Difficile de faire fi et du printemps arabe et de la crise économique internationale, surtout lorsqu'on s'applique à faire des projections sérieuses ou à esquisser des perspectives vraisemblables. C'est dans ce contexte très particulier, un tournant historique, dirons certains, que le FMI a publié le rapport économique régional relatif à la zone MENA. Si l'analyse de la situation économique de pays comme la Tunisie, la Lybie, la Syrie et l'Egypte est empreinte du poids des récents changements socio-politiques, celle du Maroc est plutôt dirigée vers le futur. Le mot d'ordre reste incontestablement celui de «la réforme», malgré le renforcement de base économique nationale en générale, et de notre système productif en particulier. Face à ses concurrents de la zone MENA, le Maroc fait figure d'exception. Problématiques subventions Stabilité politique, relative stabilité macroéconomique, croissance solide, un environnement des affaires en amélioration constante, tous les éléments semblent réunis pour faire de notre économie nationale un modèle de croissance régionale. Devant autant de facteurs d'optimisme, si le rapport ne parle pas, à raison, de rigueur, il met toutefois en exergue le nécessaire effort de calibrage que les pouvoirs publics devraient consentir à l'endroit des dépenses additionnelles. Ceci est d'autant plus vrai qu'à l'annonce des prévisions initiales du premier projet de loi de finances en septembre dernier, le niveau du déficit budgétaire projeté n'avait pas manqué d'interpeller les observateurs quant à son réalisme. En déclarant vouloir s'atteler à remédier à la cacophonie de notre système de compensation, au travers de la mise en place d'un fonds de solidarité sociale, le gouvernement, entendait, à l'évidence et davantage, atténuer les critiques que de formuler par là une solution pérenne. L'augmentation des dépenses de compensation devant être atténuée par la réduction des dépenses de fonctionnement, ce sont les dépenses d'investissement qui ont été revues à la baisse, pour maintenir une relative et temporaire paix sociale. «L'inefficacité productive des subventions aux carburants, conjuguée à une faible propension marginale à consommer» implique ainsi, selon le rapport, que «les subventions ont une efficacité très limitée dans la stimulation de la consommation pour amortir les effets du ralentissement économique». Au regard de la récente version du projet de loi de finances, qui ne fait plus état de la création dudit fonds, mais garde le même niveau prévisionnel de déficit budgétaire, la mise en garde du FMI prend tout son sens. Dans la même veine, le rapport accrédite l'idée selon laquelle «les subventions ne profitent guère aux plus démunis». De ce fait, il est fortement recommandé de «mieux cibler les subventions et les transferts sociaux», voire au mieux «remplacer les subventions généralisées par des dispositifs de protection sociale ciblés, afin de dégager la marge nécessaire pour accroître les investissements publics générateurs de croissance». Fiscalité, levier de croissance Par ailleurs, à la lecture du comportement des principaux indicateurs économiques, pris individuellement, apparaissent un certain nombre de faiblesses, qui dénotent, non pas du besoin de changement radical de telle ou telle politique économique publique, mais de la nécessité de renforcer les acquis, de consolider les réalisations et de concilier «croissance solidaire et stabilité macroéconomique». Ainsi, le Maroc fait partie de ce groupe de «bons élèves», qui promettent une évolution du produit national supérieure ou égale à 5%, avec un taux d'inflation stable. Concernant ce dernier point, si les subventions et autres avantages sociaux ont permis «d'atténuer les premiers effets de l'augmentation des prix des matières premières et des produits de base », il n'est aucune certitude quant à la capacité de réaction vis-à-vis de la seconde vague inflationniste, probable en fin de cycle de crise. Toujours dans le volet financier, le renchérissement de la facture des importations et la stagnation de l'activité touristique risque d'exacerber la pression sur les réserves extérieures. Enfin, la forte dépendance du gouvernement du financement intérieur crée une sorte d'effet d'éviction à l'encontre du secteur privé, du fait du resserrement du niveau des crédits disponibles. Au chapitre des recommandations, le rapport insiste sur la nécessité de préserver l'actuelle stabilité économique, tout en œuvrant pour une meilleure cohésion sociale. À ce titre, une politique budgétaire expansionniste pourrait, à court terme, atténuer les impacts de l'actuelle récession économique mondiale. Une des propositions phares pour le moyen-long terme reste celle d'un élargissement de l'assiette fiscale, et plus généralement l'utilisation de l'instrument fiscal comme substitut aux subventions généralisées, en tant que levier de croissance. Accompagnée de «filets de sécurité sociale ciblés», cette mesure devrait, selon la rapport, accroître les ressources publiques, lesquelles pourraient être utilisées pour entamer les réformes de la santé et de l'éducation nécessaires à l'amélioration de la qualité du capital humain national. Toutefois, les pouvoirs publics devraient garder un œil vigilant sur l'évolution de la situation économique en Europe, puisque toute contraction notable de l'activité sur le continent voisin devrait, via les canaux de transmission habituels, influer négativement sur l'activité commerciale et touristique, ainsi que sur les IDE et les transferts de fonds.