Radius, think tank du cabinet de conseil Public Affairs & Services (PASS), a mené une consultation autour de la Couverture sanitaire universelle (CSU). «Les Inspirations Eco» publie, en exclusivité, les conclusions de cette étude présentée aujourd'hui. 38 entretiens ont été menés pour préparer ce «document de réflexion et de discussion». «Global Santé est un projet voué à rassembler autour des perspectives de la Couverture sanitaire universelle (CSU) au Maroc», explique Radius. Cette démarche a permis de recueillir l'avis des décideurs publics, les organismes de protection sociale, les universitaires et les acteurs privés de la santé et de l'assurance. Quel est rôle de l'Etat ? Ces acteurs ont rappelé les grandes difficultés du système de santé au Maroc. «Il est une des victimes collatérales de l'échec des politiques publiques de santé», constate ce document. Et d'ajouter : «Aucun système de couverture sanitaire ne peut fonctionner si les substrats du système de santé sont défaillants». Les interlocuteurs de Radius ont soulevé trois principales défaillances : le manque d'infrastructures et l'obsolescence du matériel actuel, la pénurie aiguë en personnel de santé, notamment en médecins et infirmiers et les inégalités des offres de soin. Les spécialistes invités à livrer leurs pistes de réformes proposent de «nouvelles formes de contrôle et de gouvernance» de la CSU. Ceci devrait se traduire par le passage «d'un régime centralisé lourd et cloisonné» vers «un régime solidaire et mutualisé», proposent les répondants. Actuellement, le Maroc compte cinq régimes d'assurance maladie (voir schéma). La deuxième piste de réforme nécessite une «clarification des rôles des différents acteurs». Plus précisément, le document recommande d'affirmer une nouvelle fois le rôle de l'Etat régulateur et non gestionnaire du système de santé. «Pour beaucoup, l'Etat devrait se focaliser sur son rôle de régulateur et de contrôleur. Il n'est pas efficace de cumuler la régulation et la gestion du système», note Radius. Et de suggérer : «Une gestion déléguée (au privé par exemple) d'un certain nombre de prestations d'assurances, auprès de populations ciblées, tels que les salariés ou les indépendants, permettrait de faire jouer la concurrence et d'orienter le service vers le bien-être de l'usager». De nouveaux outils Pour mieux accompagner la généralisation de la CSU et surtout l'Assurance maladie des indépendants (AMI), qui concerne 11 millions de Marocains. Radius propose de s'appuyer sur trois d'actions. Le premier concerne les outils. L'étude propose de profiter du nouveau statut d'auto-entrepreneur pour faciliter l'intégration de l'informel dans l'assiette des cotisations, ainsi que le recours à des outils innovants pouvant être mis à la disposition de ces populations comme les cartes prépayées. En matière de sources de financement de la CSU, l'étude propose de «rationnaliser les coûts de gestion pour limiter la croissance des dépenses». Et ceci à travers la maîtrise de l'achat des médicaments, la prévention médicale, l'investissement dans les petites unités de soins, l'optimisation des protocoles médicaux, etc. Le recours à la fiscalité est également recommandé. L'étude propose de nouvelles taxes sur les billets d'avion, les opérations de change, les services de confort comme les appels téléphoniques et les produits nuisant à la santé (tabacs alcools, etc). Enfin, ladite étude recommande de repenser le financement et la gestion du RAMED. Recommandations opérationnelles Sur le plan opérationnel, l'étude recommande le lancement d'une étude d'impact du système de CSU actuel et/ou futur. Le but sera de suivre de près les évolutions et en évaluer les résultats. «Ces analyses prospectives auront pour but de rééquilibrer les rapports de force entre les différents organismes gestionnaires, en se basant sur des indicateurs de performance clairs. Elles permettront également d'améliorer les moyens utilisés dans la communication et la promotion de la couverture sociale», propose l'étude. Deuxième mesure opérationnelle, la création d'un Do-tank dédié au secteur de la santé. «Cette structure permettra aux différents participants de raisonner et de «fabriquer des solutions-santé» pour le pays avec une méthodologie d'accompagnement de la mise en œuvre». L'assurance des indépendants gérée en PPP ? Le partenariat public-privé (PPP) est plébiscité de toutes parts. Il serait le moyen de «développement d'initiatives de financement privé au profit des hôpitaux publics», selon le ministère de la Santé. Radius appelle à éclaircir cette piste et à creuser les opportunités qu'elle offre. «Les parties sondées tempèrent sur le rôle que pourrait jouer le secteur privé dans la CSU. Celui-ci ne peut être qu'un complément aux efforts de l'Etat». Cependant, les assureurs privés demeurent ainsi prédisposés à nouer des partenariats avec chaque régime d'assurance. Le think tank propose d'élargir ce mécanisme pour la CSU. «L'AMI pourrait être délégué aux assureurs privés, à travers des contrats-cadres ou des appels d'offres», propose Radius. L'étude insiste : «le partenariat avec le privé doit être cadré et répondre à un cahier des charges précis».