Bientôt, une banque islamique au Maroc ? En tout cas, il n'aura pas fallu attendre longtemps après la nomination du PJDiste Abdelilah Benkirane en tant que chef du gouvernement pour que les spécialistes de la finance islamique fassent des propositions concrètes. Les qataris de QIIB, l'un des leaders de ce domaine, ont en effet rencontré le chef du gouvernement, samedi dernier, dans une entrevue qui a pris l'air de l'officialisation de l'intérêt porté par l'institution pour une implantation dans le royaume. Selon le top management de QIIB, « la rencontre aura permis aux deux parties de discuter des perspectives de création d'une banque islamique au Maroc ainsi qu'une entreprise d'assurance du même genre ». Un modèle de cette implantation a même été proposé à la partie marocaine selon lequel QIIB prendrait pied dans le royaume via une joint- venture dont elle détiendrait 49%. Cette proposition n'a, semble-t-il, pas laissé indifférent Abdelillah Benkirane qui a déclaré, en marge de cette rencontre que « le Maroc est désireux de faire appel à l'expertise de QIIB dans la finance islamique. Une collaboration permettrait de stimuler le système bancaire marocain et pourrait répondre aux besoins des consommateurs ». En d'autres termes, les portes sont ouvertes à une pareille opération. Interpellé par Les Echos quotidien sur le sujet, Lahcen Daoudi, membre du PJD, va même au-delà en annonçant que « cela pourrait concerner deux voir plusieurs opérations ». L'opportunité pour le Maroc, selon le PJDiste, est de pouvoir attirer davantage d'investisseurs du Golfe. Ce n'est plus un secret pour personne que la finance islamique est très prisée par cette catégorie d'investisseurs et une implantation d'une banque islamique dans le royaume serait un moyen de leur octroyer un environnement des affaires attractif. C'est dire toute l'importance de l'annonce de QIIB. Celle-ci coïncide par ailleurs, avec l'annonce de la principale banque publique du royaume, BCP, de l'arrêt de la commercialisation de ses «produits halal» en attendant leur restructuration afin de proposer de nouvelles solutions en 2012. Selon une déclaration de son directeur général adjoint aux médias, la banque étudierait même la possibilité de recourir, à l'instar d'Attijariwafa bank, à une filialisation de cette activité. Et c'est ce modèle là qui réussit dans le monde de la finance islamique. D'ailleurs, un texte de loi a déjà été déposé par le PJD en janvier 2011 et s'inscrit parfaitement dans cette logique. Le texte traite à la fois des conditions de création de filiales ainsi que de banques spécialisées dans la finance islamique. De quoi conforter BCP et les qataris de QIIB dans leurs ambitions pour ce secteur. Cette loi, une fois adoptée, répondrait également à la problématique relevée par la Banque africaine de développement (BAD). Selon cette dernière, «la législation bancaire du Maroc n'autorise pas le type d'activité d'investissement direct auxquelles s'adonnent de nombreuses banques islamiques». Par ailleurs, force est de souligner que pour les banquiers du secteur classique marocain, les services bancaires islamiques sont considérés de plus en plus comme une proposition commerciale et non une considération politique. C'est du moins l'avis des experts de la Banque africaine de développement lesquels viennent de mettre en exergue le degré d'implication des pays de l'Afrique du nord dans ce domaine. Pour le cas du Maroc, une entrave majeure est toutefois relevée pour le développement de ce segment et qui a trait directement au coût des opérations. En effet, la BAD ne manque pas de soulever le problème de la cherté des produits islamiques en comparaison avec les produits bancaires classiques. Les prix ne sont guère attractifs, du fait de l'imposition de 20 % au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur Ijara et de 10% sur Mourabaha, tandis que les prêts commerciaux sont exonérés de TVA (seuls les intérêts sont dans ce cas soumis à la TVA). « De l'avis des autorités, étant donné que Mourabaha nécessite un achat et une vente, il devrait être soumis à la taxe. Ijara nécessite également l'achat et le paiement ultérieur de loyers », rapporte la BAD. En d'autres termes, l'occasion est donnée aujourd'hui au PJD, tant qu'il est au pouvoir, de s'atteler à éliminer cet handicap, d'autant plus que, selon les dernières déclarations officielles, il tient à prendre en charge le ministère des Finances. En attendant, il faut dire que le Maroc a déjà tiré profit de la finance islamique via ses différents partenariats avec la Banque islamique pour le développement. Le Maroc est en effet le principal bénéficiaire en Afrique du nord du financement de projets et du commerce de la BID, bien qu'il soit un bailleur de fonds relativement modeste de la BID, arrivant loin derrière la Libye, l'Egypte et même l'Algérie. «L'une des raisons de la réussite du Maroc tient à sa capacité à soumettre des demandes de financement cohérentes fondées sur des plans d'affaires de qualité et assorties de projections réalistes de coûts et de recettes» note-t-on auprès de la BAD.