Les deux candidats aux législatives du 20 novembre se sont affrontés lundi lors d'un débat retransmis en direct et suivi par 12 millions de téléspectateurs. Le face-à- face de près de deux heures entre Alfredo Rubalcaba, candidat du parti socialiste (PSOE) et Mariano Rajoy, président du Parti populaire, concrétise le moment le plus fort de la campagne électorale. Le tirage au sort a permis à Rajoy, qui en était à son troisième débat électoral, d'ouvrir le bal de cette soirée. Or, cet avantage ne lui a pas été d'une grande utilité, puisqu'il s'est adressé à ses concitoyens en lisant les fiches soigneusement préparées par son armée de collaborateurs. Sur le fond et sans grande surprise, la crise économique s'est accaparée la part du lion du débat. Les tirs se sont croisés et chaque candidat a tenté de faire porter au rival le chapeau de la décadence économique dans laquelle patauge l'Espagne depuis 2008. D'ailleurs, dans l'objectif de démontrer aux Espagnols que Rubalcaba et Zapatero sont les deux faces d'une même pièce, Rajoy, à plusieurs reprises, a apostrophé Rubalcaba en l'appelant Zapatero, délibérément, une manière de rappeler aux électeurs le nom de celui par qui le malheur économique est arrivé. À grand renfort de chiffres et de statistiques, Rajoy a consacré une grande partie de son intervention à faire le procès des socialistes et de leur héritage, les accusant d'avoir nié durant longtemps la situation de crise que traverse l'Espagne. Le chiffre de cinq millions de chômeurs a retenti plusieurs fois dans le plateau dirigé par un modérateur et sans public. Pointilleux, Rubalcaba a passé au peigne fin le programme de son rival politique, incitant Rajoy à apporter davantage d'explications à propos de certains points tels que le projet de revoir à la baisse les prestations au chômage ou encore la proposition des populaires d'exclure les PME des négociations patronales et du dialogue social. Dans sa mission presque impossible de reconquérir l'électorat en froid avec les socialistes, Rubalcaba a dévoilé les piliers de son programme pour renouer avec la croissance. Citant à titre d'exemple le projet de délester les entreprises qui recrutent des cotisations sociales pour chaque nouveau contrat d'embauche, pour une durée de trois ans, promettant de les mettre à la charge du gouvernement, Rubalcaba a proposé également de renégocier avec l'UE le plan d'ajustement budgétaire afin de le porter jusqu'à 2015 au lieu de 2013, et une réorientation de l'économie espagnole. Il a déployé une batterie de mesures concrètes destinées à séduire les Espagnols. La contre-offensive de son concurrent ne s'est pas fait attendre. Roublard, Rajoy a saisi cette occasion pour donner l'estocade à son adversaire, l'accusant d'avoir eu suffisamment de temps pour mettre en pratique ses propositions en allusion à son mandat de huit ans comme ministre socialiste. Sans trop s'attarder sur le détail de son programme et esquivant les questions de Rubalcaba, lequel s'est illustré dans son personnage de journaliste tenace, Rajoy a préféré toréer avec les questions, tout en excellant dans son rôle de picador avec ses phrases assassines sur l'urgence d'un changement politique en Espagne. Les deux partis ont donné leur représentant pour vainqueur, mais les sondages ont placé Rajoy comme le gagnant de ce duel avec 46% de voix en sa faveur. La différence entre les deux partis rivaux s'établit actuellement à 5 points seulement, alors que les populaires possédaient une avance de 17 points auparavant. Il faut dire que les socialistes reviennent de loin. Les sondages plaçaient le PP comme vainqueur, avec une majorité absolue. Cela annonçait un remake des élections législatives de l'an 2000, quand le PP, mené par José Maria Aznar, avait raflé une majorité écrasante, infligeant une défaite historique aux socialistes. Rubalcaba a la lourde tâche de réduire l'écart entre les socialistes et les populaires en séduisant un électorat en colère contre le gouvernement actuel. Il faut dire que la conjoncture a joué de mauvais tours au sauveur des socialistes. Les dernières semaines ont été marquées par l'incessante montée du taux de chômage, frôlant la barre des cinq millions de sans-emploi. La seule bonne nouvelle pour les socialistes a été l'annonce par l'ETA de la fin des hostilités. C'est un point en faveur de l'ex-ministre de l'Intérieur Rubalcaba, lequel a mené avec brio les négociations avec l'organisation séparatiste basque. Cependant, malgré les prouesses politiques de Rubalcaba, son talent d'orateur et ses bons et loyaux services, Rajoy, le candidat ayant essuyé deux revers aux législatives, se voit déjà au Palais de la Moncloa, sauf miracle politique.