À travers une mobilisation importante du secteur privé et une diplomatie économique des plus dynamiques, le royaume a su, durant ces dernières années, construire une coopération sud-sud pérenne, gagnante pour tous. Une démarche que le Maroc veut élargir à de nouveaux partenaires et d'autres secteurs suite à son retour à l'Union africaine. «Certains avancent que, par cet engagement, le Maroc viserait à acquérir le leadership en Afrique. Je leur réponds que c'est à l'Afrique que le royaume cherche à donner le leadership», cette phrase du discours royal prononcé par le souverain au Sommet de l'Union africaine, récemment tenu à Addis-Abeba, résume à elle seule la réalité de la démarche marocaine enclenchée depuis quelques années vers les pays de l'Afrique. Une action tournée vers le partenariat win-win et le co-développement. C'est que le Maroc souhaite capitaliser sur l'expérience acquise de ses différents partenariats économiques et commerciaux avec les pays les plus développés pour aujourd'hui «développer dans un sens sud-sud. Le royaume cherche en effet à promouvoir ses rapports d'échanges établis jusqu'ici au hasard des opportunités sectorielles et géographiques, en une vision stratégique de co-développement, qui serait l'aboutissement et l'enrichissement des expériences prometteuses entreprises à ce jour», note le Centre marocain de conjoncture dans une récente analyse sur le sujet. A ce titre, plusieurs établissements marocains, publics et privés ont déjà fait la démonstration d'interventions notables dans ce sens. C'est le cas en particulier à travers les différents investissements menés dans le cadre des secteurs financier et télécoms ou encore celui du BTP durant ces dernières années. Ainsi, l'opérateur télécoms historique du royaume, Maroc Telecom, compte aujourd'hui à son actif de nombreuses filiales africaines (Mauritanie, Mali, Gabon...) et certaines grandes banques marocaines sont aujourd'hui présentes dans près de 20 pays subsahariens, sans oublier certains grands groupes ou entreprises nationales et autres établissements publics. La dynamique est à ce titre globale et de «multiples PME pionnières ont découvert en terre africaine des filières porteuses de valeurs de croissance», rappelle l'Observatoire national de l'économie. 3 millions de dollars d'investissements Il y a quelques années, les investissements marocains sur le continent étaient encore pratiquement insignifiants avant d'enregistrer un bond tant quantitatif que qualitatif. Dans son discours prononcé à l'occasion de la réintégration du Maroc au sein de l'Union africaine, le souverain rappelait d'ailiers que le Maroc a conclu depuis l'année 2000 et dans différents domaines de coopération, près d'un millier d'accords avec les pays africains. À titre de comparaison, entre 1956 et 1999, 515 accords avaient été signés, alors que depuis 2000, il y en a eu 949, soit près du double. En effet, les montants investis dans cette région du monde ne représentaient, au début du millénaire, que 1,3% de l'ensemble des investissements réalisés par le Maroc à l'étranger. La Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Nigéria étaient alors les pays privilégiés des opérateurs marocains. Les montants investis dans ces deux dernières économies ont dopé la part des investissements du pays en Afrique subsaharienne dans l'investissement global du Maroc à l'étranger. Celle-ci est passée à 27,3% en 2003. «Cette part est tombée à 0,6% en 2005 avant de connaître des niveaux élevés mais différenciés les années suivantes», commente le CMC. La valeur des investissements du Maroc dans le continent africain, qui ne dépassaient guère 200.000 dollars en 2003, avoisine actuellement 3 millions de dollars et couvre plusieurs pays dont notamment le Mali, la Côte d'Ivoire, le Togo, l'Île Maurice, La Guinée, le Cameroun, La République Centrafricaine, le Gabon, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Ghana et le Niger. «Soft power» Au cours de ces dernières années, le Maroc a renforcé sa présence en Afrique. De nombreux accords ont été signés non seulement avec les pays francophones de cette région mais aussi avec d'autres. Le but étant clairement de promouvoir la coopération sud-sud en dépit des fragilités qui existent suite aux faiblesses et aux facteurs d'instabilité économiques qui caractérisent ces économies. Ainsi, le Maroc a récemment élargi son champ d'action en matière d'investissements au Rwanda, en Tanzanie, en Ethiopie, au Nigéria et à Madagascar. Il faut dire que cette démarche s'inscrit également dans le cadre d'un nouveau paradigme dans le cadre de la diplomatie marocaine accordant une place de choix au rapprochement économique dans le cadre de ce que les spécialistes des relations internationales désignent par la puissance douce ou le «soft-power». Le rapprochement économique avec plusieurs pays, traditionnellement considérés comme hostiles à la cause nationale, a permis au Maroc de réintégrer «par la grande porte» l'organisation panafricaine en fin janvier dernier. Ce retour à l'Union africaine constitue en soi une opportunité pour le Maroc d'élargir le cercle des partenaires et la sphère des domaines d'intervention tout en donnant corps à un développement basé sur la dynamisation de la complémentarité dans la valorisation des ressources humaines, matérielles et financières propres à chaque pays. «En