La réunion bilatérale du Conseil d'affaires Maroc-Turquie, dont les travaux ont démarré hier à Istanbul, se tient dans un contexte particulier. Il s'agit, en effet, de la première rencontre entre les hommes d'affaires des deux pays, au lendemain de l'arrivée du PJD à la tête du gouvernement. Le rapprochement entre le parti de la lampe et son homologue turc AKP est perçu par de nombreux observateurs et professionnels privés comme une occasion d'accélérer le renforcement des relations politiques, économiques et commerciales qui existent entre le Maroc et la Turquie. Des relations qui ont déjà connu une évolution significative ces dernières années, mais qui restent en deçà du potentiel réel des échanges commerciaux. La Turquie est, en effet, le 12e client du Maroc avec des exportations dont la valeur a franchi la barre des 300 millions USD en 2010. De même, ce pays se classe à la 11e place des fournisseurs du royaume, avec des importations chiffrées à quelques 760 millions USD sur la même année. L'évolution moyenne des échanges commerciaux est plus significative puisqu'elle est passée, pour les importations, d'une croissance négative de -6,89% sur la période allant de 2007 à 2010 à 46,57% de 2010 à 2011. S'agissant des exportations, l'évolution moyenne des échanges a été plus marquée passant de -29,99% à 26,01% sur les deux dernières années. Ces chiffres cachent pourtant une disparité profonde, puisqu'en dépit de l'accord de libre-échange liant le Maroc et la Turquie depuis 2004 et en vigueur depuis 2006, la part de nos échanges commerciaux avec la Turquie ne représente que 2% du total des transactions du royaume avec l'extérieur. Une donne doublée d'un déficit criant de la balance commerciale au détriment du Maroc avec un seuil au delà des 500 millions USD en 2009 et 2010. Les exportations marocaines sont surtout dominées par les phosphates et ses produits dérivés alors que l'exportation des produits turcs couvrent plusieurs domaines comme l'industrie sidérurgique, le textile et les produits manufacturiers. Il faut savoir que l'évolution des échanges commerciaux entre le Maroc et la Turquie se sont intensifiés à la faveur de l'accord de libre-échange mais également à celle de l'offensive commerciale de la Turquie vers l'Afrique principalement vers les pays du Maghreb. Si les exportations marocaines ont progressé dans le même sillage, l'activité économique turque au Maroc devient de plus en plus marquée avec la présence de nombreuses entreprises qui arrivent à s'intégrer au tissu économique national (BIM, Maykol,...). La Turquie occupe la 17e position au rang des investisseurs étrangers au Maroc. La part des IDE turcs totalisent à peine 0,5% du total des IDE marocains ce qui est loin de correspondre aux ambitions affichées, de part et d'autre. Les rencontres au plus haut sommet, entre les autorités politiques et les opérateurs privés ne cessent de se multiplier ces dernières années pour explorer les voies et moyens permettant d'exploiter au mieux les opportunités de développement des échanges commerciaux dans divers domaines. L'activité du Conseil d'affaires Maroc-Turquie, dont la création remonte à 2004 entre, justement, dans ce cadre et fait suite à un accord de coopération entre la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et le Conseil turc des relations économiques extérieures (DEIK). Partenaires et concurrents Lors de la présente rencontre, outre l'agenda du conseil pour l'année en cours qui sera adopté, les deux parties devront se pencher sur l'identification des secteurs permettant d'intensifier davantage le partenariat commercial. Quatre secteurs ont été préalablement identifiés dans ce registre. Il s'agit du tourisme, de l'automobile, de l'agroalimentaire et de l'énergie. Des secteurs sur lesquels le Maroc compte pour doper sa croissance économique, et qui sont susceptibles d'intéresser les hommes d'affaires turcs. Les négociations sur l'extension de l'accord de libre-échange aux produits agricoles sont en bonne voie, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour les exportateurs marocains. Le Maroc pourrait, ainsi, profiter des ambitions expansionnistes de la Turquie, portées par une santé économique assez reluisante, une croissance moyenne annuelle de 7% entre 2001 et 2007, pour attirer plus d'IDE. Alors que les échanges commerciaux entre la Turquie et l'Afrique étaient de 5 milliards USD en 2003, ils ont frôlé les 30 milliards USD en 2011 et devraient se hisser à 50 milliards USD cette année, selon les ambitions prévues par le gouvernement turc. Une offensive que le Maroc pourrait transformer en aubaine sachant que l'Algérie reste, à ce jour, le premier partenaire turc dans la région. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue que la Turquie, 16e puissance économique mondiale, se positionne, également, comme un concurrent de taille pour le Maroc dans des secteurs stratégiques comme le textile, l'industrie et le tourisme, et sur les mêmes marchés que le royaume, principalement le marché européen.