Dimanche dernier, «Hearstone», du réalisateur islandais Gudmundur Arnar Gudmundsson, a fait sensation au Palais des Congrès. Fresque poétique, esthétique et dure sur les tracas de la jeunesse, ce premier long métrage du réalisateur a toutes ses chances dans la compétition de la 16e édition du Festival international du film de Marrakech. Comment faire passer des messages durs ou parler crûment tout en émerveillant par la beauté de la nature et de l'humain ? Heartstone a la réponse. Thèmes qui reviennent souvent : la jeunesse, la découverte du corps, le passage à l'adolescence, les premières histoires d'amour, l'homosexualité peuvent très vite paraître redondants, mais quand le réalisateur islandais, Gudmundur Arnar Gudmundsson, les traitent, il le fait avec grâce et subtilité puisqu'il se concentre sur l'intelligence émotionnelle de ses deux principaux acteurs : Baldur Einarsson (Thor) et Blær Hinriksson (Christian). Féru des gros plans, le réalisateur aime ses acteurs et les sublime, les rend beaux même dans la violence de la situation ou la dureté de la scène.Il choisit de se concentrer sur les sentiments, de ces pré-ados perdus entre le passage de l'enfance à l'adolescence, les problèmes familiaux et le conservatisme d'un village de pécheurs parfois trop fermé. Thor et Christian, les deux meilleurs amis du monde, ont cette complicité comme personne. Ils voient cette amitié perturbée par Hanna et Beth, dont Thor tombe amoureux. Quand l'un découvre les premiers émois des sentiments amoureux, Christian découvre qu'il éprouve plus que de l'amitié pour son meilleur ami. Et c'est avec beaucoup de maîtrise et de grâce que Gudmundur Arnar Gudmundsson va faire rejaillir le meilleur de ces jeunes acteurs, comme s'il faisait parler l'enfant qu'il était en lui à travers ses personnages pour qu'ils deviennent adultes face à la caméra. Une fresque poignante, presque romantique par moment, lorsque la violence des situations ne prend pas le dessus. Le film jongle avec fluidité entre les déchirements familiaux, les tromperies, les mensonges, la haine, les jugements et les moments vrais de complicité, de tendresse d'amour. Tantôt caméra à l'épaule pour rentrer dans la vie de ses personnages, tantôt plans larges pour profiter de la beauté de la nature et des paysages islandais, tantôt des gros plans pour saisir l'intensité émotionnelle des personnages, le réalisateur se permet des pirouettes sous l'eau comme cette scène magnifique de Christian sous l'eau, seul endroit où il se permet de crier en silence. Un film beau et pudique pusiqu'il est difficile de parler sentiments, de dire les choses. C'est pour cela que Gudmundur Arnar Gudmundsson nous les fait ressentir, à chaque seconde de son film. Fluide et rythmé, Hearstone est impressionnant pour une première œuvre. Rien n'est laissé au hasard, aucune scène n'est de trop, même si le film peut paraître long, il réussit à capter, à hypnotiser jusqu'à la fin. Les deux jeunes acteurs : Baldur Einarsson, qui joue Thor et Blær Hinriksson, qui joue Christian, prouvent à quel point c'est ingrat d'être un enfant et un adolescent. Ils réussissent à nous faire comprendre, revivre ce passage avec beaucoup de justesse et de talent. Il sublime un film qui a de l'âme, de la profondeur et de la gueule sans un scénario original ou une histoire qui n'a jamais été traitée auparavant. Tel est le génie de Gudmundur Arnar Gudmundsson, réussir à faire un film qui frise le parfait avec un thème vu et revu. Heartstone, fait référence à la douceur d'un foyer qui peut parfois être trop dur à assumer, aux relations entre les êtres humains qui n'est pas facile à déchiffrer. Un film bien parti pour rafler une étoile d'Or...