Le projet de loi unifiant le régime juridique de l'activité est en voie d'adoption. Aucun médecin-légiste n'est encore inscrit au tableau des experts judiciaires. À la croisée des disciplines, la médecine légale est aujourd'hui victime de son cadre réglementaire. Le ministère de la Justice, théoriquement autorité de tutelle de l'activité, a donc décidé de «poser un cadre légal complet» de l'activité médico-légale, et ce, en «désignant les services médicaux aptes à la pratiquer, leurs attributions et leurs obligations», précise la note de présentation du projet de loi déposé par le département au SGG. En réalité, un cadre global et unifié est déjà une urgence à lui seul. Cadre insuffisant La médecine légale est régie au Maroc par trois textes: les codes de procédures pénale et civile ainsi que le Code déontologique de la médecine. L'article 64 du Code de procédure pénale permet à l'officier de la police judiciaire de «faire appel à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations qui ne peuvent être différées». C'est à ce moment que les médecins peuvent être requis pour établir des constats de décès ou des certificats médico-légaux pour des victimes de violences physiques et/ou sexuelles, ou pour tout autre acte médico-légal urgent sur une personne. Dans le cas de la découverte d'un cadavre dont la cause de la mort est inconnue, l'article 77 du Code de procédure pénale exige de l'officier qui en est avisé d'informer immédiatement le parquet pour se rendre sans délai sur les lieux et procéder aux premières constatations. C'est le ministère qui juge nécessaire (ou pas) la désignation d'un médecin légiste. Les articles 73 et 74 recommandent toutefois aux procureurs (il ne s'agit pas d'une impératif car le législateur utilise l'expression «si les circonstances de l'enquête l'exigent») de «soumettre tout prévenu à un examen médical si lui ou son conseil en font la demande ou s'il constate des traces qui justifient cet examen». En matière civile, l'encadrement juridique se trouve dans les articles 55 et plus du Code de procédure civile. Sauf cas exceptionnel, l'expert est habituellement choisi parmi les médecins inscrits au tableau des experts. Quant au Code déontologique de la médecine, l'article 8 de celui-ci interdit aux praticiens «d'établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance. L'article 50 défend au médecin d'accepter une mission d'expertise dans laquelle les intérêts d'un de ses clients, d'un de ses amis, d'un de ses proches ou ses propres intérêts sont en jeu, sauf accord des parties». Seulement, derrière cette législation qui a déjà le mérite d'exister, la dure réalité de son application nous rattrape. «Situation unique: aucun médecin légiste n'est inscrit au tableau des experts comme l'exige le Code de procédure civile», indique-t-on du côté de l'Institut médico-légal du CHU Ibn Rochd à Casablanca. «Il y a une absence critique de structures et de prestataires de services individualisés comme les locaux des urgences. Une première difficulté pour la police judiciaire de trouver à la fois un médecin disponible et compétent pour un acte médico-légal, et une seconde pour le parquet de connaître le nom du médecin qui effectuera l'autopsie». «Les disparités dans les pratiques médico-légales tiennent essentiellement au fait qu'il n'existe pas de procédures uniformes à l'échelle nationale à appliquer aux situations de décès devant faire l'objet d'une investigation médico-légale», peut-on lire dans une étude du Conseil national des droits de l'Homme. Que prévoit le projet de loi ? L'autopsie est un cas d'école: les compétences d'attribution n'étant pas définies, la découverte de cadavre, si la cause de la mort est inconnue, aboutit, selon les villes, à une ordonnance d'autopsie tantôt établie par le Tribunal de première instance, tantôt par la Cour d'appel. Selon les juridictions, la mortalité accidentelle aboutit soit à un examen extérieur du cadavre seul, soit à une autopsie et ce, même si le décès a été constaté sur les lieux de l'accident par le Service des accidents de la circulation ou une brigade de la gendarmerie. Le projet de texte déposé par l'Exécutif énonce d'abord la définition d'un médecin légiste. Il s'agit des «médecins spécialisés en médecine légale inscrits en cette qualité à l'Ordre des médecins et ayant une formation reconnue en la matière». Les personnes morales seront maintenant habilitées à établir des expertises; elles doivent à cet effet être «autorisées par le Conseil national de la médecine légale». Ce conseil bénéficiera notamment de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Sans indiquer ses prérogatives ni sa composition, le projet de loi lui impose cependant de dresser un rapport annuel qu'il présentera aux ministères de la Justice, de la Santé, de l'Enseignement supérieur, de l'Intérieur, à la Cour de cassation et à la Direction de la Défense nationale. Il sera également compétent pour prononcer des sanctions disciplinaires. Quant aux sanctions pénales, elles sont du ressort du ministère public, et peuvent aller d'une à deux années d'emprisonnement et de 1.200 à 5.000 DH d'amende.