La France a quelques atouts en matière de finance climat, notamment son obligation souveraine verte de 7 milliards d'euros et sa réglementation exigeante en matière de transparence des entreprises du secteur financier. Pour Philippe Zaouati, directeur général de Mirova et président de l'initiative «Finance for Tomorrow», il reste à capitaliser sur ces points forts et à les porter à l'échelle européenne. «Les axes annoncés sont les bons», reconnaît Philippe Zaouati, directeur général de Mirova (la filiale d'investissement responsable et solidaire de Natixis Asset Management), au sujet du Plan climat présenté le 6 juillet dernier par Nicolas Hulot. Celui-ci ambitionne en effet de «faire de la place de Paris le pôle international de la finance verte», qui n'est rien d'autre que la raison d'être de Finance for Tomorrow, initiative portée par 36 acteurs de la place de Paris (Banque de France, Mairie de Paris, EDF, SNCF Réseau, BNP Paribas, Amundi, etc.) que préside Philippe Zaouati. Depuis l'organisation du premier Climate Finance Day avec la Caisse des dépôts et la Banque européenne d'investissement en amont de la COP en mai 2015, Paris a décidé de capitaliser sur ses atouts en matière de finance verte, dont l'obligation souveraine de 7 milliards d'euros émise en début d'année, qui n'est qu'un des éléments, le plus visible du reste. Un rapport intérimaire présenté à Bruxelles 24% des émetteurs de green bonds sont des entreprises françaises, un quart des émissions sont arrangées par des banques françaises et 27% des green bonds sont achetés par des investisseurs français. Signe des temps? Paris a accueilli la troisième édition de la conférence annuelle des Green Bonds Principles en juin dernier. Reporting climat, gestion des risques, développement de l'épargne verte grâce aux labels, régulation financière, partenariat public-privé mobilisant les investissements... Les principaux chantiers du quinquennat annoncés par le ministre coïncident avec les axes de travail de Finance for Tomorrow qui sont développés dans le rapport intérimaire du groupe d'experts de la Commission européenne sur la finance durable qui a été présenté à Bruxelles le 18 juillet. L'article 173, marqueur financier de la loi de transition énergétique Depuis le 1er janvier 2017, l'article 173 de la loi de transition énergétique oblige les entreprises du secteur financier à communiquer sur leur gestion du risque climat et de la part carbone de leurs portefeuilles. Cette innovation, qui permet une meilleure transparence sur l'allocation de l'épargne vers des actifs bas carbone, est une première française. «Il faut maintenant démontrer son efficacité, ce qui devrait être fait lors d'un premier bilan prévu en 2018, avant de la porter au niveau européen», ajoute Philippe Zaouati. Il a en revanche la dent un peu plus dure avec les labels destinés à réorienter l'épargne des Français vers des investissements plus responsables. «Ils sont compliqués, mal expliqués et souffrent d'un déficit de promotion», regrette-t-il. Il faut travailler avec les assureurs et les banquiers pour qu'ils en améliorent la distribution et, si nécessaire, les contraindre à, au minimum, les présenter, comme cela a été fait pour l'épargne salariale. Effet de levier et obligations vertes Dans un contexte où les finances publiques sont exsangues, il importe que les 50 milliards d'euros du plan d'investissement annoncé (dont 15 milliards pour la transition énergétique) bénéficient du meilleur effet de levier possible dans le cadre de partenariats public-privé. «Il faut utiliser l'argent public pour modifier la perception du risque sur ces sujets», suggère Philippe Zaouati. Dans ce cadre, l'Etat, qui a déjà émis en début d'année le plus important green bond souverain au monde, en émettra certainement d'autres, et devrait inciter des acteurs publics tels que l'AFD et la Caisse des Dépôts à le suivre. Paris peut-elle prétendre à devenir «le pôle international de la finance verte», indépendamment de son rang de place financière en général? «On n'aura pas de mouvements massifs pour des raisons exclusivement réglementaires ou de Brexit», reconnaît Philippe Zaouati. D'où la nécessité de capitaliser sur cet embryon de finance verte. «Quand de grands acteurs, des agences de notation par exemple, décideront -même s'ils ne sont pas basés à Paris- d'y ouvrir leur bureau «vert», ce sera bon signe», indique-t-il, tout en reconnaissant que «le combat n'est pas gagné d'avance».