De la notion de contribuable assujetti vers celle de client exigeant Le renforcement de l'autonomie financière des villes et de leurs capacités de financement, et par conséquent les possibilités d'investissement dans les infrastructures de base sont des facteurs clés pour garantir un accès équitable de leurs habitants aux services publics locaux. Cela est foncièrement corrélé à leur capacité à générer des revenus fiscaux stables et pérennes. Les impôts locaux sont dans ce cadre, au-delà des transferts de l'Etat, un pilier fondamental de l'échafaudage financier de ces villes. Cependant, force est de reconnaître que celles qui ont le plus besoin de ces ressources sont aussi celles qui ont le plus de mal à maîtriser la gestion de la collecte des impôts et à développer une culture citoyenne de leurs contribuables. Cette situation serait aussi due au sentiment d'insatisfaction de la population face aux actions de la ville, alors que pour elle, une telle déficience en services publics est au contraire la conséquence de l'absence de rendement dans le recouvrement fiscal, nécessaire pour mettre en œuvre ces actions, ce qui renforce la légitimité des prélèvements auxquels sont assujettis les contribuables. En contrepartie, la ville a l'obligation de bien gérer les impôts locaux, en être comptable auprès de la population et de rendre des comptes à sa population sur l'emploi des ressources et sur l'efficacité de son intervention. Il s'agit donc d'opérer un retournement dans cet état de fait : optimiser l'assiette fiscale pour augmenter les ressources afin de pouvoir répondre aux besoins toujours croissants en matière de services publics nécessaires à la vie quotidienne des citoyens. Et pour cause, l'importance de l'évasion fiscale met un frein aux possibilités de leur développement et les interpelle pour opérer un renversement de paradigme au niveau fiscal avec l'idée motrice que l'administration fiscale doit désormais considérer les contribuables comme des clients, en droit d'exiger l'allègement de la lourdeur bureaucratique et procédurière de la collecte des impôts locaux. Dans ce contexte d'insuffisance de culture fiscale du contribuable et d'évasion fiscale plus ou moins accentuée, des solutions sont possibles pour améliorer les recettes et le rendement de l'impôt local, les moyens institutionnels, humains et financiers à mettre en place n'étant pas hors de portée des villes. Ces solutions devraient à juste titre leur permettre d'optimiser les coûts récurrents de perception des impôts qui regroupent les dépenses de personnel, de fonctionnement et d'investissement en administrations fiscales locales : actualisation des bases de données pour l'adressage et le recensement des contribuables, l'évaluation de l'assiette des impôts dus, le recouvrement et la rémunération des fonctionnaires chargés du contrôle et des contentieux. Veille territoriale, informatisation et automatisation des processus fiscaux Améliorer l'adéquation entre la réalité dynamique du terrain et ces bases de données exige que les villes disposent d'outils de veille territoriale, adaptent leurs méthodes de travail en agissant sur la qualité des locaux et de l'accueil des citoyens, la formation et l'intéressement du personnel, la modernisation des outils de communication avec les contribuables, ces derniers étant devenus de plus en plus exigeants en matière d'information, de transparence et de retour fiscal tangible. L'un des leviers importants pour l'amélioration du rendement de la fiscalité locale est de migrer vers un système de gouvernance alternatif de recouvrement de l'impôt local prenant appui sur l'informatisation des bases de données et l'automatisation des processus fiscaux, d'autant plus que les informations nécessaires pour l'administration fiscale sont nombreuses et de natures très diverses : cartographie urbaine, registres d'informations sur les contribuables et les entreprises, systèmes d'information à référence spatiale, sommiers de consistance et valeur des biens fonciers et immobiliers, occupation du domaine public, etc... L'objectif étant d'améliorer les démarches fiscales, de diminuer les temps d'attente, de capter de nouveaux contribuables, d'établir une planification fiscale et d'augmenter les ressources fiscales et par conséquent la crédibilité des villes et leur capacité à mobiliser des ressources financières à la hauteur de l'immensité des besoins d'investissement. L'ouverture de ces villes vis-à-vis des institutions financières et des marchés financiers nécessite de créer une information claire, d'améliorer la transparence de la gestion budgétaire et d'élaborer des perspectives de développement à court et à long termes. L'investissement dans les technologies informatiques pour la collecte automatisée de l'impôt est une source d'amélioration des rendements permettant une gestion beaucoup plus rapide et plus fine des processus fiscaux, l'arbitraire est significativement atténué du fait de l'automatisation, l'acquittement des dettes fiscales devient moins fastidieux, la corruption devient plus difficile à mettre en place et le sentiment de traitement clientéliste des citoyens-contribuables tend à disparaître, en même temps que le taux d'évasion fiscale diminue progressivement. L'économie d'efforts et de temps obtenue grâce à l'automatisation des processus libère les énergies des villes pour «vendre» une conscience citoyenne sur le plan fiscal, qui commande d'investir dans la communication avec les contribuables, de promouvoir un changement de culture fiscale et la notion d'intérêt général. Cette conscience suggère également de mettre en avant la responsabilité du citoyen dans les politiques publiques locales et le caractère «citoyen» du paiement des impôts locaux pour le développement de la ville, tout en rendant ce processus le plus facile et le plus fiable possible...La ville doit aussi saisir l'opportunité de proposer des services spécifiques pour les «grands contribuables» que sont les grandes entreprises implantées sur son territoire, qui doivent s'acquitter de montants importants, en leur réservant un accueil personnalisé, dans une logique de valorisation de l'investissement privé et des commerces de la ville afin d'améliorer le rendement de l'impôt sur les activités économiques. Benahmed Mohamed Expert en développement territorial durable