L'élection de l'istiqlalien Karim Ghellab au perchoir de la première Chambre, lundi dernier, sur fonds du retrait, en catastrophe des députés de l'USFP, a annoncé la couleur sur les véritables intentions des socialistes. Beaucoup de bruit pour rien, certes, puisque l'enjeu n'était pas de taille, surtout que l'ancien ministre de l'Euipement et des transports était assuré de sa consécration, grâce au soutien de la majorité gouvernementale qui s'était, préalablement prononcée en sa faveur. Pour les socialistes de l'USFP cependant, le jeu en valait la chandelle, surtout que l'occasion s'y prêtait opportunément. La sortie «trouble-fête» des députés du parti de la rose se lit plus comme une manière d'annoncer le ton sur les réelles ambitions du parti, qui vient de rejoindre l'opposition après une dizaine d'années de participation gouvernementale. Une cure voulue par les militants du parti pour redorer le blason de l'USFP, qui au fil des élections, ne cesse de perdre de son électorat, depuis son passage à la tête du gouvernement en 1998. La crise de confiance qui s'est étendue jusqu'au sein de la direction du parti, avec la défection de plusieurs grosses pointures et la position du parti, arrivé 5e aux dernières élections du 25 novembre, ont imposé aux ittihadis la nécessité de revoir leur positionnement en perspective des prochaines échéances électorales. En décidant de boycotter l'élection du président de la première Chambre, l'USFP a ainsi voulu envoyer un signal fort. Les camardes de l'ancien Premier ministre El Youssoufi comptent assumer leurs responsabilités jusqu'au bout, et bien qu'il constitue la troisième force de l'opposition en termes de sièges, derrière le RNI et le PAM, l'USFP veut figurer au rang des «opposants qui comptent». Les raisons du passage à la case opposition pour entamer la refonte du parti de la rose, l'un des plus anciens de l'histoire politique du royaume, vont donc au-delà de la simple divergence idéologique avec les islamistes du PJD, une raison qui, d'ailleurs, aurait légitiment justifié l'option prise de fausser compagnie à la Koutla. L'opposition constituait, de l'avis de plusieurs observateurs, la seule solution pour œuvrer à la nécessaire reconstruction du parti. Pour certains observateurs avisés, le passage de l'USFP à l'opposition sera soit la cause de sa renaissance, soit celle de sa mort définitive. Un risque duquel dépend l'avenir du parti et qui s'inscrit dans le sillage des appels au réveil de la gauche, initiés par plusieurs militants du parti de la rose comme celui mené par Omar Balafrej, directeur général du Technopark de Casablanca, président de la Fondation Bouabid et ancien militant de l'USFP, qu'il quittera en 2010. L'USFP, qui fait office de chef de file des partis de la gauche au Maroc, endosse par la même occasion, la lourde responsabilité de faire revivre le projet social et sociétal de la gauche. C'est un projet que l'USFP n'a pas su mener à bien durant ses 13 années au sein de la majorité gouvernementale. La question qui se pose est de savoir ce qui a bien pu conduire la gauche à cet état de «décadence» ? Pour Bachir Rachdi, membre du Forum citoyen pour le changement démocratique (FCCD) «les partis de gauche - en tant que composante sociale - ont perdu leur dynamisme. L'évolution vers une vraie démocratie ne dépend pas tant du passage à l'opposition d'un parti comme l'USFP que d'une réelle rupture du citoyen avec les décennies précédentes». Le PJD comme relève... historique Par un singulier caprice de l'histoire ou un paradoxe de la dialectique, on assiste à une montée des courants conservateurs et de droite partout dans le monde lors de cette dernière décennie postcommuniste et il y a là de quoi contrarier les tenants du progrès linéaire. Le Maroc n'a pas dérogé à la règle. L'USFP n'avait qu'à se ranger dans l'opposition pour rester dans le même ordre dialectique et idéologique des choses. Cela dit, l'électorat n'a pas réellement changé et de l'USFP autrefois, au PJD maintenant, il est le même, à savoir la classe