Près de la moitié des objectifs de l'Agenda 2063 ne sont pas directement quantifiables et à ce jour moins de 20% d'entre eux s'accompagnent d'un indicateur permettant de mesurer les progrès accomplis. Mettre en place des politiques publiques effectives nécessite d'abord l'acquisition de données fiables. Or, l'Afrique est loin encore de disposer d'un tel «luxe». C'est en tout cas ce que laisse entendre le rapport sur la gouvernance en Afrique de la Fondation Mo Ibrahim qui se donne pour but d'apporter «de nouveaux éclairages sur les progrès accomplis vers la réalisation tant de l'Agenda 2063 de l'Union africaine (UA) que des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies». Le document met en évidence les efforts qui restent à accomplir afin d'améliorer la gouvernance en Afrique et souligne de façon générale la nécessité urgente de combler le «data gap» sur le continent, si l'on veut être à même d'évaluer les progrès accomplis et les efforts qui restent à mettre en œuvre. Il met en exergue, de façon générale, le caractère inquiétant du manque de données constaté à l'échelle du continent. Près de la moitié des objectifs de l'Agenda 2063 ne sont pas directement quantifiables et à ce jour, moins de 20% d'entre eux s'accompagnent d'un indicateur permettant de mesurer les progrès accomplis. Moins de 40% des indicateurs relatifs aux ODD disposent de suffisamment de données pour suivre avec précision les progrès réalisés sur le continent. En outre, plus de la moitié des données sur les indicateurs des ODD concernant l'Afrique proviennent d'estimations ou de modélisations. La capacité de suivi des progrès réalisés vers les objectifs de développement en Afrique et partant de ceux qui restent à accomplir est donc en question. D'ailleurs, Mo Ibrahim, président de la Fondation éponyme auteure du rapport explique que «malgré les efforts constants pour améliorer la gouvernance, facteur crucial pour la réalisation des ODD et de l'Agenda 2063, il y a une incapacité dans la plupart des cas de suivre avec précision les progrès accomplis. Il n'est pas de politiques efficaces sans données solides. Sinon, nous avançons à l'aveuglette : les politiques sont inadéquates, les ressources mal orientées et les progrès incertains. Il faut conjuguer les efforts pour combler en urgence ce data gap, si nous voulons effectivement achever nos ambitions sans laisser personne sur le bord de la route». Depuis l'adoption des deux Agendas 2030 et 2063, la couverture et l'accessibilité des données dans des domaines clés se sont détériorées en Afrique. Cette évolution préoccupante touche en particulier les statistiques démographiques et l'état civil. Huit pays africains seulement disposent d'un système d'enregistrement des naissances couvrant au minimum 90% de la population et trois seulement d'un système d'enregistrement des décès couvrant au minimum 90% de la population. Le manque de données d'état civil présente un contraste frappant avec la croissance démographique d'un continent qui pourrait compter 1,68 milliard d'habitants en 2030. En l'absence de statistiques démographiques précises et exhaustives, il est impossible de mettre en œuvre des politiques de développement efficaces et adaptées aux populations effectivement concernées. Depuis 2008, selon l'IIAG, très peu d'améliorations ont été obtenues d'une manière générale en matière de capacités statistiques. Le problème est aggravé par la faible autonomie des Instituts nationaux de statistiques. En conclusion, le rapport plaide pour la mise en place prioritaire de données solides. L'Obtention des données de développement (Sound data for governance) constituerait en quelque sorte un ODD (SDG) «chapeau», préalable indispensable à la réalisation effective de tous les autres.