Le e-commerce gagne, du terrain au Maroc. Selon les statistiques officielles du ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, on recense à ce jour, plus de 150 sites marchands au Maroc. Le chiffre peut paraître extrêmement faible pour une économie qui compte 7,7 millions de cartes bancaires, mais lorsque l'on tient compte de la progression du montant des opérations échangées sur Internet, on se rend compte du poids grandissant de cette activité. Celui-ci a, en effet, bondi de 89% à fin juin 2011 pour atteindre la barre des 300 millions de DH. De plus, «le chiffre d'affaires attendu pour fin décembre devrait atteindre 700 millions de DH», affirme Soufiane Idrissi Kaitouni, directeur de la Fédération des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring. C'est la raison pour laquelle, consciente de l'essor que prend cette activité et dans l'objectif d'accompagner son développement, la CGEM a décidé de mettre les bouchées doubles à travers le récent lancement du label e-thiq@. Cette initiative a pour objectif d'instaurer la confiance des consommateurs dans les sites marchands. «Ce label se veut également un gage de conformité de l'entreprise à des règles bien définies et un repère sur Internet, à travers lequel les web marchands afficheront clairement leur engagement à respecter les règles du commerce en ligne», complète Abderahmane Riad, président de la commission e-entreprise au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). La mise en place de ce label vise donc à créer un environnement sécurisé, propice au développement du e-commerce au Maroc, qui passe par le renforcement de la confiance des internautes, en leur proposant un contenu de qualité et un paiement en ligne sécurisé. La niche Ce label s'adresse aux entreprises possédant un site Internet de vente de produits ou de services dans le cadre du respect de la réglementation marocaine en vigueur. Il s'applique aux sites commerciaux identifiés ainsi qu'à ceux associés ou liés, eux-mêmes identifiés comme participants à la réalisation de l'acte d'achat, localisés au Maroc. La labellisation va permettre aux sites marchands de s'adresser à des consommateurs marocains ou étrangers. Les produits ou services proposés peuvent être à destination des entreprises, des administrations ou des particuliers. Toutefois, «il n'est pas obligatoire que le site propose un système de paiement en ligne», ajoute le représentant de la CGEM. En revanche, la labellisation des sites marchands prend en compte divers paramètres, allant de la transaction commerciale sur Internet, à l'information du consommateur et aux enquêtes de satisfaction de la clientèle en respectant les règles élémentaires de transparence, d'éthique et d'information relatives à l'identification du professionnel, ainsi qu'au respect du droit du consommateur. Comment décrocher le sésame ? L'octroi du label de la CGEM se fera sur la base d'une évaluation réalisée par l'un des six experts accrédités (Sis Consultant, IT6, Dta protect, Bureau veritas+Lmps, et Consilium). Il faut noter, à ce niveau, que le coût de l'audit préalable varie entre 7.000 et 12.000 DH par jour. Il faut y ajouter les frais de gestion du label, qui seront versés à la CGEM et qui sont à hauteur de 20% du budget total de l'audit. La durée de l'audit, quant à elle, dépend du niveau d'organisation de l'entreprise. En effet, «les entreprises structurées peuvent avoir le label e-thiq@ le jour même. Par contre ceux qui sont peu structurées, peuvent l'avoir sur une durée qui varie entre 3 et 7 jours», ajoute Riad. Cependant, il y a lieu de souligner aussi que le coût reste le premier handicap vers l'adoption de ce label par les petites et moyennes entreprises. Selon le représentant de la CGEM, «la Confédération a entamé des négociations avec l'Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise, afin que cette dernière participe au financement de cette procédure de labellisation». L'ANPME, de son côté, a fait la promesse d'étudier cette proposition, mais, selon Abderahmane Riad, les négociations risquent de durer au moins trois mois. Pour accompagner et promouvoir l'initiative, la CGEM a désigné 10 entreprises qui vont bénéficier de cette labellisation qui sera appuyée par une campagne de communication, dont le lancement est prévu d'ici la fin de l'année, sous la houlette du ministère de l'Industrie. Pour le moment, rien n'est encore acquis, mais plusieurs institutions seraient en train d'étudier la forme de leur implication dans le chantier de «la confiance numérique». Barid al-Maghrib, par exemple, est en train de finaliser une offre spéciale dédiée aux entreprises labellisées (délais de livraison avantageux, mise à disposition du certificat numérique...). Des réunions sont également prévues avec le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) dans le cadre du Comité de veille stratégique. À ces incitations s'ajoute un cadre réglementaire en perpétuelle transformation. À titre d'exemple, citons la récente modification du Code pénal portant sur les infractions relatives aux technologies d'information ou encore la loi régissant l'échange électronique des données juridiques. Ce n'est d'ailleurs pas tout, puisqu'actuellement «une étude est en cours de réalisation pour une refonte complète des lois régissant les NTIC», conclut Abderahmane Riad. Point de vue: Karim Zaz, Associé à Mydeal.ma Le e-commerce commence à peine à se développer au Maroc. Pour cela, la mise en place du label e-thiq@ aura, à mon sens, pour mission de donner plus de visibilité aux consommateurs, entreprises ou particuliers, sur