moyenne. Cette dernière a voté pour un projet de social-démocratie au programme économique très ambitieux, voire irréalisable, vue la conjoncture actuelle délicate que subit le Maroc. Le PJD saura-t-il tenir ses promesses ou connaîtra-t-il le même sort que ses opposants ittihadis ? Il est évident que seule l'histoire nous le dira, mais le parti du nouveau Premier ministre aura tout intérêt, à s'appuyer sur les leçons de l'expérience des socialistes, surtout que, sur plusieurs plans, les engagements du parti de Benkirane et de sa coalition chevauchent ceux de la gauche. Or, pour les socialistes, il est nécessaire de clarifier le champ politique national, même si la nouvelle coalition gouvernementale et l'opposition parlementaire sont loin de constituer un groupe homogène. La présence du PPS au gouvernement et de l'USFP à l'opposition, constitue une sorte d'échec prématuré de l'alliance des partis de la gauche, qui risque d'attendre des années avant de retrouver ses titres de noblesse. La présence du PPS au sein de la nouvelle coalition gouvernementale, d'allure conservatrice, risque par conséquent de mettre à mal le projet de l'USFP et de retarder le réveil annoncé de la gauche, surtout si le PJD y met son grain de sel. Certains relativisent la chose en évoquant l'impérieuse nécessité d'une opposition avec «une vraie gauche», notamment pour sauvegarder certains acquis sur le plan des droits de l'homme et des libertés publiques. La nécessité du dynamisme et de la démocratie interne Comme l'affirme le président du think-tank de gauche «la Fondation Bouabid», Omar Balafrej, la cause de la crise des partis de gauche au Maroc réside dans leur abandon de l'essentiel du projet social durant leurs années de pouvoir, ce qui a engendré une totale perte de confiance du citoyen à leur encontre. Ensuite, l'opacité de ces partis n'a rien arrangé à la crise. «Il y a des noms qui doivent être évincés des instances de l'USFP, pour laisser place à des personnalités incarnant un changement positif, estiment des observateurs. En effet, il est temps que la Chabiba ittihadie reprenne son rôle de vivier d'usfpéistes fidèles à l'esprtit profond du parti. En effet, un parti qui n'est pas démocratique en son sein est voué à l'échec et ne peut prétendre défendre la démocratie au niveau collectif et national. C'est bien cette démocratie interne qui est apte à créer des leaders charismatiques, capables d'incarner une vision socialiste de la politique au Maroc et donc la crise de leadership au sein de l'USFP ne peut être que justifiée. Ce dernier devrait profiter du passage à l'opposition pour repenser son avenir en tant que parti et rectifier la perception qu'en a le citoyen marocain, à savoir une coquille vide, où des leaders fatigués n'usent plus guère d'un pouvoir... qui les a bien usés. Il semble bien qu'après le 3e congrès du PSU, un autre s'impose pour leurs camarades de l'USFP... Le PSU passe son test Bien qu'il n'ait pas participé aux dernières législatives, le Parti socialiste unifié (PSU) a profité de la conjoncture politique actuelle pour tenir se donner un nouveau souffle. Le PSU vient, en effet, de tenir son 3e congrès, le weekend dernier, entre Rabat et Bouznika. Le congrès a entamé un large dialogue sur la reconstruction d'une gauche démocratique qui puisse répondre aux aspirations du peuple marocain et joue pleinement son rôle pour la consécration de la démocratie et le renforcement des libertés publiques. Le congrès a pris fin par le renouvellement des instances nationales du parti, notamment le conseil national, le bureau politique et un nouveau secrétaire général. Le PSU a, en outre, approuvé deux plateformes, dont une «la plateforme de la gauche citoyenne» destinée à «la reconstruction d'une gauche unifiée qui soit capable de répondre aux exigences de la nouvelle phase que vit le pays», a expliqué le secrétaire général sortant du parti, Mohamed Moujahid. Il y a de quoi s'étonner de cette gauche qui peine à s'unifier, en dépit d'une volonté commune de faire revivre un projet commun.