Arthur Delaire fait déjà parler de lui dans le milieu du cinéma. À tout juste 28 ans, il a co-réalisé et joué dans un court métrage qui a eu du succès, «Course en sac», avant de s'attaquer à un premier long métrage «Paris-Willouby» qu'il a signé avec son acolyte Quentin Reynaud. Rencontré dans les coulisses du Festival du film français à Casablanca, le plus rock'n roll des réalisateurs français se livre comme il sait le faire: avec sincérité et simplicité. Il a le look d'un Beatles des années 2000, bien dans sa tête, qui aurait pu adapter «Imagine» en film. D'ailleurs, c'est le sentiment qui revient lorsque l'on visionne son travail. Lui, c'est Arthur Delaire, jeune réalisateur, scénariste et acteur français qui est venu défendre son film «Paris-Willouby», co-réalisé avec son ami Quentin Reynaud, à la première édition du Festival du film français. «J'ai été touché par la lettre de l'ambassadeur où il nous invitait à montrer que, malgré ce contexte lourd, il y a un vrai échange entre la culture occidentale et la culture arabe», avoue le plus anglais des réalisateurs français. Un film, une envie Après avoir vu «Paris-Willouby», on comprend tout de suite qu'il n'y aura pas de juste milieu chez les téléspectateurs. Soit on va l'adorer, soit le détester. Il faut sûrement avoir l'âme rêveuse ou celle d'un enfant pour apprécier le moment de cinéma qu'Arthur Delaire et Quentin Reynaud nous proposent. Malgré les airs de Little Miss Sunshine du film, les deux jeunes réalisateurs n'avaient pas l'attention d'en faire une «grosse comédie». Un film inclassable entre la comédie poétique ou encore la romance utopique. «On ne l'a pas considéré comme une comédie. On ne voulait pas faire dans le cliché. Dans le cinéma français, le côté fantastique et fantaisiste n'existe pas beaucoup», avoue le réalisateur. C'est un road-movie familial qui capte la vie de tous les jours avec simplicité et sincérité. Un pari réussi, puisque les images et la musique sont au service d'un jeu d'acteur époustouflant. Oui, parce qu'avec ce genre de film, il faut des comédiens touchants et simples, qui s'investissent à fond. Tel a été le cas pour l'excellent Stéphane de Groodt, toujours aussi juste et poignant, Isabelle Carré, douce et sincère, et un Alex Lutz surprenant. Lui qui nous a habitués à son côté clown et androgyne, est d'une virilité bien rock'n roll dans ce film, dans lequel il est à la fois émouvant et crédible. C'est l'histoire de la famille Guilby Lacourt, famille recomposée typique de notre époque. Entre père, belle-mère, petite sœur, frère, demi-sœur, ou encore demi-oncle, ils ont parfois du mal à s'y retrouver. Un soir, ils apprennent la mort d'un grand-père avec qui ils ont coupé les ponts depuis une dizaine d'années. Fatalement voués à cohabiter le temps d'un long voyage pour se rendre à son enterrement, ils vont tous très vite devoir s'adapter au concept du «vivre ensemble» dans l'espace exigu de la voiture familiale vers une ville imaginaire. «On l'a écrit à deux. On est tous deux issu d'une famille nombreuse. En revanche, on trouvait que l'angle d'une famille recomposée était très actuel. Il donne lieu à des situations amusantes, peu importe que ce soit une «vraie famille» ou non. L'important, c'est que l'on s'aime», explique Arthur Delaire, qui voit son père fauché par une leucémie pendant l'écriture du film. «Ce genre de drame nous fait prendre conscience des choses de la vie, auxquels ont ne fait pas attention. J'ai l'espoir qu'avec ce film, de nombreuses personnes pourront se rabibocher avec leur famille. On a eu des gens qui sont venus nous voir après les projections pour nous dire qu'ils étaient touchés. Sur ce film, j'avais vraiment envie de raconter une «non histoire» presque, la vie de tous les jours. Il se passe énormément de choses dans ce film, mais j'avais envie «d'attraper» des moments de vérité», confie le réalisateur qui avoue considérer sa famille et ses amis comme des cadeaux de la vie. Un côté idéaliste et profondément humain qui se fait ressentir dans le film d'Arthur Delaire et dans sa démarche artistique. «Je suis un passionné par le road-movie de Thelma et Louise, à Un monde parfait en passant par Little Miss Sunshine, je me rappelle de ces voyages en famille. Le road-movie est un voyage initiatique. On est obligé de se parler lorsqu'on est enfermé dans un monospace à faire la route ensemble. Mes personnages évoluent pendant ce voyage, c'est un peu une métaphore de la vie». L'artiste qui aime les choses simples de la vie.... Arthur Delaire, doué d'un charisme et d'un talent certains, est de ceux à qui on peut aisément prédire une brillante carrière. Des idées à foison, de multiples talents... le réalisateur, scénariste, acteur et également boxeur et musicien à ses heures perdues, est fortement influencé par la culture anglo-saxonne. «Je suis profondément Français. Mon père était vigneron, le terroir, c'est important. J'aime ce côté cynique qu'on a, ce second degré qui caractérise les Français. Mais artistiquement, je suis très influencé par les Anglais. Ils ont un rapport à la magie, fantaisiste, que l'on n'a pas». Grâce au Rock outre-manche qui l'a poussé à cultiver sa créativité déjà débordante, Arthur Delaire baigne dans l'univers british dès son plus jeune âge, depuis sa banlieue bordelaise. Presque marginal par rapport au milieu du cinéma, loin de l'ego surdimensionné et du superficiel, le réalisateur français semble être l'enfant caché de Woody Allen à ses débuts ou de John Lennon! Acteur également, il aime profondément ses comédiens et avoue avoir un cercle de jeunes talents qu'il souhaite faire jouer à l'image de Maeva Youbi. «J'aime donner leur chance à de jeunes acteurs que je connais, qui me rendront cela au centuple», avoue celui qui aime diriger ses comédiens et qui les pousse à proposer de nouvelles choses. Aujourd'hui, Arthur Delaire a des projets plein la tête. Il continue son aventure seul et a beaucoup d'idées de prochains films dont il a déjà entamé l'écriture. Le réalisateur ne se limite pas à un genre en particulier. «Je ne veux pas me concentrer sur un genre en particulier. Les réalisateurs que j'admire changent de style tout le temps. Je ne veux pas être mon propre cliché», avoue le comédien-réalisateur qui a déjà écrit un film de boxe sur 3 amis d'enfance, dans lequel il recrée un espèce d'orphelinat qui n'existe pas, mais aussi une série western post-apocalyptique, qui ressemble à une chasse à l'homme, tout en ayant des envies de science-fiction! «Je calme mes ardeurs! Mais j'ai hâte de proposer plein de choses. On s'est mis d'accord avec Quentin Reynaud pour faire ce film ensemble. Ensuite, chacun va aller de son côté tout en gardant un œil sur le travail de chacun. J'ai hâte de voir ses films, il a hâte de voir les miens». Si les prochains films sont aussi imprégnés de bonnes intentions, de douceur et surtout d'humanisme, le public aura hâte aussi...