditation du nouvel ambassadeur espagnol, histoire de tenir la dragée haute au gouvernement de Madrid. Un jeu diplomatique où chacun essaye de marquer son territoire. Dans cette même veine, le quotidien ABC a rapporté, dans son édition de lundi, que l'ambassade d'Espagne à Rabat est désertée par ses principaux occupants. «Avec seulement quelques jours de différence, la représentation s'est vidée de plusieurs responsables, dont l'ambassadeur», ajoute la publication conservatrice. Une vague de réaffectations a touché la représentation espagnole, non seulement à Rabat, mais aussi au niveau des autres consulats. Outre l'ambassadeur, le numéro deux de l'ambassade, Alfonso Portabales,est sur le départ. Il est pressenti pour le poste de consul à Jerusalem. Javier Puig, premier secrétaire de l'ambassade, fait aussi ses valises à destination Guatemala, où il devrait occuper le rang de second de l'ambassade, assure ABC. Le chef du CNI, les services secrets espagnols, quitte aussi son poste. Au total, treize postes ont subi une réaffectation, dont le consul de Tétouan et de Nador et des conseillers. Des sources ont indiqué au journal que ce grand mouvement est étrange, mais n'aura aucune conséquence négative sur les relations avec le Maroc. Selon le journal ABC, l'ambassade essaye de minimiser l'importance de cette valse diplomatique, assurant que ces hauts fonctionnaires ont intégré à la même période. De plus, cette série de rotations diplomatiques coïncide avec la fin de la présidence tournante de l'Espagne du conseil de l'UE. Le gouvernement de Zapatero avait laissé entendre qu'il effectuerait une redistribution des postes à la fin de ce mandat, arrivé à terme le 30 juin, et ce pour des raisons liées à la crise économique. Pour Ignacio Cembrero, fin connaisseur des relations maroco-espagnoles, les deux voisins ne souffrent d'aucun malaise diplomatique. «Parler de confrontation est trop exagéré. Ce qui arrive est un peu la conséquence du cas d'Aminatou Haidar, de la désignation d'un ex- responsable du Polisario comme ambassadeur à Madrid, mais aussi du peu d'enthousiasme avec lequel cette nomination est reçue en Espagne, sans oublier le retard du souverain à le nommer officiellement», nous a t-il confié. Mais d'après Cembrero, ces carambolages sont anodins. Il faut dire que l'annonce de la désignation d'Ahmed Oueld Souilem est tombée comme un couperet en Espagne. Et surtout, elle ne fait pas que des heureux. Le gouvernement de Zapatero ne s'attendait pas à une réduction du rôle de l'ambassadeur au conflit du Sahara. L'Espagne se sent un peu «trahie» par le Maroc, car le gouvernement de Zapatero estime vouloir améliorer les relations dans tous les domaines et non seulement dans le volet relatif au conflit du Sahara. L'ambassade d'Espagne à Rabat est considérée comme l'une des plus importantes mais aussi des plus «conflictuelles», pour reprendre l'expression d'El Pais. Les responsables espagnols qui effectuent un passage à Rabat sont destinés à occuper des postes de grande importance comme c'est le cas de l'ambassadeur sortant, lequel sera chargé de représenter son pays auprès de l'Union européenne. L'ex-chef de la diplomatie espagnole à Rabat, Luis Planas, est décrit comme un réconciliateur. Le président du gouvernement espagnol a misé sur lui pour donner un coup d'éclat aux relations entre les deux voisins, ternies par huit ans de gouvernance du Parti Populaire. Le nouvel ambassadeur Alberto Navaro, natif de Tenerife, ex secrétaire d'Etat des affaires européennes qui vient directement de l'ambassade de Lisbonne, devrait continuer sur cette même ligne. Selon Abc, l'actuel gouvernement espagnol cherche le «bien-être» des relations bilatérales, à n'importe quel prix. Zapatero et son staff sont l'un des rares gouvernements espagnols à œuvrer pour la consolidation des relations entre les deux pays, ajoute le quotidien. Or, d'après Madrid, le Maroc ne lui renvoie pas bien l'ascenseur et ses efforts d'améliorer le climat ne trouvent pas d'écho auprès de son voisin de la rive sud. Et les incidents ne manquent pas pour renforcer cet état de marasme diplomatique. La visite officielle du Roi Juan Carlos aux présides de Ceuta et Melilla a joué en défaveur du gouvernement espagnol. Cette semaine, le gouvernement de Ceuta a réitéré son désagrément face aux revendications dites «cycliques et sans motif» du Maroc sur ce dossier. Cette énième sortie se produit après une série d'interviews accordées par le ministre d'Economie et des finances, Salaheddine Mezouar, à la presse espagnole économique en marge d'une rencontre sur les opportunités d'investissement au Maroc au profit de nos voisins ibériques. Les propos du ministre sur la marocanité des deux enclaves ont réussi à faire sortir les leaders du PP de leurs gonds. D'ailleurs, la politique de l'actuel gouvernement socialiste vers le Maroc est vivement critiquée et décriée par le PP et ses dirigeants. Lesquels accusent Zapatero de manquer de fermeté quand il s'agit de traiter avec le Maroc.