le sérieux et l'engagement des sites marchands. En effet, c'est une variable qui va permettre de construire une relation de confiance entre le consommateur marocain et les sites marchands. Cela ne veut nullement dire que les sites non labellisés ne seront pas pris au sérieux par les acheteurs. En effet, il faut savoir qu'avant le lancement de ce label, nous avons vu depuis quelques années des sites qui ont montré leur sérieux et qui ont réussi d'ores et déjà à instaurer cette confiance. En somme, le label e-thiq@ va être une carte de plus, pour la crédibilité de ces sites, mais aussi pour le renforcement de la confiance numérique au Maroc. En tout cas, je trouve que c'est un levier de développement positif pour les prochaines années. «Notre objectif est d'inciter les PME adopter une logique qualitative» : Abderahmane Riad, Président de la commission e-entreprises Les Echos quotidien : Le label e-thiq@ n'aura-t-il pas comme objectif l'écrémage de l'activité de l'e-commerce? Abderahmane Riad : Notre objectif principal est de tirer le secteur vers le haut. Nous avons mis un ensemble de mesures qui permet d'évaluer les opérateurs. Pour cela, nous allons travailler sur des mécanismes incitatifs, de telle manière à pousser les entreprises à demander ce label. Aussi, le label e-thiq@ a pour objectif d'instaurer la confiance du consommateur, mais également de permettre à l'ensemble du marché de visualiser quelles sont les entreprises qui s'investissent et s'engagent dans une logique de qualité et de respect de l'environnement nécessaire pour le commerce électronique et celles qui pourraient être à la limite de la mauvaise qualité dans le secteur. Dans ce sens, nous allons tracer une ligne qui va montrer ceux qui sont dans une logique positive et ceux qui ne rentrent pas dans le jeu. Toutefois, le but ce n'est pas d'écrémer pour les supprimer, mais plutôt de les inciter à rentrer dans une logique qualitative. Concrètement, comment va se dérouler ce programme de labellisation ? Pour le moment, nous avons une dizaine d'entreprises qui optent pour le label. Ces dernières vont nous permettre de communiquer sur ce projet. Aussi, d'ici la fin de l'année, nous espérons atteindre 20 entreprises labellisées. En effet, pour être dans les objectifs fixés par la Confédération, nous sommes persuadés qu'il faut mettre en place des mesures d'accompagnement. Les prochaines entreprises pourront profiter du retour sur expérience et anticiper l'audit. Pour cela, nous comptons communiquer sur les attentes du label. Du coup, sans avoir engagé une procédure d'audit, les entreprises auront d'ores et déjà l'occasion de travailler sur les points exigés. Quel sera l'impact du volume et de la valeur des transactions ? On s'attend à une montée en puissance assez conséquente. Il y a la valeur marchande, mais aussi le nombre de transactions effectuées. Le but est de pousser le consommateur à entrer dans le mécanisme. Cela va permettre d'élargir la population de consommateurs. Cette donnée va contribuer à la création d'un contexte d'investissement propre et encourageant pour les entrepreneurs voulant investir le secteur. Quid du coût d'octroi du label ? Il varie entre 20 et 30 mille dirhams. il inclut les frais du tiers expert, qui sont de 7 à 12.000 DH par jour, le coût de gestion du label qui est de 20% de la valeur de l'audit. Les entreprises structurées peuvent avoir le label le jour même. Pour celles qui sont insuffisamment structurées, la durée moyenne est de trois jours. Ne pensez-vous pas que le coût lourd de cette démarche pourrait représenter un handicap pour la réussite de cette expérience ? Dans l'absolu, le coût ne peut être considéré comme lourd pour les PME opérant dans ce secteur. Dans ce genre de métier, les entreprises investissent dans la communication. Ce volet sera désormais en grande partie pris en compte par le ministère et la CGEM. Pour cela, je suis convaincu que si on veut aller vite, il faut trouver un moyen pour aider ces petites entreprises à ne pas supporter ce poids pesant du coût de l'audit. Toutefois, les mécanismes sont plus ou moins visualisés. Nous cherchons à opter pour l'utilisation des subventions au niveau de l'audit et de la démarche d'accompagnement de mise en conformité. Ces mécanismes ont été définis bien avant la mise en place du label. Ils excluent en partie les entreprises éligibles. Dans ce sens, tout le travail que nous sommes en train de mener avec l'Anpme consiste à trouver un environnement souple, qui permet d'utiliser ce label. Il y a une convergence d'idée sur le principe et l'utilité de l'approche. Mais comme cela ne peut se faire dans une courte durée, nous sommes convaincus qu'il faut d'abord mettre en place des règles et des procédures qui soient auditables et vérifiables pour qu'on ne rentre pas dans une logique de dispersion des énergies. Nous nous battons pour que cela aille plus vite, car c'est un des vecteurs les plus importants pour la promotion du label. Autrement, les grandes structures n'auront pas de problème à supporter ces frais, tandis que les petites auront un frein psychologique. La logistique est considérée comme le maillon faible de cette activité, qu'est ce que vous comptez faire dans ce sens ? Nous travaillons avec BAM, qui est un acteur majeur dans la logistique au niveau national. Il y aura une offre préférentielle pour les entreprises qui seront labellisées. Une récompense de l'investissement engagé de la part de ces dernières, pour profiter d'un environnement logistique plus fluide avec des conditions financières particulières et une information rapide.