Le spectre d'une irrégularité de la pluviométrie, constatée ces derniers temps au Maroc après un début de campagne agricole assez pluvieux, a de quoi inquiéter les agriculteurs et les autorités. La persistance de ce phénomène aurait de quoi assombrir les perspectives d'une année qui s'annonce très prometteuse quant à l'approvisionnement des marchés nationaux, du fait d'une excellente campagne agricole. Une donne qui se conjugue à une tenue relativement stable des cours des produits céréaliers au niveau international. Selon l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL), «l'approvisionnement du pays en blé continue dans des conditions normales en raison des disponibilités importantes sur le marché intérieur en blé local et importé». Dans une note publiée lundi, l'ONICL a expliqué cette situation par l'importance du volume de la production nationale en blé tendre, avec plus de 21 millions de quintaux dès juillet, et les mesures prises par les autorités pour assurer la régularité des importations. Ce qui a permis de maintenir, «un niveau de stock élevé à l'intérieur du pays et de faciliter l'écoulement de la production nationale par le coupage». Selon l'Office, à ce jour, plus de 8 millions de quintaux de blé d'importation ont déjà été mis sur le marché intérieur. En fin d'année, les stocks nationaux prévisionnels de blé tendre, qui avoisinent les 16 millions de quintaux, représentent «l'équivalent de plus de quatre mois des besoins des minoteries industrielles». De quoi, selon l'ONICL, «maintenir les prix à l'intérieur du pays aux niveaux ciblés». Les cours moyens en cette première décade du mois de janvier sont restés comparables à ceux de la précédente campagne, à la même période. Le blé tendre oscille entre 226 et 311 DH le quintal, cette année, contre 240 à 256 DH, il y a un an. Le quintal de blé dur se négocie entre 280 et 294 DH alors que la campagne passée, le prix maximum était de 303 DH. Même constat pour le prix de l'orge; le quintal se situait aux alentours de 250 et 359 DH durant la campagne précédente contre 270 à 310 DH cette année. En dépit des inquiétudes manifestées il y a quelques semaines par les importateurs, la situation reste assez stable, à moyen terme, et l'ONICL prévoit «des mesures nécessaires pour garantir un approvisionnement normal et régulier» du marché intérieur. Un défi relevé jusque-là, puisque selon la FAO, la bonne campagne agricole et les interventions du gouvernement ont certes pesé sur la facture des importations du pays mais sans impact sur le taux d'inflation des denrées alimentaires qui se maintient à environ 3,1%. A titre de comparaison, il culmine actuellement à 8% en Algérie et se stabilise à 10% en Egypte, après un pic à 22% en milieu d'année. Moins de pression La régularité de l'offre en produits céréaliers sur les marchés intérieurs laisse augurer une évolution positive pour une facture céréalière moins salée cette année, d'autant plus que la production mondiale accuse une hausse. Selon les dernieres statistiques de l'Organisation des nations unies pour l'agriculture (FAO), «la production mondiale de céréales est estimée à 2,31 milliards de tonnes pour la campagne 2011-2012». Ce qui correspond à une progression de 3% par rapport à l'année précédente mais dont l'impact sur l'évolution des prix reste encore limité. En effet, selon les experts de la FAO, l'augmentation des récoltes n'entraînera pas nécessairement une amélioration de la sécurité alimentaire, le ralentissement économique mondial provoquant une baisse des revenus dans les pays en développement. Toutefois, avertit l'organisation, «les prix baisseront du fait d'une demande plus faible que prévue». Pour la FAO, 2012 n'apportera pas de stabilité des prix des produits alimentaires, mais la pression, du fait de la spéculation, sera moins accentuée. C'est ce qu'a, d'ailleurs, déclaré son nouveau directeur, José Graziano da Silva. «Nous nous attendons à ce que les prix n'augmentent pas mais ne baissent pas non plus rapidement. Il y aura des réductions de prix mais ce ne sera pas une chute drastique, la volatilité va rester», a-t-il déclaré lors de sa prise de fonction, il y a une semaine. Selon le rapport trimestriel «Perspectives de récoltes et situation alimentaire», les cours des céréales ont déjà chuté de 3 points soit 1%, depuis octobre. Un repli largement provoqué par les cours du blé, avec une baisse de 3%. Une bonne nouvelle donc, pour les pays importateurs de céréales, principalement ceux de la région d'Afrique du nord qui est «fortement tributaire des achats de blé sur le marché international». La preuve, les importations totales de blé de la sous-région, ont augmenté, durant la campagne précédente, de 14% par rapport à celles de 2010.