Les dépenses publiques vont avoisiner les 390 MMDH en 2016 contre 164 MMDH en 2003. L'effet multiplicateur est de 2,4 fois sur 13 années. En un peu plus d'une décennie, les dépenses publiques se sont dégradées de près de 6 points de PIB (+11 points en 2012). Elles représentent désormais 40% de la richesse nationale. Ce qui est en cause, ce sont les charges de fonctionnement et le train de vie de l'Etat. Bien entendu, le budget d'investissement de l'Etat, des établissements et entreprises publics (EEP) et des collectivités locales doit être sanctuarisé, car il est le gage de la croissance d'aujourd'hui et des emplois de demain. Néanmoins, les dépenses de fonctionnement doivent subir une réduction drastique et être soumises à un programme de rationalisation. Or on constate à regret que c'est exactement le contraire de cette politique qui est privilégié : les investissements publics ont été gelés de 25 MMDH en 2013 et le taux de réalisation des investissements programmés ne dépasse guère les 70% selon les exécutions budgétaires. Au même moment, l'Etat démontre son incapacité à se réformer, son impuissance à moderniser ses structures ou à repenser ses modes de gestion. Les gouvernements successifs se sont résignés à voir les dépenses de fonctionnement de l'Etat détruire à petit feu l'équilibre des finances publiques et fragiliser graduellement l'indépendance financière du pays. À la fin de l'année 2016, le gouvernement Benkirane I va léguer au Maroc 267 MMDH de déficits cumulés en cinq ans, joignant son œuvre à celle de ses prédécesseurs et causant une accumulation de dettes publiques qui dépassera les 825 MMDH, soit près de 82% du PIB ! Même si ce legs est fait à lui-même (gouvernement Benkirane II), ce qui n'est pas de nature à rassurer outre mesure les Marocains, le chef de gouvernement devra agir, dès 2017, pour engager une baisse rapide, significative et durable de la dépense publique, afin de contenir les déficits publics et réduire la pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les ménages. Pour parvenir à ce résultat, une feuille de route construite autour des 10 décisions suivantes s'impose : 1. Nommer un Inspecteur général des finances publiques qui sera placé sous l'autorité hiérarchique du président de la Chambre des représentants et fonctionnelle du chef de gouvernement, et créer un Conseil de modernisation des politiques publiques, qui sera chargé de la réforme de l'Etat. 2. Augmenter les ressources humaines, logistiques et documentaires mises à la disposition des deux Chambres parlementaires pour leur permettre d'exercer avec efficacité leur fonction d'évaluation des politiques publiques et de contrôle des finances publiques. 3. Reconsidérer les choix prioritaires du budget de l'Etat et définir une nouvelle hiérarchie budgétaire induisant des transferts de financements du service de la dette et des départements sécuritaires vers l'éducation nationale, la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, la santé, l'équipement, les transports, la recherche et la diplomatie. 4. Parachever le démantèlement du régime de compensation en supprimant les subventions sur le gaz butane et le sucre et mettre en place concomitamment un dispositif de transferts monétaires ciblés et de soutien direct au revenu, dimensionné à due concurrence des économies budgétaires à réaliser sur ce démantèlement. 5. Elaborer avec les administrations centrales et les élus locaux un programme de baisse progressive des effectifs de la fonction publique nationale et territoriale (en rapport avec les départs naturels à la retraite) et de maîtrise des charges de fonctionnement, accompagné d'un plan de restructuration et de modernisation. 6. Revaloriser le statut et les rémunérations des fonctionnaires et des personnels des collectivités locales, définir les plans de carrière et systématiser les actions de formation continue. 7. Restructurer la dette publique extérieure en renégociant les conditions de son remboursement avec les créanciers bilatéraux et les institutions financières internationales (réduction du taux pour alléger le coupon d'intérêt, rééchelonnement de la dette en allongeant la durée de remboursement, «haircut», conversion en investissements directs, swaps devises dirham). 8. Procéder à une évaluation (à la fois en interne et par un cabinet international indépendant) de la gestion de la dette publique intérieure et identifier les sources d'économies et de réduction du coût de financement. 9. Réformer l'Etat actionnaire, professionnaliser sa relation avec les EEP et créer une agence dédiée au portefeuille public qui sera dirigée par un Haut-commissaire aux participations de l'Etat. 10. Faire respecter l'Etat de droit en systématisant la saisine des parquets lorsque des faits graves avérés au niveau des EEP sont révélés par la Cour des comptes. Moderniser les finances publiques, c'est agir sur les dépenses, la dette, les EEP et la fiscalité (6e axe stratégique de la politique économique que je propose) à travers les 10 mesures du dispositif précité. C'est aussi se fixer des objectifs ambitieux. Ramener le poids des dépenses publiques à 35% du PIB à l'horizon 2021 (-1% chaque année), ce qui représente une économie de 150 MMDH en cinq ans, soit 8% des dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'Etat, des EEP et des collectivités locales sur la durée de la mandature. Réduire le poids de l'endettement du Trésor à moins de 60% du PIB en 2021 (65,5% en 2016 et 65,7% en 2017 selon le HCP) et de la dette publique à moins de 75% (81,4% en 2016 et 81,1% en 2017 selon le HCP), revient à stabiliser l'encours de la dette du Trésor à 700 MMDH et celui de la dette publique à 870 MMDH environ, mais à baisser leur poids relatif au PIB de 5,5% et 6,5% respectivement. C'est enfin définir une méthode et s'astreindre à une discipline : des réformes structurelles qui concerneront tous les acteurs publics et toutes les dépenses de fonctionnement, et une transparence totale dans les intentions du prochain gouvernement à l'égard de tous ses interlocuteurs de la fonction publique nationale et territoriale.