Le débat qui revient le plus souvent au Maroc, lors de la période des fêtes de fin d'année, est sans doute « Est-il permis de les fêter ? ». Pour plusieurs motifs, comme le fait que ce serait des fêtes chrétiennes, donc impies, ou encore que c'est étranger à notre culture, beaucoup se mobilisent, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans leur entourage : « Tu es musulman ! Ne célèbre pas les fêtes chrétiennes », peut-on voir dans beaucoup de murs Facebook. Toutefois cela n'empêche pas des milliers de Marocains de sortir et célébrer Noël et le Nouvel an chaque année. Entre la moitié qui l'interdit et l'autre qui le célèbre qu'en est-il réellement ? Outre le fait que les célébrations de la fin d'année ont perdu leur caractère religieux, s'agit-il réellement d'une célébration intruse à la culture marocaine ? Malgré le fait que le Maroc ait adopté l'islam et son calendrier lunaire, les fêtes préislamiques du calendrier solaire ont survécu dans la culture marocaine, dont le célèbre Yennayer, le Nouvel an agricole, qui a lieu le 12 janvier et que chaque région du Maroc célébrait avec ses propres traditions, en préparant les plats et les mets qui lui sont propres. Concernant les fêtes chrétiennes du calendrier grégorien, l'histoire nous apprend que les célébrations de Noël et du Nouvel an au Maroc ne datent pas d'hier. En effet ce clivage qui existe de nos jours entre ceux qui s'opposent à la célébration et ceux qui les fêtent a toujours existé, entre les théologiens et l'ensemble du peuple. Selon le spécialiste Abdelwahab Rafiki, les célébrations de la naissance du Christ dans l'histoire du Maroc ont été condamnées par des juristes, mais le grand public n'y a pas prêté attention, car elles ne constituaient pas une menace pour l'identité et la foi. Selon l'ancien salafiste, les livres d'histoire nous parlent de la célébration par les Marocains de la naissance de Jésus et du Nouvel an agricole, qui constituait le véritable Nouvel an pour les habitants du Maroc, pour le célébrer les Marocains portaient leurs meilleurs vêtements récitaient des poèmes et échangeaient des salutations, selon l'historien Ibn Alhajj, une bouillie spéciale était préparée à l'occasion de la naissance du Christ, qui est la même qu'on préparait à l'occasion du Nouvel an agricole. Ceci est confirmé par Hassan Al-Ouazzani, le célèbre Léon l'Africain qui rapporte les célébrations du Nouvel an chrétien à l'époque wattaside aux XVe et XVIe siècles, disant qu'outre les festivités islamiques, les habitants de Fès ont célébré la naissance du Christ et organisaient un souper spécial le soir du réveillon: une soupe composée de plusieurs légumes, tels que le chou, le navet et les carottes, et qu'on cuisinait et mangeait plusieurs légumes et ciboulette. Et que le premier jour de l'année, les enfants portent un masque, puis errent en entonnant des chants et demandant des fruits auprès des bienfaiteurs. Telles étaient les paroles de Léon l'Africain rapportés par l'historien Ibrahim Harakat. La réaction des juristes à la célébration du Nouvel an s'inscrivait dans le contexte de guerres de religions qui les opposaient aux royaumes chrétiens, et qui ont été dépassées à notre époque: le monde célèbre le Nouvel an, qui marque la fin d'une année et le début d'une autre, et respecte toutes les fêtes religieuses, y compris les fêtes musulmanes, loin des conflits idéologiques.