«Travaillons-nous pour une chaîne publique destinée à informer ou sa vocation est-elle de diffuser des séries étrangères doublées?». C'est la question que se posait une employée de 2M lors d'une rencontre sur les médias audiovisuels publics au Maroc. S'interrogeant sur le rôle des chaînes de télévision nationale, la journaliste avait remis ouvertement en cause l'importance du divertissement - et plus particulièrement de la fiction - dans la grille de la chaîne casablancaise. C'est une question qui mérite d'être approfondie, à la lumière des résultats d'audience relevés au cours du mois de septembre. Après un mois de ramadan sous le signe (habituel) du divertissement, voire carrément du burlesque, les deux chaînes ont toutefois réalisé quelques réajustements dans leurs grilles respectives, accordant plus de place à de nouveaux programmes de débat ou d'investigation... Quatre semaines après la rentrée, que regardent les téléspectateurs marocains au cours des 3h20 quotidiennes d'écoute par individu ? Le service public dans le collimateur Une chose est sûre, certains rendez-vous du petit écran se sont inscrits dans les habitudes télévisuelles des Marocains, tels que la série historique Hdidane pour 2M, ou encore le magazine juridique Moudawala pour Al Oula. Dès la première semaine de septembre, les deux programmes retrouvent leur position de «leaders» dans le top 5 hebdomadaire, avec des parts d'audience respectives de 41,7% et 28,4%. Ces résultats plantent d'emblée le décor d'une «spécification» de l'audience à laquelle certains s'étaient déjà habitués. Autrement dit, le schéma «2M : chaîne de divertissement, et Al Oula chaîne d'information» se confirme, et avec lui, les inquiétudes de cette journaliste de la chaîne de Aïn Sebaâ, et ses collègues. «Comment peut-on parler de mission de service public avec une dizaine de fictions diffusées quotidiennement ?» s'interroge-t-on dans l'assemblée. Et ce n'est pas fini, car chaque nouvelle saison ou grille débarque avec son lot de fictions. Chassez le naturel... Pour le mois de septembre (du 31 août au 27 septembre), les indicateurs d'audience révèlent un succès non seulement rapide, mais surtout croissant d'une énième série étrangère débarquée dans la grille de 2M, baptisée Estrella. Dès la deuxième semaine du mois dernier, la fiction se greffe au sommet du classement et ne décroche plus, passant ainsi de 45,6% de part d'audience (le 2 septembre elle est classée troisième du top 5) à 54,7% de PdA (vendredi 16 septembre en première poisition). Le reste des programmes retenus aux tops 5 hebdomadaires de la chaîne ne tombe pas plus loin, puisqu'il s'agit, pour la plupart, de fictions elles aussi internationales : Nidae, Ayna Abi, Waldi ou encore Sila... Si 2M n'a pas fini de faire le tour du monde en 80 épisodes, la notion de service public, elle, est de plus en plus remise en cause, notamment par les employés de la chaîne eux mêmes. De son côté, la chaîne historique se révèle une fois de plus une source d'information «viable» pour les téléspectateurs nationaux, puisque c'est au journal de 20h30 que revient la première place du classement hebdomadaire, deux semaines sur quatre. Plus de 3 millions de téléspectateurs sont réunis devant le JT arabe de la première chaîne, près de 2 millions dans les «mauvais jours». La rentrée 2011-2012, n'aura-t-elle donc pas vraiment bousculé les habitudes télévisuelles des téléspectateurs ? Il faut croire que non. Dans ce cas, ne serait-ce au pôle audiovisuel public de repenser le positionnement de ses chaînes à partir de leur «positionnement spontané», pour plus d'efficacité commerciale mais aussi éditoriale ?