Rebondissement dans le lancement du chantier gouvernemental. Alors qu'un Conseil de gouvernement était prévu aujourd'hui pour adopter la déclaration gouvernementale, il a été finalement reporté à la dernière minute. Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, motive ce report pour le moins innatendu par «la non-finalisation du projet de déclaration gouvernementale». D'aucuns avancent que jusqu'à lundi soir, plusieurs ministres n'avaient pas encore rendu leurs copies à la commission ad hoc, mise en place et regroupant les 8 membres qui ont préparé les axes de la stratégie du nouvel Exécutif, et qui devait intégrer les remarques et suggestions émises par les chefs des départements concernés. Une mouture initiale de ladite déclaration avait été remise aux partis et aux ministres désignés lors du 1e Conseil de gouvernement tenu jeudi dernier. Ce report, de l'avis de plusieurs observateurs, ne fera que nourrir les doutes quant à la solidité de la coalition gouvernementale. Cela est d'autant plus valable, selon les mêmes sources, que «le chef de gouvernement est attendu de pied ferme au sein de l'instance législative pour débattre de ce programme. Il n'y a donc pas de temps à perdre». En attendant de savoir quels sont les départements qui ont besoin de plus de temps, l'on s'attend déjà à ce que les chapitres traitant du social soient vraissemblablement les plus concernés. En effet, si les sujets « classiques », relevant de la détermination des chantiers prioritaires ou de la réalisation des stratégies sectorielles, ne posent aucun problème, ce sont plutôt les secteurs «malades» qui semblent donner du fil à retordre aux rédacteurs de la déclaration de politique gouvernementale. En effet, les maux sont si ancrés que la fixation d'objectifs ambitieux devient très sensible si ceux-ci n'étaient pas atteints. Dans la foulée, certains ministres comme Mustapha Ramid ont décidé d'anticiper en optant pour l'appel «à l'ouverture d'un débat national», juste après le passage devant les députés pour fédérer les divers intervenants au sein de secteurs toujours en réforme. Pour le département de Bassima Hakkaoui, l'équation sociale sera non moins compliquée à résoudre, si l'on ne prend que le fait que le PNUD vient d'épingler le Maroc sur la question du développement humain. L'autre sujet qui fait également mal, est celui de la prolifération des mouvements de grèves. Pour sa part, le département de Benkirane n'a pas encore demandé ouvertement une «trève sociale» aux syndicats, même si tel est le souhait de plusieurs leaders du parti de la lampe. Et, de manière générale, c'est aussi le chantier de la gouvernance qui devra être bien mis en valeur dans le programme. Un département dédié est aujourd'hui créé et, qu'il s'agisse des engagements du pays à l'international sur cette question ou de la nécessité de lancer des signaux positifs en interne, la bonne gouvernance devra être articulée dans toute l'architecture gouvernementale. Un seul mot d'ordre, la continuité Concrètement, le mot d'ordre pour plusieurs départements sera celui de «la continuité». Ce sera également le cas pour les chantiers de réforme qui arrivent à leur échéance, tels l'enseignement et la santé dont les plans d'urgence prennent fin en 2012. Le projet de programme revu par les ministres contient également un important volet relatif à l'économie solidaire et la lutte contre la précarité au sein du rural, à côté de la reconduction de plusieurs mécanismes relatifs à la compétitivité des entreprises, et qui seront détaillés dans le projet de loi de finances 2012, le gouvernement s'engage aussi à activer toutes les dotations budgétaires pour le parachèvement des programmes en cours. La déclaration finale devrait aussi se focaliser sur la relance du tissu économique et l'encouragement des PME et TPE. Les quatre partis du gouvernement veulent que le nouveau projet de loi de finances 2012 reflète les promesses faites lors de la campagne électorale, y compris les incitations fiscales, l'accès aux marchés publics et l'accès à de nouvelles formules pour le financement bancaire. Pour remplir ses engagements et pouvoir élaborer les lois à temps, le gouvernement a d'abord besoin de clarifier le statut de ses ministres. Les nouvelles priorités, qui devront se faire en même temps que l'adaptation de la nouvelle équipe de Benkirane aux nouvelles modalités prévues par la Constitution. Encore faut-il que cette majorité s'accorde sur sa déclaration gouvernementale. «Une affaire de quelques jours encore», rassure-t-on. Toutefois, il va de soi que si certains ministres n'ont pas encore rendu leurs copies, il faudra aussi laisser le temps à la commission Ad Hoc d'harmoniser le texte final. Vous avez dit Charte du gouvernement ? La charte de la majorité veut marquer l'aspect volontariste qui a amené les 4 partis à former le gouvernement. Le document final validé bien avant la déclaration de politique générale n'est pas uniquement un signe de bonne foi de ces formations, mais il est aussi le fruit d'une large concertation entre les 4 partis qui ont déjà prouvé leur solidarité lors de l'élection de Karim Ghellab, le représentant de la majorité au Parlement. Le respect des dispositions de la Charte de la majorité n'est pas obligatoire et n'est réglementé par aucune loi, mais reste dépendant du compromis politique trouvé au lendemain des législatives. Dixit... «La lutte contre la corruption, la pauvreté et le chômage, sans oublier la justice sociale seront les grandes priorités juste après la mise en place du gouvernement. Le programme gouvernemental sera également une feuille de route pour l'application de la nouvelle Constitution, au niveau institutionnel et à celui des lois organiques et ordinaires, ainsi qu'à celui relatif aux politiques publiques dans les domaines des droits et libertés. Nous allons aussi passer à travers ce programme à une vision intégrée de la question de la gouvernance, afin d'insérer des mesures concrètes et chiffrées autour de 5 dossiers qui forment l'ossature du programme : l'approfondissement de l'identité marocaine, le développement économique, la justice sociale, l'Etat de droit, et la régionalisation avancée». Mustapha El Khalfi, Ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.