Les justiciables marocains auraient une confiance assez limitée dans leur justice et les magistrats chargés de trancher les litiges individuels du travail n'échapperaient pas à cette défiance. Pourtant, le Code du travail s'en remet assez souvent à l'appréciation du juge, notamment en matière disciplinaire pour apprécier la proportionnalité de la sanction à la faute commise ou procéder à l'appréciation de la validité d'un licenciement ou d'une procédure de licenciement Il résulte des différentes études d'opinion que les justiciables marocains ont une confiance assez limitée dans leur justice. Les magistrats chargés de trancher les litiges individuels du travail n'échappent pas à cette défiance. Défiance renforcée par le fait que le juge des conflits du travail dispose d'un pouvoir d'appréciation très étendu. L'importante part factuelle des dossiers ainsi que le recours fréquent à des concepts juridiques mous en droit du travail contribuent à donner au juge du travail une marge d'appréciation souvent assez considérable. Le Code du travail s'en remet assez souvent à l'appréciation du juge, notamment lorsqu'il s'agit en matière disciplinaire d'apprécier la proportionnalité de la sanction à la faute commise ou de procéder à l'appréciation de la validité d'un licenciement ou d'une procédure de licenciement. Il en va de même lorsqu'il faut juger du caractère substantiel ou non d'une modification du contrat de travail du salarié. L'office du juge en droit du travail est si large que ces derniers n'hésitent parfois pas à faire œuvre prétorienne. À la suite d'un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, la majorité des magistrats du royaume considèrent, malgré l'absence de fondement textuel, que l'absence de respect scrupuleux par l'employeur de chacune des étapes de la procédure d'audition et de notification constitue un vice rédhibitoire qui rend le licenciement prononcé automatiquement abusif. Une telle analyse qui ne laisse pas de place comme dans d'autres droits étrangers à la distinction entre vice de forme sanctionné par une simple indemnité pour non-respect de la procédure et vice de fond interroge et démontre l'étendue du pouvoir d'appréciation des juges marocains. L'office du juge en droit du travail marocain est donc particulièrement large. II y a pourtant des limites au pouvoir d'appréciation et la limite principale résulte de l'actuel Code du travail. En effet, avant la loi n°65-99 relative au Code du travail, le juge appréciait souverainement l'étendue du préjudice et donc des dommages et intérêts à allouer au salarié en cas de rupture abusive de son contrat de travail. Certains magistrats n'avaient alors pas hésité à condamner les entreprises à des dommages et intérêts prohibitifs voire même punitifs entraînant parfois la faillite immédiate de l'infortunée société concernée par une telle décision. L'insécurité juridique régnait en maître dans les prétoires. À l'heure actuelle, les dispositions de l'article 41 du Code du travail encadrent le pouvoir d'appréciation des juges en plafonnant à 36 mois de salaire les indemnités pour licenciement abusif. Une autre limite devrait selon nous être posée au vaste pouvoir d'appréciation des juges en matière de contentieux social, c'est le pouvoir de gestion du chef d'entreprise. En principe, le juge ne doit pas pouvoir s'immiscer dans le pouvoir de gestion et les choix économiques et stratégiques du chef d'entreprise. Certains juges l'ont bien compris et ils sont par exemple peu disposés à ordonner à l'employeur de reprendre ou de maintenir un salarié dans son emploi après un licenciement injustifié, et ceci pour ne pas s'immiscer dans les pouvoirs du chef d'entreprise, même si la loi prévoit une telle possibilité de réintégration puisque l'article 41 du Code de travail consacre, dans son dernier alinéa la réintégration au poste comme un procédé de dédommagement en cas de licenciement abusif. Conseil L'article 41 alinéa 3 du Code du travail dispose que le salarié licencié pour motif qu'il juge abusif peut avoir recours à la procédure de conciliation préliminaire devant l'inspecteur du travail. Cette conciliation est faite sans frais ni formalité et constitue un excellent moyen d'éviter de longs procès et de désengorger les tribunaux. Le même article dispose que l'accord obtenu dans le cadre de la conciliation préliminaire est réputé définitif et non susceptible de recours devant les tribunaux. Il s'en déduit qu'une fois signé par les parties et l'inspecteur du travail, un tel accord est insusceptible de contestation et de recours. En le signant, le salarié renonce définitivement et irrévocablement à toute action à l'encontre de son ancien employeur.