effet, cette mutualisation des efforts entre différentes économies du continent serait de nature à permettre aux Africains de conquérir le droit d'être des partenaires, à part entière, dans l'arène des acteurs de la mondialisation», souligne le CMC dans sa dernière note de conjoncture. Défi commercial Reste aujourd'hui qu'un travail supplémentaire doit être fait sur le plan du développement des échanges commerciaux. Le niveau des relations commerciales reste faible, en dépit des améliorations récentes enregistrées dans certains flux d'échanges entre le Maroc et l'Afrique, notamment subsaharienne, au cours des dernières années. Les facteurs responsables de cette insuffisance sont nombreux. On y compte particulièrement les stimulations insuffisantes des échanges, les coûts prohibitifs des transports quand ils existent, le déficit en service d'accompagnement au sein desquels on relève l'inexistence des produits d'assurance à l'export pour de nombreux pays, les réglementations douanières souvent défaillantes. Le flux global du commerce entre le Maroc et l'Afrique demeure cantonné autour de 7% avec une valeur de l'ordre de 40 MMDH, en 2015, dont 53,6% sont réalisés à l'export. C'est ainsi que les exportations vers l'Afrique ont atteint pour cette année une valeur de 21,3 MMDH orientée pour plus de 75% à parts presque égales vers deux régions : L'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest. L'absorption est assurée, pour 49% par six pays (Sénégal, Algérie, Côte d'Ivoire, Egypte, Mauritanie et Tunisie). Les importations par le Maroc en provenance des pays d'Afrique d'une valeur globale de 18,5 MMDH sont beaucoup moins diversifiés que les ventes et relativement concentrées pour l'essentiel, soit 91% au niveau des quatre fournisseurs majeurs : Algérie, Egypte, Afrique du Sud et Tunisie. Accords bilatéraux et coopération commerciale Le cadre institutionnel des relations Maroc-Afrique est constitué d'accords bilatéraux et d'autres régionaux. On retrouve sur le plan bilatéral, les conventions de type préférentiel ou encore des accords faisant référence à la nation la plus favorisée (NPF) ainsi que des conventions commerciales et tarifaires de type préférentiel ou encore des accords faisant valoir un système global de préférence commercial (SGPC) basé sur la réciprocité. Au niveau régional, les relations du Maroc avec son voisinage africain reposent sur des accords à caractères régionaux et globaux pour la couverture des activités de commerce et d'investissement. Le top 3 des secteurs d'avenir Trois grands secteurs d'activité semblent se distinguer dans le cadre de la coopération bilatérale entre le Maroc et l'Afrique. D'abord, l'agriculture dans un contexte où l'Afrique possède la moitié des superficies arables non cultivées dans le monde et que le Maroc dispose des premières réserves mondiales en phosphates et constitue un leader mondial en matière de production d'engrais phosphatés. Ce n'est pas pour rien que le Groupe OCP figure aux premières lignes dans le cadre des différentes tournées royales en Afrique. La croissance du secteur agricole présente une importance vitale pour l'Afrique subsaharienne dont la majeure partie de la population travaille dans l'agriculture. Par ailleurs, le Maroc vise également à partager son expertise développée dans le cadre du Plan Maroc vert. Il est à noter que des obstacles notables freinent le développement du secteur agricole en Afrique, notamment les questions de droits de propriété ou encore le manque de capitaux pour investir dans les semences, les engrais et les machines, etc. L'investissement dans l'infrastructure est également un créneau intéressant pour le Maroc. Plusieurs grands groupes en immobilier et BTP ont déjà posé pied durant ces dernières années dans les pays subsahariens. Beaucoup de ces pays sont pratiquement en phase de reconstruction et nombreux sont ceux qui font face à une faiblesse des infrastructures. Un obstacle qui constitue un frein majeur à la croissance économique, à l'intégration commerciale et à la réduction de la pauvreté. Selon la Banque mondiale, le mauvais état des infrastructures coûte 2% de croissance économique chaque année et réduit la productivité de 40% dans cette région. Par ailleurs, les plus grands besoins infrastructurels de l'Afrique se retrouvent dans le secteur de l'énergie. Les équipements de production de l'électricité sont dans un état particulièrement dégradé. L'Afrique subsaharienne avec ses 850.000 habitants produit à peine autant d'électricité que l'Espagne. Avec son intérêt grandissant pour le développement de sources d'énergies renouvelables, le Maroc pourrait avoir un rôle important à jouer dans ce sens. Enfin, le secteur des services apparaît comme l'un des plus prometteurs pour le continent. C'est d'ailleurs ce secteur qui connaît la croissance la plus élevée dans la plupart des économies africaines, générant à lui seul deux tiers de la croissance du PIB par habitant en Afrique subsaharienne de 1995 à 2011. Les principaux domaines générateurs de croissance économique sont les transports, les télécommunications, les services financiers et le tourisme. Autant de secteurs dans lequel le royaume a investi durant ces dernières années. Le Maroc a renforcé sa présence dans ces secteurs au sein de plusieurs pays africains mobilisant plusieurs milliards de dirhams durant ces dernières années.