Cette affirmation émane des experts du Centre marocain de conjoncture, dont la dernière publication mensuelle, «Maroc Conjoncture n°307», est un spécial sur les enjeux de la loi de Finances 2019. Analyse. Le Centre marocain de conjoncture (CMC) vient de diffuser sa dernière publication mensuelle «Maroc Conjoncture n°307» consacrée aux enjeux du projet de loi de Finances 2019, qui est actuellement dans le circuit d'adoption. Selon les experts du CMC, le projet de Budget 2019 n'aura pas vraiment d'impact sur la croissance économique à la fin de l'année prochaine. Pour cause, «les orientations prioritaires retenues par celui-ci mettent plutôt l'accent sur la dimension sociale des politiques publiques pour faire face aux déséquilibres persistants en matière de revenus, d'emploi et de niveaux de vie. Et concernant le volet économique, l'option principale porte sur la poursuite de l'effort de transformation structurelle et de diversification productive à travers l'accélération des programmes de développement sectoriels», constatent les experts du CMC. Malheureusement, «ces dépenses expansives sectorielles ne tiennent pas compte des comportements des opérateurs économiques que sont les ménages et les entreprises. C'est pourquoi, elles n'auront qu'un effet global limité sur l'activité économique», expliquent-ils. Une décélération d'une année à l'autre sur trois ans En tous cas, l'activité afficherait, selon le Haut-commissariat au plan, une croissance du PIB de 2,9% en 2019, contre une estimation de 3,1% en 2018 et une croissance de 4,1% en 2017, soit une décélération d'une année à l'autre sur trois ans. Cette situation résulte, entre autres, du fait qu'au Maroc, le Budget n'est pas encore très intégré au cycle des affaires. En effet, la vision de développement adoptée par le royaume repose, en guise de vecteur porteur de croissance et dans une large mesure, sur la promotion et l'encouragement des investissements tant domestiques qu'étrangers. Cet axe stratégique est doté d'un ensemble de mesures, répartis entre un cadre dit du droit commun et selon des procédures conventionnelles ou contractuelles à conclure avec l'Etat pour préciser les engagements spécifiques des parties prenantes. Une panoplie de mesures d'incitation est alors accessible aux promoteurs qui peuvent bénéficier d'avantages de type foncier, financier, fiscal et douanier... Parallèlement, le pays s'emploie à offrir un environnement favorable à l'investissement en adoptant des mesures d'amélioration du climat des affaires, en encourageant le partenariat public-privé et en essayant d'améliorer la gouvernance. D'ailleurs, dans le projet de Budget 2019, deux signes révèlent les difficultés de l'Etat à mobiliser suffisamment d'investissements pour l'exercice à venir: le retour des privatisations et la forte promotion des PPP à travers lesquels l'Etat s'ouvre aux investisseurs nationaux et étrangers. Par ailleurs, la loi de Finances 2019 privilégie le social au détriment de l'économique. Il a accordé la priorité aux programmes sociaux dans les domaines de l'enseignement, de la santé et de l'emploi tout en soutenant les programmes dédiés à la protection sociale. Une accélération des programmes sociaux qui a pour objectif de réduire les déficits sociaux qui persistent et de lutter contre les disparités sociales et territoriales, qui représentent des objectifs stratégiques pour l'Etat. Selon les experts du CMC, «les moyens sont en hausse, mais il reste encore beaucoup à faire dans le social». Dès lors, fallait-il donner cette orientation au PLF 2019? Celui-ci se présente comme «un budget aux objectifs hybrides, voire potentiellement contradictoires, qui flatte les impératifs budgétaires tout en revendiquant une vocation sociale et de soutien à l'économie», remarque le CMC. Le levier de l'endettement peut encore être activé En effet, le Budget 2019 se veut en faveur de la croissance économique et du progrès social. Il affiche parmi ses orientations prioritaires le soutien à l'investissement privé et à l'entreprise en vue de stimuler la croissance et le renforcement des politiques sociales. En même temps, il fait de la restauration des équilibres macroéconomiques et de la maîtrise de l'endettement un objectif tout aussi prioritaire et augmente, dans un effort de mobilisation de recettes additionnelles, la charge fiscale. Or, semble rappeler le CMC, le Maroc a encore des capacités à s'endetter pour continuer à privilégier l'économique, seul apte à stimuler la croissance et la création d'emplois. Selon ses experts, le déficit budgétaire et son corollaire, l'endettement public, ne sont pas un problème en soi; ils ne sont pas non plus la solution à toutes les dérives de l'économie, en toutes circonstances. Mais la crédibilité et l'efficacité des politiques budgétaires sont appréciées au travers de ces deux variables essentielles dont le Maroc peut user dans ce Budget 2019. Les institutions internationales et les agences de rating déterminent, en relation avec le niveau d'activité et celui du taux d'intérêt réel, la valeur limite et le plafond à accorder au déficit et à la dette au-delà desquels la politique budgétaire pourrait être considérée comme intenable et le niveau de l'endettement excessif pour provoquer à terme un problème de solvabilité. Ces seuils et critères prudentiels sont établis pour servir de garde-fous dans la gestion budgétaire et ne peuvent aucunement concerner et avoir la même amplitude, pour toutes les économies, indistinctement. Leur interprétation dépend en effet du mode de fonctionnement de l'économie soumise à l'étude, de ses performances, de la nature des dettes, de la conjoncture environnante, ainsi que du stade où elle se trouve dans le cycle économique. Le nouveau ministre de l'Economie et des finances Mohamed Benchâaboun, qui a hérité du Budget, prendra certainement en compte ce levier. q