Le premier face-à-face électoral en Espagne depuis quinze ans a permis de constater l'énorme écart qui sépare les projets de société portés par le parti socialiste et son rival de droite, le PP. L'Espagne entière a veillé, lundi 25 février, jusqu'à une heure tardive. Un fait tout à fait normal dans un pays où la vie commence à partir de 8 heures du soir. Mais, ce soir-là, c'était exceptionnel. Le face-à-face électoral entre le candidat socialiste José Luis Rodriguez Zapatero (PSOE) et le chef de file de la droite, Mariano Rajoy, (Parti Populaire) allait être diffusé en direct et personne ne voulait rater un match tant attendu. Le candidat socialiste et son rival de droite, même s'ils s'étaient déjà affrontés lors des élections législatives de 2004, ne s'étaient pas laissé entraîner par la tentation d'un face-à-face électoral. Stratégiquement, pour les deux candidats, un débat électoral en direct n'avait, à l'époque, aucune utilité. Le partage des voix était clair et la bataille se jouait dans les régions et sur des thématiques de proximité. Une situation que les attentats du 11 mars à Madrid avaient changée, à trois jours des élections. C'est ce qui avait, entre autres raisons, permis de bousculer un peu les choses. Mais, aujourd'hui, la situation a changé. Les deux candidats, qui se trouvent pratiquement à égalité dans les sondages, ont été contraints d'accepter de jouer le jeu du face-à-face dans l'espoir de puiser, chacun, des voix dans l'électorat de son rival et de mobiliser les abstentionnistes. Un objectif qui a marqué le discours tenu par les deux candidats durant les 180 minutes du débat. Un débat sur lequel leurs experts en communication ont travaillé d'arrache-pied pendant dix jours sans pouvoir toutefois éviter à leurs candidats des erreurs en matière d'image ou de discours. Rajoy était vêtu d'un costume qui n'est pas de sa taille – il s'agit, apparemment, d'un costume qui lui porte bonheur – et Zapatero avait du mal à éviter de faire sa grimace habituelle pendant les moments de tension. Sur le fond, les deux candidats sont restés fidèles à leurs thématiques préférées. Mariano Rajoy a rejoué son refrain catastrophiste en alertant sur l'effondrement fatal de l'Etat espagnol si les socialistes restent encore quatre ans au pouvoir. José Luis Zapatero, lui, a commis l'erreur de répéter son discours sur son opposition à la participation de l'armée espagnole à la guerre contre l'Irak alors qu'il s'agit d'un dossier clos depuis quatre ans. Sur l'économie, les deux candidats sont restés en dehors de l'arène et chacun combattait, virtuellement, de son côté. Pendant que Rajoy tentait de charmer l'électorat sur des sujets de proximité en accusant le gouvernement de ne pas agir contre les hausses répétitives des prix des produits de première nécessité, Zapatero insistait sur les résultats macro-économiques. Des résultats excellents, certes, mais qu'il a eu du mal à traduire en chiffres accessibles au simple citoyen. Mais, là où il a réussi à démolir son rival, c'est sur le dossier de l'immigration. «Je salue tous les immigrés…qui viennent travailler avec nous», a dit le candidat socialiste suite à une intervention de Rajoy alertant sur le danger que constituent, selon lui, les immigrés. Pour le mot de la fin que le modérateur a accordé à chacun des candidats, Zapatero a eu l'intelligence de jouer sur la sincérité contrairement à Rajoy. «Je ne peux pas promettre que toutes les personnes vont avoir du succès dans la vie, mais, je m'engage à travailler pour que tout le monde ait les mêmes opportunités et pour que ceux qui ne réussissent pas aient toujours la protection de notre pays», a conclu Zapatero alors que Rajoy a préféré dire aux électeurs que voter pour lui revient à voter pour sauver l'Espagne. «Je ne demande pas le vote pour moi (…). Ce n'est pas moi qui gagne ou perd ces élections. C'est l'Espagne tout entière qui gagne ou perd», a-t-il conclu.